Galaxy Note7 : Samsung cherche encore le coupable

Florian Innocente |

Quelle est l’origine du problème technique qui a conduit Samsung à tirer un trait sur la commercialisation du Galaxy Note7 ? Le fabricant se perd toujours en conjectures et un porte parole l’a admis sans ambages au Financial Times :

Nous essayons d’arrache pied de trouver la cause des problèmes du Note7 auprès de différents canaux, mais nous ne l’avons pas encore trouvée.

crédit : Samsung

Cette chasse infructueuse au bug avait été évoquée plus tôt dans la journée par le New York Times. D’après une source au fait des tests en cours, cette semaine encore les ingénieurs de Samsung étaient dans l’incapacité de reproduire les explosions qui ont alimenté l’actualité à un rythme soutenu.

Une question à plusieurs milliards qui demeure sans réponse un mois et demi après l’annonce du premier rappel des Note7. Le 2 septembre, la situation paraissait pourtant revenue sous contrôle, après que quelques centaines d’employés eurent travaillé à identifier le dysfonctionnement.

Fausse piste

Un communiqué annonçait un programme d’échange des Note7 suite à la découverte d’un « problème avec des cellules de batteries ».

Las, l’incendie médiatique reprenait de plus belle avec les Note7 de remplacement tout aussi prompts à s’embraser et les équipes de Samsung devaient repartir de zéro. Avant son lancement, des centaines de testeurs chez Samsung et les opérateurs avaient évalué l’appareil sans relever de défaut majeur. Ce qui ajoute à l’incompréhension aujourd’hui.

Fin août, le fabricant avait conclu que sa filiale Samsung SDI lui avait fourni un lot de batteries défectueuses. Un document transmis aux autorités sud-coréennes, obtenu par la chaîne de télévision SBS, expliquait que les tranches formant les batteries étaient trop proches les unes des autres. Elles étaient aussi enfermées dans un réceptacle aux coins arrondis.

Ces lamelles, lorsqu’elles se retrouvaient pliées, étaient susceptibles de provoquer un court-circuit. Il y avait en plus des défauts avec l’adhésif isolant dont elles étaient munies, ainsi qu’avec le revêtement recouvrant l’anode.

SDI est la filiale de Samsung qui a fabriqué la majorité des premières batteries. ATL est son autre sous-traitant. Ses composants ont été utilisés dans les premiers Galaxy Note7 puis il est venu en renfort pour les modèles de remplacement — Cliquer pour agrandir

Pendant que Samsung rappelait 2,5 millions de Note7 dans 10 pays, il se tournait vers l’un de ses sous-traitants, Amperex Technology (ATL) pour obtenir des batteries dans les meilleurs délais. ATL avait déjà équipé la première vague de Note7 mais dans des proportions bien moindres que Samsung SDI, numéro 1 des batteries lithium-ion.

ATL est une filiale du japonais SDK. 65 % de son chiffre d’affaires provient de l’équipement en smartphones et la moitié de cette activité est générée par Apple. ATL est le quatrième fournisseur de batteries, juste devant Sony mais derrière LG Chem, Panasonic et Samsung SDI (Apple passe commande au moins chez les quatre premiers).

Malheureusement pour Samsung, les incidents constatés avec les Note7 de remplacement donnent à penser que les batteries fabriqués par ATL ne règlent en rien le problème. Ce qui sous-entend que la raison est peut-être plus profonde, liée à la conception même de ces batteries ou à des éléments périphériques.

L’immense publicité du Note7 sur le CNIT à la Défense a été retirée aujourd’hui — via @grebert

« Le note 7 avait plus de fonctionnalités et il était plus complexe que tout autre téléphone existant. Dans sa course pour surpasser l’iPhone, Samsung semble avoir concentré tellement d’innovations que cela en est devenu incontrôlable », déclare Park Chul-Wan. À la lecture du rapport sur les causes des premières combustions spontanées du Note7, cet ancien directeur du Centre de recherche avancée sur les batteries en Corée s’était montré dubitatif quant à la responsabilité des seules batteries.

Dans l’attente d’une réponse, plusieurs hypothèses s’affrontent et tournent autour de l’idée que Samsung, dans sa volonté de dépasser Apple, a trop chargé la barque de son smartphone.

À encombrement égal, la batterie est d’une densité largement supérieure (3500 mAh/13,48 Wh contre 2750 mAh/10,45 Wh sur le 6 Plus disponible alors). En poussant au maximum les limites de sa batterie, Samsung aurait pris le risque de la rendre plus instable et sujette à ces explosions.

Ce qui fait dire à un responsable d’iFixit que n’importe quel fabricant de grande envergure prend le même risque. Toucher les limites de ce qui est faisable aujourd’hui avec ces batteries, tout en les produisant dans des volumes énormes et avec des tolérances de qualité élevées va « devenir de plus en plus délicat ».

crédit : iFixit — Cliquer pour agrandir

Pour augmenter cette densité dans ses batteries, Samsung a choisi d’amincir la séparation entre l’anode et la cathode dans les cellules. Mais avec une paroi trop mince il y a un danger de contact.

Samsung a fait preuve d’audace en adoptant des séparateurs très fins, estime Noboru Sato, un ancien cadre de Samsung SDI, mais ils sont peut-être allés trop loin en essayant de réussir cela dans un laps de temps réduit pour sortir avant l’iPhone 7.

Moins que ces séparateurs eux-mêmes, Noboru Sato se demande si Samsung disposait des technologies nécessaires à cette manière de procéder : « Il faut être très précis pour les manipuler, il est possible que le problème soit survenu du fait de lacunes dans les tests ».

Un autre observateur suggère que le processeur était peut-être sollicité d’une manière intensive et finissait par peser sur la batterie, conduisant à une surchauffe. Mais on a vu des témoignages de clients dont le Note7 s’est enflammé alors qu’il était au repos.

Un analyste de SK Securities pointe « l’obsession » de Samsung pour assurer l’étanchéité de son produit, tandis que la gestion de la température passait au second plan, n’ayant jamais posé de problèmes :

La recharge rapide et une plus grande capacité font peser une pression trop importante sur la batterie du Note7. D’une manière générale, il semble que quelque chose va de travers avec la gestion de la consommation électrique des Note7. Ils n’arrivent pas à se refroidir correctement lorsqu’ils sont en recharge rapide ou que trop de choses fonctionnent simultanément.

D’aucuns font enfin observer qu’en collant les batteries et en empêchant de pouvoir les remplacer pour ces mêmes questions d’étanchéité de finesse accrue, Samsung a compliqué leur remplacement.

Outre les hypothèses techniques, d’autres critiques sont formulées contre le management de Samsung. Deux anciens employés décrivent une culture d’inspiration militaire. Avec une hiérarchie très forte et pyramidale, où les ordres viennent de gens qui n’ont pas toujours les compétences techniques requises pour comprendre les tenants et les aboutissants des technologies utilisées.

Craignant des répercussions plus tard en justice, Samsung a également demandé aux personnes chargées d’isoler le problème et de réaliser les tests d’en discuter entre elles sans laisser de traces écrites, en interdisant par exemple les mails. Ce qui n’est pas pour rendre le travail plus efficace.

Pour l’heure, explique une source du Financial Times, toutes les pistes sont explorées : « le logiciel, le matériel et la production ». Si la situation de Samsung ne doit pas déplaire à tout le monde, on peut aussi penser qu’elle a sonné l’alerte chez tous les constructeurs…

  • Le site de Samsung en France a retiré toutes les pages du Galaxy Note7, ne subsiste plus que celle annonçant des conditions de rappel : « Nous travaillons étroitement avec l’ensemble de nos partenaires pour mettre en place un programme de remplacement qui leur permettra d’échanger leur Note7 par un Galaxy S7 ou S7 edge. Au moment de l’échange de l’appareil, la différence de prix leur sera remboursée. L’alternative proposée est d’obtenir le remboursement de l’appareil. »
Accédez aux commentaires de l'article