Roblox, jeu ou expérience ? Phil Schiller contredit son directeur marketing

Mickaël Bazoge |

La définition qu'Apple donne d'un jeu s'est élargie hier, à l'occasion de l'audition de Phil Schiller. Le patron de l'App Store, interrogé dans le cadre du procès entre Epic et Apple, a finalement admis que Roblox était bel et bien un jeu après que Trystan Kosmynka, directeur senior du marketing pour Apple, ait martelé la semaine dernière que pas du tout (lire : Interdiction des boutiques d'apps dans l'App Store : les contradictions d'Apple).

L'app Roblox permet de jouer à des milliers de jeux créés par les utilisateurs de la plateforme de développement.

Selon Kosmynka, Roblox offre en effet des… « expériences ». Un argument pour le moins spécieux, sachant que l'application iOS de Roblox permet d'accéder aux jeux conçus par sa communauté de développeurs. Mais il s'agissait surtout de défendre la position d'Apple qui interdit (normalement) les apps faisant figure de « boutiques dans la boutique ».

En faisant la différence — ténue, personne n'en disconviendra — entre « expériences » et « jeux », le dirigeant confortait la décision du constructeur d'autoriser Roblox dans l'App Store, tout en justifiant l'interdiction de l'Epic Games Store, ou des services de streaming de jeux1.

Cette redéfinition au chausse-pied de Roblox est remontée jusqu'aux oreilles de la plateforme qui, dans la foulée, a tout simplement décidé de rebaptiser ses jeux en expériences ! « Le terme "expériences" est cohérent avec l'évolution de notre terminologie qui reflète la réalisation de notre "métaverse" », a confirmé un porte-parole à The Verge. L'onglet Jeux est devenu (ou va devenir) Expériences sur le site web de la plateforme, un changement qui va s'étendre à l'ensemble du site et de ses apps, en fait.

Phil Schiller a donc remis l'église au centre du village en parlant de jeu pour Roblox, tout en apportant une nuance : « [l'app] est faite de multiples jeux, ce n'est pas qu'un seul jeu ». Pour l'Apple Fellow, Roblox est un « concept assez nouveau » ce qui justifie sa présence dans l'App Store. Rappelons tout de même que Roblox est disponible en version finale depuis 2005, avant même la création de l'iPhone…

Si Roblox est donc redevenu un jeu, pourquoi donc autoriser sa « boutique dans la boutique », et pas l'Epic Games Store par exemple ? « Je comprends que ce soit un peu compliqué [à comprendre] », admet Schiller, qui oppose les « créateurs » aux « développeurs ». Le développeur de l'application Roblox, c'est Roblox Corporation, qui doit la soumettre à l'App Store pour validation, décrit-il.

« Roblox lui-même autorise une classe d'utilisateurs, souvent appelés "créateurs", à créer des jeux dans l'app Roblox qui sont ajoutés et distribués comme contenus dans l'application ». En d'autres termes, les « boutiques dans la boutique » sont autorisées dans l'App Store pour peu que le contenu distribué provienne de « créateurs » et pas de « développeurs ».

L'idée qu'a voulu faire passer Phil Schiller auprès de la juge Yvonne Gonzalez Rogers (qui doit franchement se gratter la tête), c'est que les jeux créés avec le code de Roblox ne peuvent guère aller plus loin que leur nature intrinsèque de jeux. On a tout de même connu Apple beaucoup moins coulant avec d'autres applications moins complexes.

Sur un registre moins mal de crâne, Phil Schiller a confirmé hier qu'il était un joueur invétéré : en plus de ses appareils Apple, il possède les dernières consoles de jeux ainsi qu'un système de réalité virtuelle dédié à la conduite automobile !


  1. Les services de cloud gaming ont fini par être autorisés, mais les exigences d'Apple sont telles qu'ils ont préféré s'en tenir à une web app. Phil Schiller a d'ailleurs distingué Netflix du Xbox Cloud Gaming hier : « [le service de Microsoft] en fait bien plus que des vidéos ». Selon lui, les utilisateurs s'attendent à chercher des jeux sur l'App Store (sous-entendre : des jeux en solo), mais pas des films.  ↩︎

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