Pour passer entre les mailles du filet européen, Apple assure que l’App Store n’est pas une, mais cinq boutiques

Anthony Nelzin-Santos |

L’App Store est « une plateforme sure et fiable », « bien plus qu’un simple magasin d’applications », « un espace innovant conçu pour vous offrir des expériences exceptionnelles. » Sauf quand la Commission européenne s’en mêle : l’App Store devient alors cinq plateformes indépendantes, et bientôt six avec la commercialisation du casque Vision Pro, qui seraient trop petites pour mériter l’attention du régulateur. Ce monument de mauvaise foi est au centre de la défense d’Apple, qui conteste l’application du Digital Markets Act (DMA) devant le Tribunal de l’Union européenne.

Le bâtiment Berlaymont à Bruxelles. Image EmDee (CC BY-SA 4.0).

Qu’importe qu’elle promeuve l’App Store comme une seule et même boutique desservant cinq (et bientôt six) plateformes. Qu’importe qu’elle décerne des « App Store Awards » et non des « iPhone App Store Awards » et « Mac App Store Awards ». Qu’importe même que l’on puisse installer des applications iPhone et iPad sur le casque Vision Pro et les Mac. Qu’importe que les développeurs ne possèdent qu’un seul compte App Store Connect. Apple assure que chaque plateforme possède sa propre boutique applicative.

La Commission aurait ainsi commis « des erreurs factuelles en concluant que les cinq App Store constituaient une seule et même plateforme de services » comptant 132 millions d’utilisateurs dans l’espace communautaire. Passe encore que la firme de Cupertino soit considérée comme un « contrôleur d’accès » sur l’iPhone : son App Store est bel et bien « une plateforme essentielle » où Apple régule les échanges entre les développeurs et plus de 100 millions d’utilisateurs. Mais sur les autres plateformes ?

Apple assure qu’elles sont trop petites pour mériter l’attention du régulateur — le premier des trois critères définissant un « contrôleur d’accès » est qu’il possède « un poids important sur le marché intérieur ». Lorsqu’il s’agissait de respecter le Digital Services Act (DSA), Apple avait pourtant accepté de traiter toutes ses plateformes sur un pied d’égalité… puisque cela allait dans le sens de sa communication sur la sécurité et la confidentialité. La législation sœur du DMA vise en effet à lutter contre la propagation de contenus illicites et le profilage en ligne.

Le DMA affectera quant à lui le modèle économique de l’App Store, puisqu’il va forcer Apple à permettre la distribution d’applications au travers de boutiques tierces. L’indicatif est de rigueur : malgré la procédure d’appel, la firme de Cupertino devra se plier au droit européen d’ici au 6 mars prochain. Le travail est déjà bien entamé sur l’iPhone, qui n’y coupera pas, mais Apple fait tout son possible pour éviter d’ouvrir l’iPad, l’Apple Watch, l’Apple TV et le Vision Pro de la même manière.

Apple conteste aussi la désignation d’iMessage comme « service de communication interpersonnel indépendant du numéro de téléphone », assurant qu’il ne peut pas être considéré comme une plateforme puisqu’il n’implique aucune transaction financière et n’est pas financé par la vente de matériel ou de données personnelles. Dans ce cadre, l’annonce de la prise en charge du protocole RCS pour améliorer l’interopérabilité avec Android sans ouvrir iMessages n’est pas du tout un hasard.

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