Modem 5G Apple : les réseaux du grand retard

Stéphane Moussie |

Outre le titane, l'USB-C et l'A17 Pro, les iPhone 15 et 15 Pro auraient dû avoir une autre nouveauté d'ampleur cette année : un modem 5G conçu par Apple. Il n'en est rien finalement, et il ne faut pas s'attendre à voir les puces Qualcomm disparaître de l'iPhone avant plusieurs générations. Le Wall Street Journal dévoile dans une enquête les coulisses d'un projet stratégique qui accumule les retards.

Image Apple/iGeneration

Les raisons pour lesquelles la firme de Cupertino veut créer son propre modem 5G sont évidentes : faire des économies sur le long terme, sachant qu'elle aurait versé l'année dernière plus de 7,2 milliards de dollars à Qualcomm, et prendre son indépendance d'un partenaire avec qui les relations ont été houleuses par le passé.

Après le succès des puces Ax, Tim Cook, Johny Srouji et d'autres cadres décident en 2018 de lancer le projet de création d'un modem maison, raconte le Wall Street Journal. Ce projet est nommé Sinopé, du nom d'une nymphe de la mythologie grecque qui se déjoue de Zeus. Tout un symbole. Rubén Caballero, le responsable des technologies sans fil d'Apple à ce moment-là, milite pour sa part pour un partenariat avec Intel, mais Johny Srouji, le chef d'orchestre des puces Ax, l'emporte. Caballero quittera Apple l'année suivante.

La plupart des ingénieurs qui étaient sous l'autorité de Caballero rejoignent alors les équipes de Srouji, avec comme conséquence la présence d'un haut responsable n'ayant aucune expérience en technologies sans fil.

Apple, qui débauche des talents de Qualcomm depuis des années, accélère le mouvement en 2019 en renforçant significativement sa présence à San Diego, le fief du concepteur des Snapdragon, et en acquérant l'activité puces réseaux d'Intel. Les dirigeants fixent alors un objectif ambitieux pour la concrétisation du projet : automne 2023.

Cependant Apple découvre rapidement que la méthode utilisée pour développer ses propres systèmes sur puce (SoC) ne fonctionne pas avec les modems ; mettre à l'ouvrage des milliers d'ingénieurs ne suffit pas pour concevoir rapidement un modem performant. Les modems soulèvent des problématiques très différentes des SoC. En particulier, tandis que les puces Ax sont conçues pour une poignée de produits, les modems doivent prendre en compte les réseaux 2G, 3G, 4G et 5G du monde entier.

Faute d'expérience dans le domaine, les cadres définissent des échéances qui ne peuvent pas être tenues, témoigne aujourd'hui un ancien ingénieur auprès du Wall Street Journal. Les équipes doivent en effet concevoir des prototypes qui fonctionnent avec de nombreux opérateurs à travers le monde, une tâche chronophage. De plus, ces équipes ne sont pas aidées par le fait qu'elles sont cloisonnées dans des groupes distincts à travers plusieurs pays et qu'elles ne disposent pas d'un référent global.

C'est finalement en fin d'année dernière que la direction d'Apple prend véritablement la mesure du défi immense que représente la conception d'une puce réseau. Et pour cause, les résultats sont très mauvais : les prototypes mis au point fin 2022 ont trois ans de retard sur les meilleurs modems de Qualcomm, d'après les sources du journal américain. Ces prototypes sont à la fois lents, sujets à la surchauffe et énormes — le circuit imprimé est grand comme la moitié d'un iPhone.

Le constat est sans appel : le modem maison ne sera jamais prêt pour les iPhone 15 en septembre 2023. La direction d'Apple décide alors de repousser son intégration en 2024, avant de se rendre compte que cette échéance est elle aussi irréaliste. Finalement, la Pomme mise sur fin 2025 pour la concrétisation de son premier modem.

En attendant, puisqu'il faut bien que l'iPhone puisse se connecter à internet, un nouveau contrat a été passé avec Qualcomm — une annonce faite d'ailleurs la veille de la présentation des iPhone 15. Ce contrat expire en avril 2025, mais il peut être prolongé de deux ans supplémentaires, au cas où…

Accédez aux commentaires de l'article