Eddy Cue : « Nous ne sommes pas un service de streaming »

Florian Innocente |

« Streaming » c'est le mot que l'on n'a quasiment pas entendu dans la bouche d'Eddy Cue durant le gros quart d'heure de sa démonstration d'Apple Music. Interrogé par Rolling Stone, en compagnie de Jimmy Iovine, il précise qu'en effet il ne l'a prononcé qu'une seule fois. Et pour cause, de son point de vue, le streaming n'est qu'un élément du grand ensemble qu'est Apple Music.

Iovine, lui, sur scène, a parlé d'un « écosytème » qu'il rêvait de créer, lorsqu'il est allé voir Tim Cook et Eddy Cue avant l'acquisition de Beats. Pour Eddy Cue, Apple Music est d'abord une somme de services.

Apple Music, partout
On n'a aucun problème avec ce terme [streaming, ndlr]. C'est simplement que nous ne sommes pas un service de streaming. Ce n'est pas de cette manière que nous nous définissons. Nous pensons qu'il s'agit d'un produit beaucoup plus important, qui a de nombreuses fonctions et le service de streaming est l'une d'entre elles.

Le prix du ticket d'entrée pour Apple Music — 9,99 $ — n'est pas celui qui a donné le plus de fil à retordre durant les négociations avec les maisons de disques, assure Eddy Cue. C'est avec la formule familiale que la Pomme entendait se démarquer. Elle est proposée à 14,99 $ par mois pour un maximum de six personnes (il faudra absolument être sur iOS 8 au minimum pour en profiter puisque cela marche avec la fonction de Partage familial).

Spotify par exemple facture 50% du prix de la formule de base à une personne supplémentaire. On paye ainsi 14,99 euros pour deux utilisateurs et il n'y a pas de proposition pour 6 personnes, on s'arrête à 5 personnes pour 29,99 €. Si la conversion en euros pour Apple Music n'est pas défavorable, le service aura immédiatement un réel avantage tarifaire.

Cette perspective a déjà fait rugir l'ADAMI en France (société civile pour l'Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes) qui l'anticipe et dénonce la part trop faible qui sera reversée aux artistes [pdf].

Apple a annoncé hier le lancement d’Apple Music. C’est un évènement considérable pour la musique et le streaming en particulier. Si Apple Music peut être une opportunité pour l’industrie musicale, il faut qu’il le soit pour tous les maillons de la chaîne. Or, il dégrade un peu plus encore la rémunération des artistes. Le calcul est vite fait : chaque abonné à l’offre « famille », principale annonce d’Apple, rapportera aux artistes entre 0,11€ et 0.17€ /mois à partager entre tous les artistes écoutés par l’abonné.

Une réaction qui illustre peut-être la difficulté qu'a eue Apple pour signer ses premiers partenaires « Nous voulions faire quelque chose de vraiment génial pour les familles… Ca n'a pas été facile. Nous avons dû convaincre les labels que c'était aussi dans leur intérêt à eux. »

Pour le moment, les grandes maisons de disques sont partantes, il y a aussi d'importantes labels indépendants. Apple va maintenant tâcher de convaincre les autres indépendants avant le lancement du 30 juin.

Eddy Cue comme Jimmy Iovine se montrent plus évasifs et même secrets sur la manière dont Apple va rémunérer les ayants-droits, ceux qui s'inquiètent des faibles revenus dégagés par les services de streaming. On aura toutefois noté, pendant la démonstration, que Taylor Swift était présente dans le catalogue d'Apple Music alors qu'elle a quitté Spotify avec fracas l'année dernière (lire Spotify et Taylor Swift : le streaming musical fait toujours débat).

Apple Music n'est pas le catalogue d'iTunes

C'est un point qui n'est pas assez mis en avant, le catalogue disponible pour les abonnés d'Apple Music — 30 millions de morceaux, comme chez Spotify — n'est pas le même que celui de l'iTunes Store, souligne The Verge. Il en récupère une part conséquente mais il y a des trous, des absents qui n'ont pas accepté que tel ou tel contenu soit accessible en streaming. L'exemple le plus significatif étant la discographie des Beatles qui n'y figure pas pour le moment. Au fil du temps, certains acteurs rentreront probablement dans le rang, tout dépendra des négociations.

Précision importante, Apple Music fonctionne à la manière d'iTunes Match, en agrégeant son catalogue avec le vôtre. Si vous aviez déjà en votre possession une belle collection de titres des Beatles achetés ou récupérés depuis des CD, vous pourrez les écouter sans problème dans l'app Musique.

Cue et Iovine ont refusé de s'étendre sur les compensations financières et sur les royalties qu'Apple reverse aux ayants-droits. Eddy Cue a écarté toute idée de donner des chiffres comme l'ont fait parfois ses concurrents face à des critiques sur leurs taux de rémunération :

Nous avons toujours été très clairs — la grande majorité des revenus que nous recueillons va aux labels. Le modèle économique a toujours été le même. Nous avons reversé beaucoup, beaucoup de millions de dollars. Ce que nous avons fait et que nous continuons de faire, c'est espérer que nous amènerons les gens à payer pour ces services dont nous pensons qu'ils sont de grande qualité et nous collecterons l'argent qui servira à payer les maisons de disques.

Enfin, quelques-uns des concurrents d'Apple ont salué l'arrivée de ce nouveau service en maniant l'ironie. Daniel Ek, le fondateur de Spotify, s'est fendu d'un tweet (qu'il a par la suite effacé) et dans lequel il résumait sa pensée : « Oh. Ok ». Sous entendu, tout ça pour ça.

Rdio s'est inspiré du message de bienvenue qu'avait adressé Apple à IBM dans les années 80 lorsque ce dernier lança ses premiers PC. Rdio a publié un tweet en forme de clin d'oeil en espérant une concurrence « responsable » pour contribuer à rendre la musique accessible légalement à tous, partout et tout le temps.

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