Le juste combat de Taylor Swift contre le dragon Apple Music

Mickaël Bazoge |

Cette nuit-là, quand Taylor Swift, étreinte par le feu brûlant de l’écriture, veillait depuis quelques heures à chasser la muse pour son prochain hit, elle n’en put plus. La lecture du contrat Apple Music envoyé à quelques uns de ses bons amis l’a mise plus bas que terre, si loin des si hauts cieux où son esprit vagabonde si souvent. Pensez donc : à la ligne « rémunération », il était écrit en lettres de sang « 0% de compensation pour les ayants droits » durant les trois premiers mois de l’abonnement au service.

Son feu intérieur la ravagea alors si intensément qu’à 4 heures du matin, avant même potron-minet et le petit déjeuner consolateur, elle coucha sur le papier sa fameuse lettre ouverte contre Apple, une véritable flèche qui allait percer la rude cuirasse derrière laquelle se protégeaient les petits cœurs sensibles d’Eddy Cue et de Tim Cook.

Quel courage ! Quelle ténacité ! La jeune chanteuse, reine du monde, avait pourtant souffert de la rage des laids qui lui ont reproché, avec grand dédain et méchante morgue, sa position ferme sur les services de streaming. Cette missive précédemment envoyée au Wall Street Journal — avait-elle aussi été rédigée nuitamment, à la flamme de cette fièvre intense qui étreint habituellement les artistes si doués ? L’histoire, telle que contée par Vanity Fair, ne le dit point hélas —, et dans laquelle elle disait tout le mal que lui inspirait Spotify, lui avait créé quelques solides inimitiés dans le bas marigot des incultes.

« Pourquoi est-ce qu’elle ne ferme pas sa gu… », explique t-elle au périodique, plaçant ainsi dans la bouche des vils des paroles qui devaient certainement être bien pires. « Ma crainte, c’était d’être vue comme quelqu’un qui se plaint et qui râle sur une chose dont personne ne se préoccupe vraiment ». Oh, mais quel jugement hâtif porte t-elle sur elle-même ! Quelle infamie que penser cela alors que ce n’est que la Justice, oui, celle avec un J majuscule, qui guide ses pas !

Heureusement, dans l’épreuve de cette angoissante nuit opaque, sombre et rembrunie, obscure comme l’esprit torturé de l’âme plongée dans des ténèbres moroses, une lumière a jailli au bout de ce tunnel trouble : la douce et tendre génitrice de Taylor, meilleure conseillère et confidente de l’artiste, a été la récipiendaire première de la missive enflammée. « Elle sera toujours l’unique. Je lui ai simplement dit : ‘’ J’ai vraiment peur de cette lettre, mais je devais l’écrire. Je ne vais peut-être pas la poster, mais je devais le dire’’ ».

L’incroyable force du courrier, que la renommée de la chanteuse a propulsé au firmament de la scène médiatique, a forcé Apple à accéder aux désirs les plus fous de la belle. À son plus grand étonnement d’ailleurs, et presque à son corps défendant : oui, c’était fait, les trois premiers mois d’écoute gratuite à Apple Music allaient bien être dûment payés aux ménestrels de ses amis. « Apple m’a considérée comme le porte-voix de la communauté créatrice ». « Et je trouve assez ironique qu’une entreprise de plusieurs milliards de dollars ait réagi aux critiques avec cette humilité ».

Qu’on se le dise : la douce Taylor aime toujours autant Apple. Mais elle se fait dure et acerbe quand elle évoque à mi-mots la fureur que lui inspire un concurrent dont elle ne prononcera pas le nom afin de ne pas ajouter l’opprobre à l’humiliation publique : « La start-up sans trésorerie a réagi à la critique comme une entreprise sans âme ». Pan dans ta tronche, vil Spotify.

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