Apple n'a pas voulu croquer dans Quibi

Mickaël Bazoge |

Quibi est un drôle de projet. Ce service de streaming vidéo, créé par Jeffrey Katzenberg, cofondateur de Dreamworks, et Meg Whitman, ancienne CEO de HP, se consomme uniquement sur les écrans mobiles en raison de la brièveté des programmes proposés qui ne dépassent pas les dix minutes. Sa bonne idée, c'est de proposer deux manières de voir le contenu : à l'horizontale et aussi à la verticale, avec des points de vue qui changent — on peut même s'amuser à basculer régulièrement son smartphone durant une émission pour voir la différence.

Mais voilà, Quibi s'est lancé au mois d'avril, lorsque la moitié de la planète devait rester à la maison en raison des mesures de confinement. Quel est l'intérêt de regarder une vidéo sur le petit écran d'un iPhone quand il y a la grande télé du salon disponible à toute heure de la journée ? Le service, pensé pour être utilisé dans les transports en commun, perdait là un de ses arguments de vente.

Quibi pêche également par l'absence de version pour télés connectées et box de streaming, et il a fallu attendre de longs mois avant de pouvoir streamer les programmes avec AirPlay et Chromecast. Et puis il y a le modèle économique : deux abonnements sont proposés, un à 4,99 $ par mois avec de la pub, 7,99 € sans pub (les 14 premiers jours sont offerts). Pour son lancement, le service avait lancé une opération promo avec 90 jours d'essai gratuit.

Bref, ça commençait à faire un peu beaucoup pour une plateforme de streaming qui avait tout à prouver. Ses ambitions étaient pourtant importantes : l'objectif était d'atteindre 7 millions d'abonnés à la fin de la première année ; la jauge atteint à peine le demi-million après six mois. Toutes ces raisons font que Jeffrey Katzenberg a pris son bâton de pèlerin pour vendre sa création au plus offrant.

Le problème, c'est que personne ne veut de Quibi. Pas même Apple : Eddy Cue a refusé l'offre, selon le site The Information. Il n'est pas le seul : Facebook et WarnerMedia n'ont pas été plus intéressés. La richesse de Quibi, c'est son catalogue : que des programmes inédits avec beaucoup de vedettes1, et aussi toute une section info.

Mais voilà : Quibi n'est propriétaire de ces contenus que pendant deux ans. Ensuite, les créateurs et les producteurs peuvent repartir avec leurs séries pour les vendre ailleurs. Il n'y a donc guère d'intérêt à mettre des billes dans ce service, si ce n'est pour exploiter un (maigre) fichier d'abonnés.


  1. Quibi peut s'enorgueillir d'avoir emporté deux Emmy Awards cette année, un de plus qu'Apple TV+ !  ↩︎

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