MQA met la clé (de sol) sous la porte

Anthony Nelzin-Santos |

Le codec MQA devait révolutionner la compression de fichiers musicaux « sans pertes », l’entreprise MQA Ltd passe finalement par pertes et profits. Après le retrait de son principal investisseur, elle s’est placée sous « administration » (via), l’équivalent britannique d’une procédure de sauvegarde. Une petite victoire pour les audiophiles partisans d’une certaine raison face aux promesses semblant trop belles pour être vraies.

La lecture de fichiers MQA dans Audirvana. Image MQA.

Créée par scission d’une branche de Meridian Audio, MQA promettait d’établir une nouvelle chaine de (re)production, en s’attachant particulièrement à la traçabilité des enregistrements. Pour assurer une « qualité master authentifiée », l’entreprise voulait établir un système de certification des enregistrements, contrôlé numériquement depuis le studio jusqu’aux enceintes.

Un témoin bleu devait attester la validité de la signature d’un fichier MQA Studio et garantir la parfaite reproduction de la musique. Mais en 2014, l’industrie se demandait encore comment diffuser en streaming des fichiers de « qualité studio ». MQA Ltd assurait apporter la solution avec son codec MQA, censé être capable de « plier » un fichier 24/192 dans un « origami musical » prenant moins de place qu’un fichier 16/44 avec une approche « perceptiblement sans perte ».

Voilà qui aurait été révolutionnaire… si cela avait été vrai. Les fondements de la technologie n’étaient pas insensés : les données des fréquences supérieures à 20 kHz étaient enfouies dans le bruit des fréquences inférieures, sous le seuil de l’audition, jusqu’à produire un fichier 16/44. Il était évident que ce processus était destructif, sans quoi MQA aurait réussi à dépasser le théorème de Nyquist-Shannon, mais sans documentation ni encodeur publics, il était bien difficile de mesurer l’ampleur des pertes.

Après plusieurs années de recherches indépendantes, il est devenu clair que ce processus de « pliage » réduisait fortement la gamme dynamique des morceaux, introduisait des scories parfois audibles, et augmentait le niveau de distorsion harmonique. Or dans le même temps, MQA Ltd a complètement abandonné sa démarche qualitative et réencodé massivement les catalogues des principales maisons de disque sans jamais revenir au master.

Audirvana Plus à l'écoute du MQA et du streaming audiophile

Il ne restait plus rien de la « qualité master authentifiée » que le témoin bleu, qui s’allume uniquement si l’éditeur du logiciel ou le fabricant du matériel paye une licence. À l’exception notable de Tidal, aucun service de streaming n’a adopté le codec MQA, le problème de la diffusion lossless ayant été résolu par l’augmentation de la capacité des réseaux. Qobuz et Deezer utilisent le codec open source FLAC, Apple préfère son propre codec open source ALAC, et Spotify continue d’ignorer royalement la question.

Les fabricants de composants « haut de gamme » ont plus volontiers joué le jeu, ce qui avait probablement motivé l’intérêt du groupe de luxe Richemont, qui a investi dans MQA Ltd par l’intermédiaire de Reinet Investments SCA. Or depuis quelques mois, MQA Ltd s’était lancée dans la promotion d’un nouveau codec, cette fois dédié à la transmission sans-fil en Bluetooth, UWB ou Wi-Fi.

Baptisé MQair lors de sa présentation en novembre 2022, ce codec adaptatif promettait une diffusion de 200 kb/s à 20 Mb/s selon les conditions et les technologies utilisées « sans effet notable sur la qualité de reproduction », en utilisant des techniques similaires (mais pas identiques) à certains aspects de la compression MQA. Malgré l’abandon de la marque MQair au profit de la désignation plus technique SLC6, le codec n’a pas été adopté dans la dernière révision de la norme Bluetooth.

Cette décision semble avoir précipité la sortie de Richemont, qui détient 24 % du capital de MQA Ltd, et dont le représentant1 a quitté son poste au conseil d’administration de l’entreprise. MQA Ltd devrait probablement être vendue à la découpe, l’entreprise assurant avoir reçu des offres « à la suite de la réception positive » de son codec SCL6. Autrement dit : le codec MQA original n’intéresse pas les repreneurs potentiels.

Des appareils certifiés MQA ont encore été présentés la semaine dernière. Cette nouvelle ne devrait avoir aucun effet sur leur fonctionnement, mais pose la question de la continuité de l’offre « HiFi Plus » de Tidal, complètement entremêlée avec la chaine de production MQA. MQA Ltd n’a jamais semblé disposée à publier un encodeur/décodeur, si bien que les rares fichiers MQA en circulation pourraient tout simplement être illisibles dans les années qui viennent.


  1. Qui n’est autre qu’Anthony Edward Rupert, le fils du fondateur et président de Richemont.  ↩︎

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