Numericable-Bouygues, une fusion « au bénéfice de l’investissement et des consommateurs » ?

Nicolas Furno |

« C’est au contraire un projet industriel, au bénéfice de l’investissement et des consommateurs. » : c’est en ces termes qu’Éric Denoyer, directeur général de Numericable-SFR a répondu à Emmanuel Macron qui qualifiait le projet d’acquisition de Bouygues Télécom — révélé hier seulement — d’« opération opportuniste ». Interrogé par Les Échos, le DG de ce qui deviendra peut-être le plus gros opérateur français a ainsi défendu ce projet en mettant en avant les bons résultats de la précédente acquisition d’Altice.

Patrick Drahi (droite), assis à côté d’Éric Denoyer lors d’une conférence de presse.

Rappelons en effet que la maison-mère de Numericable avait déjà entrepris une immense opération d’acquisition à la fin de l’année dernière avec SFR. La fusion des deux entreprises ne s’est pas faite sans heurt, mais le directeur général met en avant les emplois maintenus et la relance des investissements depuis l’opération. Numericable-SFR a revu ses objectifs de mise en place de la fibre à la hausse, avec 20 millions de prises d’ici à 2020. Bref, à l’en croire, tout va pour le mieux et ce sera la même chose avec Bouygues Telecom.

Altice s’engage à prendre les mêmes engagements sur l’emploi pour Bouygues Telecom que ceux pris pour SFR. Ne manque plus que l’aval des autorités compétentes et Éric Denoyer rappelle d’ailleurs que Patrick Drahi a rencontré le ministre de l’Économie ce soir.

Numericable-SFR semble bien sur le point d’avaler Bouygues Telecom. Ce qui voudrait dire que le marché français reviendrait à trois opérateurs mobiles, la situation que l’on connaissait avant l’entrée dans le secteur de Free Mobile, début 2012. Est-ce que cela veut dire que les prix augmenteront à nouveau ? Le directeur général du groupe assure que non, sans surprise, et il cite quelques exemples européens, oubliant au passage tous ceux qui lui donnent tort.

Comme le rappelle Rue89, les prix sur mobile ont bien augmenté en Autriche et en Irlande. À chaque fois, l’un des quatre opérateurs locaux avait disparu à la suite d’une acquisition. En Irlande par exemple, les prix de certains abonnements ont augmenté de 25 % après l’achat de l’opérateur O2 par l’un de ses concurrents. Le site a interrogé Antoine Autier, spécialiste de ces questions chez UFC Que Choisir, et pour lui, c’est « quasiment mécanique, quand on repasse de quatre à trois opérateurs, les prix remontent. »

Le risque n’est pas seulement côté mobile toutefois : Bouygues Telecom est l’un des rares à avoir baissé les prix de l’ADSL avec des offres à 20 €. Il n’y a guère de doute que ces offres low-cost disparaitraient à la faveur d’une acquisition, au profit des offres câble et fibre du nouveau propriétaire. Par ailleurs, l’UFC Que Choisir s’interroge sur les plans de Free, que l’on sait déjà intéressé par la vente de Bouygues Telecom. Free et Free mobile vont-ils en profiter pour augmenter leurs tarifs ? Antoine Autier se pose la question :

On est un maverick quand on a zéro part de marché. À 15 %, Free peut toujours être agressif. Mais à 25 %-30 %, gardera-t-il son ADN de casseur de prix ? Dans le fixe, il a été l’initiateur de la hausse des prix, de 29 à 35 €, en lançant sa Freebox Révolution fin 2011. S’il le faisait dans le mobile, les autres opérateurs suivraient.

Xavier Niel compte-t-il vraiment garder des prix toujours aussi bas ?

Le gouvernement s’est montré plutôt hostile à cette acquisition jusque-là, mais est-ce vraiment pour l’intérêt des consommateurs ? Rue89 cite un « proche du dossier » qui minimise le risque réel et fait valoir que, certes, les prix vont augmenter, mais que « ce n’est pas très grave, on a les prix les plus bas d’Europe. »

Au fond, l’État ne veut peut-être pas de cette fusion parce qu’elle pourrait desservir ses propres intérêts. La vente de fréquences de 700 MHz doit rapporter entre 3 et 4 milliards d’euros qui serviront, notamment, au budget de la Défense. Avec quatre acteurs, les enchères auraient eu plus de chance de monter qu’à trois participants seulement…

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