Zune/Xbox : les leçons d'un échec et d'une réussite

Florian Innocente |

La Xbox marche, le Zune s'est planté. De deux produits dont il a supervisé la naissance et constaté le succès pour l'un et l'échec patent pour l'autre, Robbie Bach a tiré quelques enseignements. L'homme a quitté Microsoft il y a deux ans, au moment du lancement des Windows Phone, après y avoir passé 22 ans et achevé son parcours comme responsable de la division Entertainment and Devices.

Lors d'une conférence sur la création d'entreprises, il est revenu sur les destins croisés de ces deux produits au fil de quelques leçons retenues depuis.

Le premier enseignement est qu'il faut s'attacher à créer une rupture face aux produits concurrents déjà en place, d'autant plus s'ils sont leaders sur le marché. La Xbox s'est distinguée de la PS2 par son disque dur : «Cela se révèle être super cher si vous ne le budgétez pas correctement, et au début on s'y est mal pris, et ce fut une manière très coûteuse d'entrer sur le marché, mais nous avions un produit différent. Ça permettait les téléchargements, et de manière générale cela a ouvert à plein de choses qui étaient impossibles sur la PS2.»

L'autre élément différenciateur fut le choix de miser sur le haut débit via un port Ethernet, en excluant le modem interne. Avec pour conséquence de préparer le terrain au jeu en ligne et plus tard aux Xbox Live. Mais il fallut convaincre le patron de Microsoft : «En 2001, et ce n'est pas une blague, nous étions en réunion avec Bill (Gates) et plusieurs autres membres de l'équipe dirigeante, et on a dit que nous avions pris la décision de retirer le modem de la Xbox. Bill Gates nous a répondu que c'était l'idée la plus folle qu'il avait jamais entendue. Pendant trois semaines on a eu des échanges par e-mail, et on a dû refaire une réunion pour convaincre Bill que supprimer ce modem était la meilleure chose à faire. Aujourd'hui, certaines personnes réunies ici ne savent peut-être même pas ce que c'est qu'un modem…».

À l'inverse, si c'était à refaire, Robbie Bach ne retenterait pas l'expérience du Zune (lancé fin 2006, cinq ans après l'iPod). Le marché du baladeur MP3 était déjà en train de s'éroder à l'arrivée de Microsoft et il aurait été plus judicieux de porter les efforts sur la création d'un service de musique pour les téléphones : «Honnêtement, nous n'avons pas été assez courageux, et nous nous sommes retrouvés à vouloir rattraper Apple avec un produit qui n'était pas mauvais, mais ça restait un produit suiveur, et il n'y avait aucune raison pour que quiconque se dise qu'il devait absolument l'avoir».

Le Zune a également raté le coche dans son message marketing, une faute dont Bach assume sa part de responsabilité. Avec le recul il juge qu'il n'y avait rien dans la manière dont le Zune était présenté aux clients qui puisse justifier son choix plutôt qu'un autre baladeur. Quant aux publicités, leur côté très artistique passait au-dessus de la tête de la grande majorité des gens. À l'inverse, la communication sur la Xbox mettait en avant des performances supérieures à ses concurrents et ses dispositions pour le jeu sur Internet.

Lorsqu'on se lance dans un tout nouveau marché, que l'on soit une startup ou un géant, il existe un même impératif, celui de trouver ses alliés. Pour la Xbox, Microsoft a réussi à convaincre de grands éditeurs qu'il était dans leur intérêt de la soutenir pour ne pas laisser Sony régner seul : «Être dépendant de quelqu'un d'autre était mauvais pour eux, ils nous ont donc soutenus, et d'une manière même disproportionnée proportionnellement aux chiffres».

À l'inverse, le monde de la musique est resté sourd à cette stratégie, regrette Bach : «Ce n'est pas qu'on n'a pas essayé - je ne sais pas comment le dire poliment - mais l'industrie de la musique n'a tout simplement rien compris. Ils n'ont pas pigé qu'être dépendants d'Apple était une mauvaise idée. Ils étaient tellement accros à la drogue que leur fournissait Apple, qu'ils ne pouvaient pas voir au-delà, et se rendre compte qu'il leur en fallait d'autres pour faire tourner leur business. Les maisons de disques, l'industrie de la musique, ne s'en sont jamais remises.»

Un autre facteur du succès de la Xbox fut de capitaliser sur les faiblesses de ses concurrents, Nintendo et surtout Sony dont Bach relève les erreurs commises lors de la transition vers la PS3, avec ses partenaires, la difficulté pour les développeurs de programmer pour cette console, les coûts du produit, etc. Dans le camp du Zune, par contre les choses étaient plus compliquées pour le challenger devant la redoutable machine Apple «Ils ont fait très, très peu d'erreurs au cours de ces dix dernières années. C'est assez remarquable, en fait. Je leur tire un joli coup de chapeau. Je ne suis pas toujours d'accord avec tout ce qu'ils font, mais ils se sont très rarement trompés. Si vous êtes dans une startup et que votre concurrent ne fait pas d'erreur, le terrain devient compliqué à jouer, et peu importe si vous avez beaucoup d'argent».

Si le Zune a échoué, la Xbox a aussi connu des déboires, a rappelé Bach, en citant les 1 milliard de dollars que Microsoft a dû prendre à sa charge en juillet 2007 du fait de dysfonctionnements matériels dans la console : «l'événement le plus difficile de ma vie» a déclaré l'ancien responsable.

Toujours à propos du Zune, on rappellera cette rumeur d'un nouveau service musical multiplateforme que Microsoft lancerait cet automne. Surnommé pour l'heure "Woodstock", son nom définitif serait l'occasion d'enterrer la marque Zune, un peu trop associée au défunt baladeur (lire Microsoft annoncerait un nouveau service musical à l'E3).

[via Geekwire]

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