La Chine fait ses emplettes chez TSMC, fabricant des processeurs Apple

Anthony Nelzin-Santos |

Quanxin Integrated Circuit Manufacturing (QXIC) et Wuhan Hongxin Semiconductor Manufacturing (HSMC) multiplient les débauchages chez TSMC. Une information qui n’aurait aucun intérêt si TSMC n’était pas le plus gros fondeur de la planète, fournissant notamment Apple, et que ces entreprises n’étaient pas financées par le gouvernement chinois. Depuis quelques mois, la Chine met les bouchées doubles pour établir une filière locale de production de processeurs.

Un wafer sous cloche, au MWC 2011. Image iGeneration.

Il faut dire que le secteur est en pleine recomposition. Intel vacille, embourbée dans une ornière technologique, au point d’envisager de sous-traiter la production de ses processeurs. TSMC a clairement pris l’ascendant, et fabrique les puces des plus grands noms de l’industrie, dont Apple et Qualcomm. Échaudés par la versatilité de la politique américaine, les acteurs chinois prennent leur destin en main, au moment même où le champion national Huawei est victime d’une pénurie de processeurs.

Le gouvernement central et les gouvernements locaux financent directement les fondeurs. Ainsi dans le cadre du programme de développement économique E-Town, le gouvernement municipal de Pékin soutient la construction d’une nouvelle usine de Semiconductor Manufacturing International (SMIC), un projet à 6,5 milliards d’euros. Le plus grand fondeur chinois sous-traite pour les entreprises américaines Qualcomm, Broadcom, et Texas Instruments.

Dès sa fondation en 2000, SMIC avait pillé la propriété intellectuelle de TSMC. Après plusieurs procès, les deux entreprises avaient enterré la hache de guerre, TSMC recevant une part de l’entreprise chinoise en compensation. De fait, TSMC est une cible de choix. Emblème de la réussite économique du frère ennemi taïwanais, elle réalise un quart de son chiffre d’affaires en Chine, où elle possède plusieurs usines.

Fondée en 2017, HSMC est dirigée par un ancien directeur des opérations de TSMC, parmi les meilleurs spécialistes mondiaux de la recherche dans le domaine. Constituée l’an dernier seulement, QXIC a déjà débauché des dizaines d’ingénieurs de TSMC. Selon le Nikkei, plus de 3 000 ingénieurs taïwanais ont rejoint des fondeurs chinois. Grassement dotés, ils peuvent jouer du carnet de chèques.

HSMC offrirait ainsi « jusqu’à 2,5 fois le salaire annuel de TSMC », en incluant les primes, selon les sources du quotidien économique japonais. QXIC a ouvert un centre de recherche et de développement à quelques encablures de l’usine la plus avancée de TSMC, au sud de Taiwan. Plus encore que les débauchages, qui ne sont pas rares dans les secteurs concurrentiels, TSMC craint d’une manière tout euphémique le « transfert de propriété intellectuelle ».

En réponse, le fondeur taïwanais exige ainsi de ses propres fournisseurs qu’ils maintiennent un cordon sanitaire avec les fondeurs chinois, afin que les machines conçues pour les besoins de TSMC ne sortent pas des usines de TSMC. En l’état actuel des choses, même le grand SMIC accuse un retard technologique marqué, seuls les fondeurs taïwanais et coréens maitrisant les processus sous les 10 nm. Reste que l’ambition — et les moyens — des fondeurs chinois est pratiquement sans limites.

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