Fusion entre carte d’identité et carte Vitale : le projet controversé remis sur le tapis par Gabriel Attal

Stéphane Moussie |

En dépit de nombreuses critiques, Gabriel Attal veut vraiment voir fusionner la carte d’identité et la carte Vitale. Après avoir lancé cette idée il y a un an alors qu’il était ministre de l'Action et des Comptes publics, l’homme politique récidive, cette fois en tant que chef du gouvernement.

Lors de la présentation du bilan de son plan antifraude à Bercy hier, mercredi 20 mars, Gabriel Attal a déclaré que la fusion des deux cartes était un chantier « prioritaire ». « Vous avez des personnes qui viennent parfois se faire soigner en France, utilisent la carte Vitale de quelqu'un d'autre, sont accompagnées par la solidarité nationale alors même qu'elles n'ont pas les droits à l'Assurance Maladie qui leur sont ouverts », a déclaré le Premier ministre pour justifier le rapprochement des cartes.

Application France Identité. Image iGeneration.

Au printemps 2023, la Caisse nationale de l'Assurance Maladie avait émis de « très fortes réserves » quant à cette fusion « ne [répondant] à aucun besoin. » L’organisme soulignait le risque de fragilisation de son projet de modernisation de carte Vitale déjà en cours. Une carte dématérialisée sous forme d’application est actuellement expérimentée dans une dizaine de départements. Sa généralisation est prévue cette année. Gabriel Attal a laissé entendre hier que l’app carte Vitale pourrait être abandonnée au profit de l’app France Identité, qui accueille déjà la carte d’identité et le permis de conduire.

On a expérimenté l’appli carte Vitale, et ça n’a pas été une promenade de santé

En dehors de la question de l’application mobile, la CNIL avait émis de multiples avertissements en matière de confidentialité des données et de sécurité. Si le numéro de sécurité sociale devait être inscrit dans la carte d’identité biométrique — la solution la moins intrusive et la moins risquée selon l’autorité —, il faudrait en particulier que le numéro soit isolé des autres données, lisible uniquement par le corps médical et que des alternatives à l’utilisation de la carte d’identité (qui est facultative) soient maintenues. Sacré casse-tête en vue.

Au sein même du ministère de l’Intérieur, un cadre interrogé par l’AFP l’année dernière estimait que cette fusion était « techniquement impossible à mettre en œuvre » et qu’elle présentait des risques pour la protection des données.

Au-delà des considérations techniques, les complémentaires santé doutaient de leur côté que la fusion soit un bon moyen de lutter contre la fraude. « Le postulat de base de ce projet repose sur l’usurpation d’identité et la possibilité de se faire rembourser à tort des prestations sociales. Or, la majorité des fraudes à la carte Vitale ne vient pas de l’usurpation d’identité mais de pratiques imputables aux professionnels de santé », expliquait une source à l’Argus de l’assurance. Qui plus est, l’Assurance Maladie indiquait que les montants des fraudes susceptibles d’être liés à une utilisation frauduleuse de la carte Vitale étaient « minimes ».

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