TikTok ciblé au Royaume-Uni et menacé aux États-Unis

Florian Innocente |

Le gouvernement américain exercerait des pressions sur TikTok pour que ses fondateurs chinois vendent leurs parts dans le réseau social. Dans le cas contraire, l'app pourrait se voir interdite aux États-Unis. Au Royaume-Uni c'est une interdiction ciblée qui a été annoncée.

Le Royaume-Uni a annoncé aujourd'hui qu'il interdisait, avec effet immédiat, la présence de TikTok sur les téléphones professionnels utilisés dans les ministères, sauf exception. Une liste d'apps autorisées devra être respectée.

Le siège américain de TikTok à Culver City en Californie

Une décision qui suit une recommandation du National Cyber Security Centre, qui estimait nécessaire d'empêcher l'installation de cette app. Les Britanniques suivent en cela leurs homologues canadiens, américains et européens (lire aussi Plusieurs institutions européennes vont interdire TikTok à leurs employés).

Outre-Atlantique, le bras de fer entamé entre l'administration Trump et ByteDance, propriétaire de TikTok, se poursuit avec celle de Joe Biden. D'après le Wall Street Journal, le Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis (Cifius) a récemment demandé aux propriétaires chinois de TikTok de vendre leurs parts dans le capital du groupe, sans quoi le service s'exposerait à une interdiction d'opérer aux États-Unis.

Sous la houlette du Trésor, le Cifius regroupe plusieurs autres ministères américains, dont celui des armées et de la justice. La demande faite à TikTok reste motivée par des considérations de sécurité nationale, vis-à-vis du risque d'exploitation de données d'utilisateurs américains par le gouvernement chinois.

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Il y a un mois, Lisa Monaco, la procureure générale adjointe des États-Unis avait déclaré à propos de ByteDance : « Notre communauté du renseignement a été très claire sur les efforts et l'intention de la Chine, de façonner l'utilisation de cette technologie en utilisant des données, dans une vision du monde qui est complètement incompatible avec la nôtre ».

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Le Wall Street Journal n'a pas eu d'éléments sur la nouvelle forme que prendrait le capital de TikTok après cette vente forcée ni qui seraient les acheteurs. Une offre publique d'achat pourrait être une option, mais elle n'est pas sur la table, du moins pas dans le contexte actuel, a déclaré au Wall Street Journal Shou Zi Chew, le directeur exécutif de TikTok depuis 2021.

En 2020, l'administration Trump avait voulu imposer une vente et embarqué Microsoft dans l'aventure. Ce dernier avait manifesté publiquement sa volonté d'acquérir la plateforme de partage de vidéos.

L'éditeur avait fini par jeter l'éponge et c'est Oracle qui était sorti du bois pour occuper le rôle de "partenaire technique" de ByteDance aux États-Unis. Peu avant, le groupe chinois était parvenu à faire bloquer une interdiction fédérale sur le téléchargement de son app. Un précédent qui pourrait se répéter, et l'action du gouvernement américain, prendre des mois.

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ByteDance reste vent debout contre toute idée d'une vente d'une partie de son capital à un acteur américain. Estimant que modifier la composition du capital n'apporterait aucun bénéfice tangible par rapport à des initiatives techniques proposées par leurs soins. D'après les dirigeants de TikTok, les actions sont détenues à 60 % par des investisseurs internationaux, à 20 % par ses employés et les 20 % restant sont entre les mains des fondateurs. Lesquels peuvent néanmoins exercer un droit de vote majoritaire.

Plutôt que de toucher à cette structure capitalistique, ByteDance promeut un plan, baptisé "Projet Texas", coûtant un peu plus d'un milliard et demi de dollars pour stocker aux États-Unis les données des utilisateurs américains et garantir qu'elles ne seront pas accessibles par le gouvernement chinois. Oracle continuerait à jouer le rôle de tiers de confiance pour surveiller le bon déroulé des opérations et le respect de ces engagements sur la durée.

« L'idée derrière le projet Texas est que peu importe ce que dit la loi chinoise ou toute autre loi, car nous prenons les données des utilisateurs américains et nous les mettons hors de leur portée », a expliqué Shou Zi Chew. Le même principe serait appliqué à l'Europe avec le "Projet Clover" et l'Irlande comme pays hôte. Chacun de ces sites de centres de données coûterait 1 milliard de dollars par an pour fonctionner, ajoute le responsable.

Cependant le gouvernement chinois pourrait continuer de faire valoir son droit d'accéder aux données d'utilisateurs, dès lors qu'il s'agit d'une entreprise d'origine chinoise, estiment les critiques du plan de ByteDance. Shou Zi Chew doit être auditionné la semaine prochaine par la Commission américaine de l'énergie et du commerce.

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