Apple et Spotify sont front contre front avant une possible amende de Bruxelles

Florian Innocente |

Spotify et Apple continuent de s'échanger des amabilités sur le fonctionnement de l'App Store alors que Bruxelles pourrait infliger une forte amende au groupe californien.

La bisbille entre Spotify et Apple se poursuit par déclarations interposées dans les médias américains. Le timing n'est pas anodin, la Commission européenne pourrait annoncer une amende salée pour Apple le mois prochain, en l'accusant de pratiques anticoncurrentielles sur l'App Store. Aucune déclaration officielle n'a encore été faite, mais la semaine dernière, le Financial Times évoquait une amende de 500 millions d'euros.

Plainte de Spotify : Bruxelles infligerait à Apple une amende de 500 millions

Apple considère en quelque sorte que le service suédois cherche à tondre le mouton sans vouloir le nourrir :

Nous sommes heureux de soutenir le succès de tous les développeurs — y compris Spotify, qui est la plus importante application de streaming musical au monde. Spotify ne paie rien à Apple pour les services qui l'ont aidé à créer, mettre à jour et partager son application avec des utilisateurs Apple dans 160 pays à travers le monde. Fondamentalement, leur plainte consiste à essayer d'obtenir un accès illimité à tous les outils d'Apple sans rien payer pour la valeur offerte par Apple.

Apple a cité quelques statistiques pour appuyer son argumentaire, comme les 420 mises à jour de Spotify passées en revue par ses équipes de validation ; les 119 milliards de téléchargements de l'app ou de ses révisions effectuées sur l'App Store ; ou encore la somme d'API et de frameworks utilisés par les développeurs de Spotify.

Apple omet toutefois de dire que l'exploitation qui est faite de ses services est importante… parce qu'elle en impose l'utilisation. Impossible pour Spotify ou n'importe quelle autre app de s'installer sur les iPhone sans en passer par Apple. Le succès de l'iPhone et de l'App Store découle pour une part immense des apps tierces dont ils disposent. Cette co-dépendance n'est guère mise en avant par Apple.

Spotify a aussitôt réagi en jugeant pour sa part que la concurrence tarifaire avec Apple Music était faussée dès lors qu'il ne peut communiquer librement avec ses utilisateurs :

Le succès de Spotify a été possible en dépit des efforts d'Apple pour obtenir un avantage déloyal en favorisant, à chaque instant, son propre service de musique, tout en posant des obstacles et en imposant des restrictions injustes au nôtre.

Selon leurs règles actuelles, Apple contrôle l'accès de Spotify à ses propres clients et donne à Spotify le choix entre deux options intenables : soit nous devons offrir une expérience utilisateur médiocre, où nous ne pouvons pas communiquer directement sur la manière d'acheter ou de s'abonner à Spotify sur les iPhone ; soit nous devons accepter un coût de 30 % vis-à-vis de notre plus grand concurrent.

Ce ne sont pas des règles du jeu équitables. Nous soutenons la Commission européenne et sommes convaincus qu’elle prendra bientôt des mesures pour créer un écosystème équitable pour tous les protagonistes.

Bruxelles enquête sur Apple depuis 2020 après une plainte déposée par Spotify l'année précédente. Le champ de cette investigation s'est resserré sur l'interdiction faite aux plateformes de streaming audio de promouvoir leurs offres d'abonnement à l'intérieur de leur app.

Selon les règles de l'App Store, ces apps qui donnent accès à un contenu (audio, vidéo, livres… les apps dites "reader") peuvent utiliser les In-App d'Apple comme toutes les autres. Mais si leurs éditeurs refusent le système d'abonnement d'Apple qui se traduit par une commission de 15 à 30 %, ils peuvent mettre un lien qui dirige l'utilisateur vers un site web. Outre que cela rend plus complexe le parcours du client, le lien ne peut être accompagné d'une mention sur l'existence de ces formules d'abonnements externes ou de promotions.

Cette possibilité de placer un lien avait été imposée à Apple en 2022. L'année précédente elle avait été obligée par la justice à faire d'autres concessions. Parmi celles-ci, d'autoriser les développeurs à communiquer — par courriel par exemple — directement avec leurs clients sur leurs offres d'abonnement.

App Store : Apple autorise les développeurs à communiquer davantage avec leurs utilisateurs

Bruxelles pourrait non seulement sanctionner Apple financièrement, mais lui intimer de faire sauter cette clause de son contrat avec les éditeurs d'apps de services de streaming musical.

Crédit : Spotify.

Pour Spotify, l'issue la plus favorable — telle qu'il l'a décrite par une série de visuels, à l'aune de l'entrée en vigueur du DMA en Europe — consistera à afficher librement ses formules d'abonnement sans In-App ; de permettre à l'utilisateur d'en changer immédiatement ; de signaler des opérations de promotion. Tout cela sans quitter l'app.

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