En 2015, l’Apple TV fait sa révolution

Mickaël Bazoge |

La pièce la plus importante dans un foyer est… la cuisine, c’est entendu. Mais le salon aussi est une pièce majeure et qu’y trouve-t-on généralement bien placé ? Le téléviseur. Cette place est convoitée par tous les constructeurs qui aimeraient rendre la télévision un peu plus intelligente en la connectant à internet.

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Comme souvent, les fabricants sont partis à l’assaut de ce marché la fleur au fusil, en intégrant une connexion à internet au chausse-pied sans se préoccuper ni des contenus, ni de l’interface. Les résultats sont parfois si catastrophiques que les utilisateurs préfèrent se passer des fonctions connectées de leurs téléviseurs pour revenir à l’usage premier de ces appareils : regarder passivement quelque chose.

La télévision, un hobby de longue date pour Apple

Très tôt, Apple s’est aussi intéressée au téléviseur. Sans remonter au Macintosh TV (un LC 550 équipé d’un tuner TV), dès 2006 le constructeur s’est positionné sur le marché naissant des box TV connectées avec l’Apple TV — ou plutôt iTV comme Steve Jobs l’avait appelé lors de la présentation de l’appareil en septembre de cette année.

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L’Apple TV de l’époque était bien différente de celle que l’on connait actuellement, non seulement dans son design (qui rappelle le Mac mini) que dans son concept même. Complètement recroquevillé sur iTunes, il s’agissait d’une sorte d’iPod version TV : on retrouvait sur le disque dur de l’appareil (de 40 à 160 Go pour le haut de gamme) le contenu de sa bibliothèque iTunes, synchronisée depuis le Mac en Wi-Fi.

Il pouvait aussi diffuser des fichiers provenant de Mac connectés au même compte, mais uniquement en streaming ; l’Apple TV n’était pas encore en mesure d’aller piocher tout seul du contenu sur l’iTunes Store, tout devant transiter par le Mac — le boîtier gagnera son autonomie par la suite, avec une mise à jour en janvier 2008 (lire notre test de l’Apple TV (2007)).

Depuis cette mise à jour qui a rendu le disque dur de l’Apple TV obsolète, le concept même de l’appareil a finalement assez peu évolué. Le design bascule du blanc au noir à partir de la deuxième génération d’Apple TV lancée en septembre 2010, l’engin est beaucoup plus petit et se limite à 8 Go de stockage (seulement pour gérer le cache).

Cet Apple TV se conçoit alors comme une vitrine pour le contenu vendu sur l’iTunes Store : on peut y louer des films, des séries TV, mais aussi écouter de la musique ou profiter des photos provenant de son Mac. Apple ajoute aussi des applications de partenaires, comme YouTube ou Netflix, une stratégie qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui avec l’ajout régulier de nouvelles « chaînes » (dont plusieurs françaises comme CanalPlay ou Dailymotion).

La troisième génération de l’Apple TV, sortie en mars 2012, comprend un changement de taille : la prise en charge du 1080p. On trouve aussi la compatibilité avec le DRM HDCP pour autoriser la lecture de contenus protégés depuis un appareil externe, ainsi que deux fois plus de RAM (512 Mo en tout). L’année suivante, Apple revoit légèrement les composants internes (notamment le processeur A5) dans une Rev A dont la seule nouveauté est le support du peer-to-peer avec AirPlay, permettant à un invité de diffuser du contenu sur le téléviseur de son hôte sans configuration compliquée.

Un futur pavé de bonnes intentions

Vaille que vaille, ces différentes générations de l’Apple TV ont fini par faire d’Apple un sérieux prétendant sur le marché de plus en plus concurrentiel du salon connecté. Et tout cela sans coûteuse campagne publicitaire ni exorbitant frais marketing… Une discrétion étonnante de la part d’Apple, qui n’a jamais caché le statut de « hobby » de cette plateforme. Mais tout change avec le cru 2015 de l’Apple TV, qui ne représente rien d’autre que « le futur de la télévision ».

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Ce futur, il passe d’abord par un boîtier… qui ressemble à ses prédécesseurs. Le design ne change pas entre les deux générations, si ce n’est que ce nouveau modèle est plus haut, ce qui lui donne un air un peu trapu. Ce produit a toutefois vocation à rester discrètement sous la télé. À l’arrière, le boîtier comprend la prise secteur, une sortie HDMI, un port USB-C (qui ne servira que pour les diagnostics), ainsi qu’une sortie Ethernet 10/100 Base-T. Pas d’Ethernet Gigabit donc, et exit la sortie optique audio des précédents modèles.

Un Apple TV 2G au-dessus, le nouveau modèle en bas — Cliquer pour agrandir

L’autre absence notable de cet Apple TV, c’est évidemment la 4K. Un oubli d’autant plus fâcheux que petit à petit, Apple s’adapte à l’ultra haute définition : l’Apple TV aurait pu devenir le compagnon naturel de l’iPhone 6s. Quoi de plus naturel, après avoir enregistré une séquence en 4K avec le smartphone, de vouloir la lire sur un téléviseur 4K équipé d’un Apple TV 4K lui aussi ? La boucle aurait été parfaitement bouclée…

Mais un petit oiseau nous a murmuré que le modèle disponible depuis ce lundi est prêt depuis belle lurette et aurait pu sortir l’an dernier, à un moment où le contenu 4K était encore moins disponible qu’aujourd’hui. Au moins, Apple n’aura pas à muscler ses infrastructures pour distribuer des films et séries TV en ultra haute définition… Du moins pas tout de suite.

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Le gros changement en ce qui concerne le matériel, c’est la télécommande. Baptisée Siri Remote, ce périphérique n’a plus grand chose à voir avec la précédente version, si ce n’est que son châssis est lui aussi en aluminium. Les six boutons regroupés dans une grille au centre de l’appareil reprennent les fonctions de l’ancien modèle (lecture/pause, menu, volume), en y ajoutant un bouton pour lancer Siri, un autre pour revenir en arrière et un bouton d’accueil un peu fourre-tout (en maintenant ce bouton, on peut mettre en pause ou afficher le tiroir multitâche en cliquant deux fois).

La télécommande intègre aussi une zone tactile qui fait également office de « clic », et c’est par ce biais qu’on contrôlera l’interface de l’Apple TV. Le design de cette interface rappelle celle de son prédécesseur, exception faite qu’elle troque le noir pour le blanc. On retrouve en haut la ligne des derniers contenus disponibles, et en dessous les applications. Les premières lignes sont dédiées aux traditionnelles applications Films, Séries TV, Musique, Photos, Réglages, etc. Il est possible de réarranger l’emplacement des icônes, mais pas de créer des dossiers.

Chaque icône, mais aussi chaque jaquette, bénéficie d’un effet 3D qui réagit au moindre mouvement du doigt sur la télécommande tactile. Les diffuseurs de contenus sont invités à créer des illustrations donnant l’illusion du relief (les personnages et les titres se découpent sur le visuel), du moins pour ceux qui ont joué le jeu. Pour les autres, il s’agit d’un simple mouvement de l’illustration.

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L’expérience de consultation et d’utilisation de cet Apple TV est similaire en bien des points avec les modèles précédents. Difficile de réinventer la roue dans ce domaine, même si Apple a imaginé des gestes à réaliser sur la zone tactile de la télécommande : en abaissant ou en relevant le doigt, on jouera sur le volume sonore. De gauche à droite ou vice-versa, on avancera ou on reculera dans la vidéo…

Siri apporte une couche d’interaction supplémentaire. Nous avons pu brièvement tester la recherche vocale en français quand celle-ci a été disponible en fin de semaine dernière : il nous a semblé que Siri se montrait plus rapide et efficace dans la reconnaissance des requêtes que son homologue sur iPhone (ou sur Apple Watch).

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Les résultats de recherche se sont montrés eux aussi pertinents : la requête « Montre moi des films amusants avec Jean Dujardin » a bien retourné une liste de comédies avec l’acteur. Apple Music fait partie des services disponibles par défaut, et même si on n’est pas abonné, on aura tout de même accès à la radio Beats 1.

En revanche, nous n’avons pas pu tester la recherche universelle, pour une bonne raison : il n’y a pas encore d’apps tierces à installer sur l’appareil. Mais l’idée est d’obtenir les résultats d’une recherche sur tous les services compatibles — au départ, seuls seront concernés Netflix, Hulu ou Showtime, mais à terme l’API permettra aux éditeurs d’intégrer cette fonction dans leurs apps (lire : Apple TV : la recherche universelle ouverte à tous les services).

Ce nouvel Apple TV concrétise-t-il la vision qu’avait Steve Jobs du monde de la télévision ? Ce dernier, devant son biographe Walter Isaacson, déclarait avoir trouvé la formule qui permettra à l’entreprise de révolutionner un secteur depuis trop longtemps enfermé dans les mêmes schémas. C’est impossible à dire, puisque le fondateur d’Apple n’a pas précisé ce qu’était cette fameuse formule. Pour l’entreprise d’aujourd’hui, c’est clair : le futur de la télévision, ce sont les applications.

C’est à l’aune de l’App Store de l’Apple TV qu’on jugera du succès de l’appareil et pour s’en assurer, Apple a mis les petits plats dans les grands : l’Apple TV 2015 embarque un processeur A8 et 2 Go de RAM, de quoi faire tourner les applications les plus gourmandes… et notamment les jeux. Ci-dessous, l’exemple de Crossy Road qui n’est pas, loin s’en faut, le titre le plus exigeant :

Le jeu vidéo, c’est la grande affaire de l’Apple TV. La Siri Remote ressemble beaucoup à la WiiMote de Nintendo (Apple vend même une dragonne), et les manettes MFi sont compatibles avec l’appareil — le constructeur met en avant le modèle SteelSeries Nimbus. Attention cependant, même si Apple propose la télécommande Siri à l’unité, cela ne signifie pas pour autant qu’il est possible d’utiliser deux Remote simultanément : on ne pourra jumeler qu’une télécommande avec l’Apple TV. Les autres membres de la famille devront utiliser un appareil iOS (avec l’app Remote) ou une manette.

Les développeurs les plus malins n’ont pas attendu pour créer des émulateurs d’anciennes gloires du jeu vidéo… qui malheureusement, n’ont à peu près aucune chance d’obtenir leur bon de sortie sur l’App Store, Apple ayant toujours été très stricte dans ce domaine. Dommage, Mame rendait bien :

En dehors du jeu vidéo, l’Apple TV sera aussi l’occasion pour les développeurs de concevoir des applications plus traditionnelles. Withings a été un des premiers à dégainer un logiciel, Home, qui fonctionne en tandem avec sa caméra domestique. Plus étonnant, Popina sera une caisse enregistreuse et un écran de cuisine qui permettra au cuistot de suivre l’avancée des commandes de son restaurant.

Plusieurs media-centers parmi les plus populaires seront eux aussi proposés, comme Infuse, Plex ou encore VLC. De quoi sérieusement muscler la compatibilité vidéo de l’Apple TV et son attrait auprès de ceux qui utilisent ce type de solutions sur d’autres plateformes (y compris sur iOS).

Toutes ces fonctions valent-elles les 179 € (32 Go) ou 229 € (64 Go) demandés par Apple ? Il est évidemment trop tôt pour le dire, surtout en l’absence du magasin d’applications. L’Apple TV 2015 peut déjà s’appuyer sur les fonctions phare de ses prédécesseurs : Netflix, l’iTunes Store, AirPlay, sans oublier HomeKit.

Le paysage concurrentiel va également avoir un impact. En France, les services proposés par les box des opérateurs internet satisfont les besoins de la majorité des téléspectateurs ; et partout ailleurs, les consoles de jeu, les box et les sticks TV à pas cher représentent aussi une concurrence de plus en plus féroce. Il devenait urgent pour Apple de dévoiler ses nouvelles cartes : celles de l’Apple TV 2015 seront-elles suffisamment fortes ?

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