Les nouvelles cartes d’Apple sont plus riches, mais pas plus utiles

Nicolas Furno |

Poursuivant sa série sur les cartes, Justin O’Beirne s’intéresse aux nouvelles cartes d’Apple dans son dernier article. Il faut dire que le constructeur a décidé de se lancer dans un plan ambitieux pour mettre à jour les cartes du monde entier en se basant sur ses propres données plutôt que celles d’acteurs tiers (lire : Apple a un Plans pour rattraper Google Maps). Pour l’heure, ces nouvelles cartes ne sont disponibles que dans une partie de la Californie, mais cet échantillon permet d’avoir une bonne idée de ce que le projet donnera au bout du compte.

L’auteur commence par constater les progrès d’Apple, notamment en matière de végétation. Comme nous l’avions souligné dans notre aperçu, les cartes de Plans sont nettement plus détaillées dans toutes les zones où il y a de la végétation, que ce soit des forêts ou même des parcs dans les villes. C’est tout particulièrement le cas pour les petites villes qui étaient souvent jusque-là mal prises en charge, et qui offrent désormais une vision nettement plus précise de la végétation.

Anciennes cartes à gauche, nouvelles à droite (© Justin O’Beirne).

Apple a été si loin que les cartes affichent désormais du vert partout, y compris sur les plate-bandes des autoroutes ou encore sur les jardins des lotissements.

Les anciennes cartes (gauche) affichaient uniquement les maisons dans ce quartier résidentiel, désormais on voit aussi les jardins (droite) (© Justin O’Beirne).

Comme le rappelle Justin O’Beirne, Apple utilise essentiellement les photographies satellite pour remplir ses cartes, et cela ne concerne pas que les espaces verts. Par exemple, les nouvelles cartes affichent des plages, des stades, le parcours d’un golf avec les zones de sable et les greens visibles, les piscines avec la position exacte de chaque bâtiment ou même les courts de tennis privés.

Sur les nouvelles cartes (droite), les plages de sable sont visibles et pas seulement un trait symbolique, mais avec la bonne forme et les bonnes dimensions (© Justin O’Beirne).
Détail de quelques écoles, avec une vue précise des installations sportives (© Justin O’Beirne).

Avec autant de détails, Apple coiffe Google sur le poteau. C’est bien simple, sur cette petite zone couverte par ses nouvelles cartes, la firme propose les cartes les plus précises et complètes, battant tous les autres concurrents. Google Maps est très loin du compte en termes de représentation de la végétation, et ce n’est même pas le seul point où Cupertino a dépassé Mountain View.

Les nouvelles cartes d’Apple (gauche) sont beaucoup plus complètes en termes de végétation, la comparaison avec les cartes de Google (droite) n’appelle aucun commentaire (© Justin O’Beirne).

L’espace occupé au sol par les bâtiments est également bien meilleure chez Apple désormais. C’était un point fort de Google Maps, mais avec ces nouvelles cartes, Plans devient plus précis, avec des formes qui correspondent plus exactement à la réalité.

La forme des bâtiments est désormais plus précise chez Apple (gauche) que chez Google (droite), comme cet exemple le montre bien (© Justin O’Beirne).

Justin O’Beirne montre aussi que l’amélioration des données ne concerne pas que le végétal, mais aussi le tracé des routes. Les nouvelles cartes d’Apple ont supprimé des routes que TomTom lui avait fournies, mais qui n’existaient plus. Dans certains coins reculés de la Californie, certaines routes disparues depuis plus de 75 ans étaient toujours présentes sur les anciennes cartes, elles ont été retirées avec les nouvelles.

En règle générale, les routes sur les cartes créées par Apple et qui ne dépendent plus de TomTom sont plus complètes et précises. La toute petite bourgade de Markleeville (210 habitants) est l’exemple choisi par l’auteur pour illustrer les progrès de Plans, y compris par rapport à Maps. La nouvelle carte est bien plus riche, avec le tracé de bâtiments qui n’existait pas auparavant, la végétation et même quelques chemins supplémentaires.

(© Justin O’Beirne)

Google Maps affiche bien les bâtiments, mais les formes sont plus simples. La végétation semble uniforme, tout est vert, et il lui manque les chemins supplémentaires ajoutés par Apple.

(© Justin O’Beirne)

À ce stade de l’étude, on pourrait penser qu’Apple a rattrapé son retard et que le fossé entre Google Maps et Plans est comblé. Malheureusement pour Apple, ce n’est pas aussi simple et Justin O’Beirne n’en a pas fini avec ses comparaisons. Toujours en se concentrant sur la petite commune de Markleeville, il a comparé les points d’intérêt (POI) recensés par les deux services.

Pour commencer, il note que Maps affiche davantage de lieux que Plans. Les bâtiments sont bien visibles sur le fond de carte, mais ils ne correspondent à aucun POI et pourraient très bien être des maisons individuelles, alors qu’il s’agit en fait de commerces ou même d’institutions.

La carte d’Apple (gauche) est visuellement plus complète et précise, mais il lui manque plusieurs POI (droite) (© Justin O’Beirne).

Plus gênant pour Apple, les points d’intérêt affichés sont parfois faux. Toujours dans cet exemple, Plans indique qu’un tribunal est présent là où Maps situe un commerce. Et malheureusement pour le créateur de l’iPhone, c’est Google qui a raison, et ce n’est pas qu’un cas isolé. Plusieurs autres erreurs ont été dénichées par l’auteur dans la ville d’à côté, ce qui laisserait entendre qu’il s’agit d’un problème général et pas seulement d’une anomalie.

Le même lieu est placé à deux endroits différents, et comme à chaque fois, c’est Google qui a raison… (© Justin O’Beirne)
Les problèmes de géolocalisation ne s’arrêtent pas à la campagne, il y en a même à San Francisco ! (© Justin O’Beirne)

Contrairement au fond de carte généré à partir de photos satellites, Apple ne semble pas utiliser ses propres données pour les POI. Le constructeur fait toujours confiance à Yelp, dont la base de données de points d’intérêt est trois fois inférieure à celle de Google. Incomplète et aussi imprécise, comme en témoignent ces mauvais placements. Justin O’Beirne note toutefois qu’il a trouvé quelques lieux sur Plans qui ne sont pas référencés par Yelp, ce qui montre peut-être que la firme est en train de constituer sa propre base de données.

La base de données de Yelp est nettement moins complète que celle de Google, et elle s’intéresse en priorité aux commerces. La différence est particulièrement criante pour les administrations… (© Justin O’Beirne)

Pour ne rien arranger, les erreurs ne concernent pas que les points d’intérêt. Certaines routes ont été déplacées par erreur pendant la transition et on ne sait pas combien d’erreur il y a sur cet échantillon pourtant réduit en superficie.

Ces erreurs de placement trahissent ce qui reste la plus grosse faiblesse des cartes d’Apple : la base de données de lieux est toujours aussi incomplète, ou erronée. Justin O’Beirne croit savoir quel est le problème : Apple n’utilise pas pour le moment les données enregistrées par ses camionnettes, comme Google l’a fait avec tous les véhicules utilisés pour constituer Street View. Ces camionnettes Apple prennent des photos dans toutes les directions, elles sont équipées d’un LIDAR pour obtenir une représentation 3D du monde.

Voici le tribunal de Markleeville, d’après Plans. En théorie, le nom sur le devant et sur le côté du bâtiment devrait suffire à corriger la carte, mais ce n’est pas (encore ?) le cas (© Justin O’Beirne).

Ces données ne sont pas vraiment exploitées par Apple. Google utilise les photographies collectées par ses véhicules pour identifier et positionner les POI. En clair, si une voiture Google passe devant une boutique, le nom du lieu va être analysé et l’information alimentera la carte. Sur l’exemple ci-dessus, on voit le nom du magasin sur la devanture et sur le côté, mais Apple ne l’a pas utilisé. À la place, c’est Yelp qui fournit la (mauvaise) information.

Même sans parler de voitures qu’Apple devra faire rouler sur toutes les routes du monde, une tâche titanesque1, les nouvelles cartes n’exploitent même pas vraiment les photos satellite. Ces dernières ont servi à créer un fond de carte précis et riche, mais pas à alimenter la base de connaissances de Plans. La preuve avec ces courts de tennis, parfaitement visibles sur la carte, mais inconnus de la recherche.

Apple a détecté et représenté des courts de tennis sur sa carte, mais la recherche ne permet pas de les retrouver (© Justin O’Beirne).

Sur ce point, les algorithmes automatisés de Google restent bien supérieurs. Et puis le géant de la recherche peut compter sur des millions de contributeurs, là où le respect des données personnelles2 joue en la défaveur d’Apple. Au bout du compte, les nouvelles cartes de Plans offrent une représentation visuelle nettement plus complète du monde. Mais avec une base de données de POI toujours aussi incomplètes, cette représentation ne sert pas à grand-chose…

Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à consulter l’essai complet de Justin O’Beirne, l’auteur entre bien plus dans les détails et multiplie les exemples.


  1. Il a fallu huit ans environ à Google pour couvrir la totalité du territoire américain. ↩︎

  2. Au passage, note l’auteur, on peut se demander si tous les propriétaires de court de tennis dans leur jardin seront ravis de le retrouver sur les cartes. Pour le coup, on aurait plus vu Google représenter fidèlement ce qu’il y a dans les jardins des particuliers. ↩︎

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