Schiller : « l'iPad est un crossover »

Florian Innocente |

« L'iPad propose quelque chose d'unique entre le smartphone et le Mac, c'est comme les voitures crossover. Et dans le secteur automobile, les crossovers progressent de manière fulgurante » a déclaré Phil Schiller, dans une interview chez Buzzfeed.

La courbe des ventes d'iPad ne suit pas encore celle de ces voitures agiles en ville comme sur routes, mélange de monospace et de berline (Renault Captur, Peugeot 3008…). Cependant, la nouvelle famille d'iPad Pro, qui recevra de grosses nouveautés avec iOS 11 ainsi que des améliorations pour le Pencil, paraît atteindre une forme de maturité qui inversera peut-être la tendance.

Les deux iPad Pro de 12,9" et le modèle inédit de 10,5" utilisent un processeur A10X qui s'annonce prometteur, les fonctions réclamées depuis des lustres comme le glisser-déposer ainsi qu'un gestionnaire de fichiers sont là (et plus encore) tandis que la précision du Pencil a fait l'objet d'optimisations pointues.

C'est un peu comme si Apple avait redémarré l'iPad. Avec 3D Touch (à l'absence toujours inexpliquée) et un Touch iD intégré à l'écran (comme on l'espère pour l'iPhone 8) on aurait pu aller jusqu'à parler de remise à zéro. Pour autant, Phil Schiller et Craig Federighi soulignent les travaux de forme et de fond qui ont été réalisés.

La taille de l'écran d'abord, cette nouvelle diagonale de 10,5" (25x17,4 cm) ajoute du confort sans trop agrandir le format physique de la tablette lorsqu'on la compare à la 9,7" (24x16,9 cm). Les deux font le même poids.

« Le 10,5" franchit un seuil très intéressant » explique Craig Federighi « En réduisant la bordure nous avons pu conserver des dimensions qui vont très bien pour le tenir et lire dans son lit, mais il a aussi un clavier pleine taille. Ca ne saute pas aux yeux, mais lorsque vous approchez les mains et commencez à taper, vous avez tout de suite cette sensation de "Ah ouais, maintenant je peux taper comme sur mon Mac" ».

Sur le clavier d'iOS 11, les chiffres et symboles s'affichent sur les touches des lettres, on ne bascule plus d'un clavier à l'autre. Avantage du tactile, pour taper un symbole il suffit de faire un tirer-glisser sur sa touche et la lettre est remplacée temporairement par le symbole. En relâchant, le symbole est tapé.

Le sentiment de fluidité des déplacements à l'écran et la précision de tracé du Pencil vont profiter d'un moteur baptisé "ProMotion", il multiple jusqu'à deux la fréquence de rafraîchissement des images, on passe de 60 Hz (qui était déjà pas mal du tout) à 120 Hz. C'est un plafond maximal, selon l'activité à l'écran, l'iPad baissera cette fréquence afin de préserver la batterie.

Pour le Pencil cela se traduit par un tracé qui suit plus rapidement et fidèlement la pointe du stylet. Phil Schiller explique que des algorithmes basés sur l'apprentissage automatique essaient d'anticiper vos déplacements à l'écran avec le stylet.

On prévoit ce qui va être à l'écran en fonction de l'endroit où nous pensons que le Pencil va se trouver, ainsi il dessinera comme il faut, au moment où vous y serez, au lieu de le faire après coup, une fois que vous y êtes.

Pour l'occasion Apple a donné un autre chiffre, celui de la latence, ce délai entre le moment où l'on fait l'action et celui où il est traduit d'effet à l'écran. Avec ces iPad Pro il est de 20 ms. Le mois dernier, lors de la présentation des derniers Surface Pro, Microsoft s'était vanté d'avoir établi un record pour son Surface Pen avec 21 ms.

Apple a pris l'avantage, d'un cheveu, mais ce résultat est le fruit d'un effort mené depuis quatre ans, a souligné Federighi. Ce qui illustre le temps nécessaire parfois pour passer d'une idée à un produit commercialisé à grande échelle.

On avait fabriqué des prototypes pour tester une latence tactile super basse sur un écran 120 Hz et on les avait reliés à un système de test piloté par un Mac Pro. L'expérience tactile était extraordinaire. C'était comme si l'écran était directement attaché à votre doigt.

C'est à partir de là qu'Apple s'est lancée dans la conception d'une puce capable de gérer un écran avec ce taux de rafraîchissement. Un effort pluridisciplinaire mené par plusieurs équipes au sein d'Apple, poursuit Federighi « Je pense qu'on a bien fait les choses… Je sais que l'on utilise beaucoup le terme de "magique", mais je le trouve parfaitement approprié ici ».

À nouveau, les deux haut-responsables d'Apple ont écarté l'idée d'une fusion entre le Mac et l'iPad. On reste dans le cadre d'une homogénéisation de certaines fonctions (on l'a vu avec la reprise Dock, l'ajout du glisser-déposer, etc) mais pas d'un mariage entre deux univers.

Ce qui ne veut pas dire que Mac et iPad ne se marchent pas sur les pieds de temps à autre, mais chacun a sa spécialité et ça va rester ainsi :

Il y a un produit que vous tenez en main et qui est conçu pour une manipulation directe. Et il y a un produit que vous utilisez sur votre bureau, conçu pour la manipulation indirecte. Lorsque vous portez ces idées au maximum de leur expression, lorsque vous les rendez accessibles plus largement, il y a inévitablement un chevauchement. Mais au final, les gens vont choisir celui des deux qui est le plus adapté à ce qu'ils veulent faire.

Quant à la vision de Steve Jobs qui prédisait que les tablettes allaient remplacer un jour les ordinateurs décrits comme des « camions » lourds et patauds, Schiller et Federighi jugent qu'elle tient encore la route, malgré la concurrence surprise des smartphones face aux tablettes. Cependant ce sont avec les ordinateurs que l'on peut créer des apps, explique Federighi, et faire des opérations lourdes, pas avec une tablette.

Les iPhone peuvent être les voitures, les Mac des camions et il y a de place pour un entre-deux avec les tablettes, d'où cette analogie avec les crossovers.

Un iPad emprunte à l'iPhone une bonne part de sa mobilité et de sa simplicité d'emploi et au Mac une partie de ses performances. On pourrait ajouter : que vous choisissiez un Mac, un iPad ou plutôt un iPhone, à la fin c'est toujours Apple qui gagne.

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