Publicité sur iPhone, entre traçage et confidentialité

Stéphane Moussie |

Le Wall Street Journal a mené une enquête sur la publicité sur l'iPhone. Deux camps s'opposent sur ce sujet. D'un côté, les régies publicitaires souhaitent cibler de manière toujours plus précise l'utilisateur, et de l'autre, les défenseurs de la vie privée veulent conserver un certain niveau de confidentialité. Au centre de cette bataille se trouve Apple qui est la seule à avoir la main sur le système de l'iPhone.

Apple a interdit aux développeurs d'utiliser l'UDID, un identifiant unique et anonyme qui permet d'identifier facilement un terminal, dans iOS 5 (lire : iOS 5 retire l'accès à l'UDID pour les développeurs). Jusque-là l'UDID était très utilisé par les régies publicitaires pour tracer les utilisateurs à travers plusieurs applications. Les régies récoltaient des données comme les publicités vues par l'utilisateur et les bannières tapotées et les liaient à un UDID. Les annonces étaient ensuite ajustées en fonction de ces paramètres.

Le fait de ne plus pouvoir suivre l'utilisateur grâce à l'UDID influe négativement sur les revenus générés par la publicité. MoPub, une régie, a mesuré une baisse de 24 % de l'eCPM (une unité de mesure pour les revenus publicitaires) sur les apps ne se servant pas de l'UDID (lire : L'accès à l'UDID influe sur les revenus publicitaires).

Pour parer ce problème, les régies publicitaires mobiles utilisent de nouvelles techniques de ciblage. Ces techniques contournent la dernière mesure de protection mise en place par Apple. Mais le principe reste le même, utiliser un identifiant pour suivre l'utilisateur à travers plusieurs apps et collecter différentes informations (emplacement géographique, applications utilisées...).

Un de ces nouveaux systèmes de traçage, baptisé Open Device Identification Number (ODIN), utilise à la place de l'UDID un identifiant unique lié à la puce sans fil de l'iPhone. Une autre alternative est l'OpenUDID, une solution multiplateforme qui se sert de la fonction copier-coller du téléphone. Les publicitaires essayent en fait de récréer sur mobile les outils qu'ils utilisent sur le web de bureau, les fameux cookies.

Pourquoi tant d'efforts de la part des régies publicitaires ? Parce que c'est sur le mobile que la croissance est à chercher. Les revenus de la publicité sur mobile pourraient rapporter 2,61 milliards de dollars en 2012 selon eMarketer. Une paille sur les 39,5 milliards de dollars de la publicité en ligne tous supports confondus, mais la croissance sur mobile est en fait en train de doubler pratiquement sur un an.

Les défenseurs de la vie privée accusent les régies de créer — avec ces nouveaux systèmes de traçage — des profils personnalisés qui pourraient remonter jusqu'au nom de la personne en passant par son lieu d'habitation, ses achats, etc. Les régies se défendent elles de mettre en place un tel fichage et arguent que les systèmes d'identifications préservent l'anonymat de chaque utilisateur.

Mais les alternatives utilisées actuellement — OpenUDID et ODIN — ne satisfont pas pleinement les régies. « Tout le monde attend de voir ce qu'Apple fait [...] Personne ne veut une guerre de standardisation » explique Johannes Heinze, directeur chez SponsorPay, spécialiste de la publicité mobile. Difficile pour autant d'imaginer que la firme de Cupertino fasse un pas dans ce sens alors qu'elle possède sa propre régie, iAd. Régie qui au passage n'est pas un franc succès (lire : iAd : plus accessible et plus rentable).

« C'est emblématique d'un problème de culture dans la Silicon Valley qui voit le contrôle de la confidentialité non pas comme une protection pour le consommateur, mais comme un obstacle technique à surmonter » estime quant à lui Jonathan Mayer, un chercheur à Stanford qui travaille sur la gestion de la confidentialité en ligne. Jonathan Mayer soutient activement Do Not Track, cette initiative qui permet à l'internaute de spécifier s'il accepte ou non que ses informations de navigation soient utilisées par les annonceurs.

La fondation Mozilla a d'ores et déjà annoncé qu'elle travaillait à une version de Do Not Track sur mobile. Pas sûr que cela ravisse les régies publicitaires...

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