Apple subit une nouvelle pression des autorités chinoises

Florian Innocente |

Apple ferait-elle en ce moment les frais de ses efforts pour s’enraciner en Chine ou de son refus de se plier à certaines exigences des autorités ? Le New York Times a obtenu confirmation de la part de deux sources que le gouvernement avait bel et bien décidé de faire fermer l’iBook Store chinois ainsi que la section films de l’iTunes Store.

La sanction est venue de la part d’une administration chargée de la presse, des publications, de la radio, des films et de la télévision.

En plus de ces deux sections devenues inacessibles il y a une semaine, nous avions remarqué hier qu’Apple venait de retirer la Chine de l’interface d’iTunes Connect (le portail utilisé lorsqu’on veut soumettre un film ou un livre à Apple — les autres contenus comme la musique et les apps ne sont pas touchés). Le signe peut-être que les choses ne vont pas se régler de sitôt.

La Chine a disparu dans iTunes Connect pour ce qui est des livres

Apple s’est bornée à répondre au New York Times qu’elle espérait redonner accès aux livres et aux films pour ses clients chinois dans les meilleurs délais. Cela ne faisait que sept mois qu’ils étaient disponibles dans le pays, ils étaient arrivés en septembre dernier en même temps qu’Apple Music.

Le quotidien explique qu’après cette fermeture, le président chinois Xi Jinping a tenu une réunion avec comme thème la régulation des activités internet. Quelques grands patrons y participaient, Jack Ma d’Alibaba (concurrent d’Amazon) ou encore Ren Zhengfei de Huawei.

Xi Jinping a déclaré à cette occasion que la Chine « doit améliorer sa gestion du cyberespace et travailler à assurer la présence d’un contenu de haute qualité, porteur de bons messages afin de créer une culture saine, positive qui serve de force motrice pour le bien ».

Dans la foulée des révelations d’Edward Snowden, la Chine a établi une liste de huit entreprises américaines à surveiller toute particulièrement, du fait de leur forte présence dans le pays. Apple en fait partie, aux côtés de Qualcomm, Cisco, IBM, ou encore Microsoft.

Partenariat entre Baidu et Microsoft en septembre 2015

La plupart d’entre eux a fait l’objet d’enquêtes, d’amendes, d’une surveillance particulière de la part des autorités ou de pressions pour travailler en partenariat avec des entreprises locales (lire L’Etat chinois a obtenu sa version spéciale de Windows 10). Apple aussi, mais peut-être moins que d’autres.

Un consultant spécialisé dans l’aide aux entreprises qui veulent travailler avec la Chine, observe que le gouvernement entend réguler ce que ses citoyens voient sur internet mais aussi apporter son soutien aux acteurs locaux face aux grands groupes étrangers spécialisés dans l’internet, et en particulier les américains.

Sur l’internet comme ailleurs, le gouvernement chinois entend bien exercer une forme de souveraineté. Cela passe également par une liberté d’intrusion dans les communications échangées entre les appareils vendus par ces entreprises étrangères.

Dans le dossier qui l’oppose au FBI, Apple avait été accusée d’être plus coulante avec la Chine. Le directeur des affaires juridiques d’Apple a martelé cette semaine devant le Congrès américain que le groupe s’était opposé depuis deux ans à de multiples demandes de la Chine pour obtenir certains de ses codes source.

L'Apple Store de Tianjin ouvert ce début 2016

La raison exacte qui a motivé la fermeture de ces deux services d’Apple n’est pas connue. Est-ce que c’est un acte de représailles, est-ce qu’il s’agit d’une volonté pure et simple de censure, ou s’agit-il d’user de la manière forte pour privilégier les offres concurentes d’acteurs locaux ? Dans ce cas, Apple Pay pourrait aussi devenir une cible puisque des systèmes de paiement de ce type fonctionnaient déjà avant l’arrivée de celui d’Apple au début de l’année.

Mais brider l’activité d’Apple et d’autres groupes américains peut avoir un effet boomerang, estime le consultant interrogé par le New York Times. Emplois, consommation… sur le long terme, les gains et les avantages au quotidien que procurent l’utilisation de ces produits et services pourraient en souffrir si les relations économiques nouées avec ces entreprises étaient par trop malmenées.

Accédez aux commentaires de l'article