La nouvelle chronologie des médias ne devrait pas changer grand-chose

Nicolas Furno |

Dans l’édition du jour du Figaro (l’article n’est pas sur le site à l’heure où nous écrivons ces lignes), on peut lire les détails de la réforme de la chronologie des médias qui devrait être présentée au ministre de la culture le 9 mars. Pour rappel, la France impose un calendrier très strict pour les sorties cinéma : chaque acteur sur le marché, des salles de cinéma aux services de streaming, en passant par les ventes physiques et les chaînes de télévision, doit respecter ce calendrier qui s’étale actuellement sur 48 mois après la sortie en salles. C’est ce qui explique que l’on ne trouve aucun film de moins de trois ans actuellement sur Netflix et les autres, ils ne peuvent pas le faire.

Sélectionné au Festival de Cannes, Okja était un film financé par Netflix et qui n’est jamais sorti en salles en France. Ce qui avait relancé la polémique sur la chronologie des médias.

Cette chronologie a été créée en 2009, à une époque où l’idée de regarder un film en streaming tenait encore du doux-rêve. L’industrie et les responsables politiques sont conscients qu’une réforme est nécessaire et cela fait plus d’un an que les différents acteurs échangent pour trouver un accord qui convienne au maximum. Le quotidien détaille les changements qui seraient apportés à la chronologie des médias, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils restent minimes.

L’exclusivité des salles de cinéma sera réduite d’un mois, passant de quatre à trois mois. Ce qui veut dire que l’on pourrait acheter un film en DVD ou Blu-ray ou encore le louer sur l’iTunes Store à la fin du troisième mois d’exploitation en cinéma. À l’autre bout du spectre, les services de SVOD comme Netflix ou Amazon Prime Video, voient aussi leur fenêtre très légèrement raccourcie. Un film pourra y être proposé au bout de 27 mois, contre 36 mois actuellement. C’est mieux, mais cela ne devrait pas faire une différence notable à l’usage et encore moins endiguer le piratage, premier objectif de la réforme de la chronologie.

La proposition contient malgré tout une idée nouvelle : les services de streaming peuvent raccourcir l’attente à six mois à condition d’être « vertueux ». Cette vertu s’obtient en respectant plusieurs critères, dont la présence en France et surtout le paiement d’une taxe mensuelle d’environ 3,5 € par mois et par abonné. Ce montant doit servir à financer le cinéma et permet en contrepartie d’offrir à ses abonnés tous les films six mois seulement après leur sortie en salles.

Actuellement, seul Canal+ respecte tous les critères demandés et pourrait ainsi concurrencer Netflix avec un service de streaming rempli de films récents. Est-ce que ses concurrents américains vont accepter ce nouvel accord ? Certainement pas aux tarifs actuels (entre 6 € par mois pour Amazon et 12 € au plus chez Netflix), mais on pourrait imaginer une offre premium, avec les films récents en contrepartie. Est-ce que ces géants mondiaux accepteront de respecter toutes les conditions, y compris leur installation fiscale en France ? C’est loin d’être gagné, d’autant que Netflix a déjà prévenu compter davantage sur ses créations originales plutôt que le cinéma. Voilà qui laisse à Canal+ toute latitude pour dominer ce segment.

Entre la sortie en salles et le streaming, les chaînes de télévision gratuites ont de quoi se réjouir dans cette réforme. Pour elles, la diffusion pourra désormais se faire 15 mois après la sortie, contre 30 mois actuellement. Reste maintenant à savoir si cette proposition sera mise en œuvre.

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