Le smartphone n'a pas encore eu la peau du portefeuille

Florian Innocente |

Le smartphone va-t-il finir par avoir la peau du portefeuille ? La question est légitime lorsqu’on voit le nombre de choses dans nos porte-monnaie qui peuvent être remplacées par une app… ou qui l’ont déjà été.

En prenant la place des billets et de la petite monnaie, des services tels qu’Apple Pay, Orange Cash ou Samsung Pay portent un coup sérieux à ce compagnon indispensable de notre quotidien. Sérieux, mais pas fatal. Le chemin est long avant que l’on puisse passer plusieurs jours avec son téléphone comme seul sésame. Pour payer, se faire soigner, répondre à un contrôle d’identité, se déplacer… un iPhone ne sait pas tout faire.

Revue de détails de ce que nos smartphones ont déjà remplacé et de ce qui résiste encore à leur appétit.

L’argent

Ce n’est que récemment que les téléphones se sont intéressés à notre argent. Plus besoin d’emporter sa carte de paiement ou d’avoir du liquide. On paiera ses courses, un restaurant, un taxi, son plein d’essence, son coiffeur… en tendant son téléphone ou son poignet avec son Apple Watch.

Nous avons d’ailleurs ouvert un appel à témoins sur Apple Pay. On y lit plusieurs expériences positives, parfois amusantes :

Utilisation dans le bar du coin qui venait de recevoir son TPE sans contact… Le patron était fort surpris et a appelé sa femme, les clients au comptoir pour raconter l’expérience… Et quand je lui ai dit que ce n’était pas limité à 20 €, il m’a même repassé un paiement de 50 € pour vérifier que cela fonctionnait et m’a sorti un billet de 50 € de sa caisse en retour.

Mais il y a encore des écueils à franchir. Entre les nombreuses banques qui n’acceptent pas ce service et les commerçants ou les distributeurs automatiques de toutes sortes qui ne sont pas équipés d’un lecteur compatible, il faut s’armer de patience. Et ne parlons pas des voyages à l’étranger. Rien qu’en Europe, Apple Pay aujourd’hui c’est seulement trois pays.

Cette phase de transition, dont il est difficile de dire combien de temps elle durera, oblige à garder sur soi des moyens de paiement traditionnels, même si quelques-uns de nos lecteurs disent arriver à faire l’essentiel de leurs achats avec Apple Pay.

Apple Pay à Londres, merci Edmund

Et puis, comment donner quelques pièces à quelqu’un dans la rue, laisser un pourboire ou offrir un peu d’argent de poche à ses enfants avec son smartphone ? Reste que, pour échanger quelques euros — comme rembourser un ami pour une dépense ou partager des frais — il y a des solutions.

Celle de Lydia est un bon exemple. Cette app assure des échanges d’argent entre utilisateurs et leurs comptes bancaires. Si votre ami n’utilise pas Lydia, il recevra un lien et devra renseigner une page avec les informations de son RIB pour recevoir votre argent.

Certes, c’est un peu plus compliqué que de simplement tendre un billet de 20 € pour payer sa part au restaurant, mais dès lors que toute la bande de copains utilise ce type de service, c’est un moyen pour s’affranchir d’avoir du liquide.

Les cartes de fidélité

Avant même qu’Apple ne lance son porte-cartes Passbook dans iOS 6 (devenu Wallet), les apps pour engranger les cartes de fidélité pullulaient. FidMe ou Fidall par exemple permettent de faire mincir drastiquement son portefeuille.

Cependant, toutes ne peuvent rentrer dans un smartphone. Ce sera le cas de la carte de fidélité que le japonais du coin tamponne à chaque visite. Ou une grande chaîne de restauration rapide qui appose encore des timbres sur une carte en papier après une commande. Ou du bon pour un avoir sur la prochaine consommation. Là, le smartphone n’est d'aucune utilité. Par contre, Apple Pay a participé à dématérialiser les Ticket Restaurant®.

Pour les enseignes qui ont pignon sur rue mais qui ne s’intègrent pas dans Wallet, on peut tester le service PassWallet (lire : Ajoutez facilement vos cartes de fidélité dans Wallet avec PassWallet).

Prévisualisation d’un pass dans Safari sur Mac - Cliquer pour agrandir

Les cartes professionnelles

On aurait pu croire les cartes de visite disparues, voire laminées par le mail, LinkedIn et tous les moyens modernes pour échanger les maigres informations qu’elles contiennent. Tous désuets qu’ils sont, ces bouts de papier font de la résistance.

Tout le monde n’utilise pas les méthodes sus-citées et puis, cela fait partie des convenances dans certains milieux ou domaines d’activité de s’échanger ses cartes.

Cependant, des apps permettent de s’en séparer pour mieux les conserver sous un format numérique ou injecter les informations dans votre app Contacts. Si vous numérisez régulièrement de telles cartes, n’hésitez pas à indiquer les utilitaires que vous utilisez dans les commentaires.

Il faut citer ensuite les cartes professionnelles, comme celle des journalistes. Pas encore de version iOS ou Android pour la carte de presse.

Les photos

Un nombre illimité de photos classées par dates, par lieux ou même par visages… difficile pour le portefeuille de battre Google Photos et ses cousins. Reste l’attachement pour le support physique qui aura une valeur sentimentale plus forte.

Regroupements automatiques de Google Photos : par lieu et par thème. — Cliquez pour agrandir

Les cartes de santé

Il est possible que vous ayez sur vous une carte de donneur de sang qui indique votre groupe sanguin. De même vous pouvez avoir une carte qui précise certaines dispositions médicales particulières.

Puisque l’on a toujours ou presque son téléphone avec soi, celui-ci peut contenir une fiche médicale, accessible même avec l’écran verrouillé et Touch ID activé.

Elle se consulte depuis l’écran de composition des numéros d’urgence. Encore faut-il savoir qu’elle existe et avoir pris soin de la remplir. On peut y mettre des numéros de personnes à prévenir, celui de son médecin, préciser des contre-indications médicales, etc.

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[MàJ] : précision de l'un de nos lecteurs à propos de la fiche santé sur l'iPhone et de l'indication du groupe sanguin : « La "carte" de l'iPhone n'a pas du tout la même valeur vis à vis d'un médecin qu'une carte physique, signée par un biologiste, indiquant le nom du laboratoire, et assurant qu'il y a bien eu 2 déterminations ».

Papiers d’identité

C’est là que réside certainement le plus gros obstacle à une dématérialisation du portefeuille. En vrac : carte d’identité, passeport, permis de conduire, carte Vitale, carte européenne d’assurance maladie, carte grise… il y a du chemin à faire avant qu’ils ne se retrouvent tous à l’intérieur d’une app.

Certains pays ont déjà commencé à les transformer en cartes plus sécurisées. Il y a aussi les "identités numériques" avec des initiatives comme celle de France Connect pour s'identifier auprès des différentes administrations avec un seul identifiant fourni par un tiers de confiance (La Poste par exemple). C'est un premier pas.

La prochaine étape est de les installer dans les smartphones. En Angleterre et aux États-Unis (dans l’Iowa), des programmes pilotes ont été lancés pour glisser le permis de conduire dans son téléphone ou créer une version mobile qui compléterait la version classique. Le permis étant dans certains pays une véritable pièce d’identité, les usages possibles en seraient multipliés.

La mise à jour de vos données (adresse, nom, accord pour un don d’organes en cas d’accident…) se ferait de manière automatique. De même que la suspension de votre permis, sa réactivation ou tout simplement sa mise en service.

Un montage pour illustrer un permis de conduire numérique en Angleterre — crédit Oliver Morley

Il serait possible aussi de ne révéler à l’écran qu’une partie de vos informations, lorsqu’il n’est pas nécessaire que votre adresse apparaisse par exemple.

L’année dernière, le Ministère des affaires étrangères et du commerce australien a lancé une réflexion autour d’un stockage des passeports dans le nuage. Ceci pour éviter aux citoyens australiens et néo-zélandais d’avoir leur papier avec eux lorsqu’ils voyagent entre les deux pays.

Les données biométriques d’un individu seraient conservées en ligne. En cas de perte du passeport papier, il serait restauré sous une forme numérique sur un téléphone. La gestion des visas en serait également simplifiée, ils seraient transmis directement sur votre passeport virtuel.

Un tel changement implique des accords sur les normes techniques employées, sur les procédures d’utilisation entre les pays ainsi qu’une acceptation de la part des utilisateurs. En somme, patience…

Titres de transport

Trains, avions… les smartphones (voire les montres) ont déjà remplacé les billets et les cartes d’embarquement que l’on gardait soigneusement dans son portefeuille.

Pour les vélos en location ce n’est pas encore possible. Par contre, payer son trajet en métro avec Apple Pay, c’est jouable à Londres. Un futur iPhone pourrait aussi être compatible avec le standard de paiement utilisé dans les transports en commun japonais.

La région parisienne veut aller plus loin en remplaçant à l’horizon 2018/2020 le pass Navigo par une app fonctionnant avec des téléphones NFC. Ceux qui n’en ont pas ou les touristes pourront toujours se procurer une carte sans contact. Les modalités techniques sont encore à définir, mais le principe de cet investissement a été voté en juin.

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Conclusion

Perdre son portefeuille est toujours une source d’angoisse. Elle n’est pas moindre avec un téléphone mais au moins, son contenu est à l’abri des regards curieux et il peut être restauré à volonté.

En revanche, le portefeuille en cuir garde un gros avantage sur n’importe quel smartphone : aucune batterie à recharger et une compatibilité assurée avec toutes les cartes même anciennes… Au vu de tout ce qu’il reste à faire pour le rendre caduc, le portefeuille a de bonnes chances de rester pour quelques années encore une idée de cadeau de Noël ou d’anniversaire…

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