Apple News : des humains pour mettre de l’ordre dans la folie de l’information

Mickaël Bazoge |

L’application Apple News est devenue une des principales sources d’information pour 90 millions de personnes aux États-Unis. Cela représente une responsabilité pour Apple, qui dès le lancement de ce service fin 2015, a mis en place une rédaction composée de journalistes dont la mission est de sélectionner les principales histoires provenant des publications partenaires.

« Nous sommes responsables de ce qu’il y a [dans l’app] », explique Roger Rosner, le patron d’Apple News, au New York Times. « On ne veut pas que ça devienne un repaire de fous ». Pour ordonner l’aspect éditorial de l’application, Apple a fait appel à Lauren Kern, ancienne journaliste au New York Magazine. Elle est à la tête d’une escouade d’une trentaine de journalistes répartis entre Cupertino, New York, Sydney et Londres1.

La sélection d’articles bouge cinq fois par jour, parfois plus en fonction de l’actualité. En plus de cette éditorialisation, des algorithmes prennent la main pour suggérer des histoires en fonction des goûts du lecteur. Cette sélection réalisée par des humains tranche avec les pratiques de Google, YouTube, Twitter et Facebook, qui ont beaucoup misé sur les algorithmes avant de se rendre compte que les trolls en jouaient — comme cela a été le cas, massivement, durant la campagne électorale américaine de 2016.

Lauren Kern, rédactrice en chef d’Apple News.

Tout comme les algorithmes, les humains aussi peuvent se tromper, ou avoir des biais. Mais quand les journalistes d’Apple News lisent une histoire, ils peuvent déterminer plus facilement qu’une machine si l’actu est douteuse. La rédaction de l’app a ainsi écarté plusieurs articles sensationnalistes qui se sont finalement révélé faux… mais qui ont eu le temps de faire le buzz ailleurs, sur les réseaux sociaux.

Pour ce qui concerne les opinions politiques, Apple News tente de satisfaire toutes les sensibilités. Pour sa section consacrée aux élections de mi-mandat aux États-Unis, l’application fait appel aussi bien à Fox News, une voix conservatrice, qu’à Vox, beaucoup plus libérale. Apple explique que son service compte autant d’utilisateurs lisant des publications étiquetées à droite qu’à gauche.

Apple News dans macOS Mojave. Pour activer l’app en France, suivez ce mode d’emploi.

« Depuis le début, Tim [Cook] nous a dit que nous avions la responsabilité d’aider l’industrie de l’information », explique Roger Rosner. « C’est fondamental pour la démocratie ». Mais Apple News permet-il aux éditeurs de presse de gagner de l’argent ? En bout de course, c’est ça le nerf de la guerre. Le tableau est plus nuancé sur ce point.

Le New York Magazine indique que la fréquentation provenant d’Apple News a doublé depuis décembre dernier. L’app compte pour 12% des visites sur le site web de la publication. Le trafic provenant de Facebook a été réduit d’un tiers (8%), quand celui provenant de Google compte pour la moitié du trafic total. Plutôt positif donc, mais insuffisant pour la plupart des éditeurs.

Slate engrange plus d’argent de 50 000 vues sur son site que des 6 millions de vues par mois sur Apple News. Les lecteurs restent généralement scotchés dans l’application et vont finalement peu sur les sites web des publications. Et Apple conserve une bonne partie des données du lectorat, alors qu’elles représentent le pain et le beurre pour les éditeurs.

Apple News permet pourtant à la presse de rentabiliser les articles qui paraissent dans l’app avec leurs propres publicités, pour lesquelles les éditeurs empochent 100% des gains (Apple peut servir d’intermédiaire en fournissant ses propres publicités, contre une commission de 30%). « C’est très rare », soutient Eddy Cue le grand manitou du contenu chez Apple. Le vice-président admet toutefois qu’Apple n’est pas spécialement douée ni forcément très intéressée par la publicité.

En revanche, Apple est prête à mettre le paquet pour aider les éditeurs à vendre des abonnements. Il est très facile en effet de s’abonner aux publications dans Apple News. Mais là aussi les conditions du constructeur (30% de commission sur l’abonnement la première année, puis 15% ensuite) ne font pas le bonheur des partenaires de l’app.

L’app Texture acquise par Apple au mois de mars.

Eddy Cue rétorque toutefois que les publications engrangent avec Apple News des abonnements qui n’auraient sans doute pas été souscrits autrement. La commission prélevée par Apple est « relativement faible », soutient-il aussi (elle est de 5% chez Google, de 0% chez Facebook). On prête désormais à Apple la volonté de lancer un abonnement pour accéder à toute une série de magazines et de quotidiens, suite à l’acquisition du service Texture parfois présenté comme le « Netflix de la presse ».

En France, il faut se contenter pour le moment du widget Apple News, qui propose quatre actus provenant d’une sélection de publications dont le choix est laissé aux bons soins mystérieux d’Apple (lire : Le pouvoir démesuré du widget Apple News en France).


  1. Apple News n’est disponible qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. ↩︎

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