Apple déjà soupçonnée de violations du DMA par la Commission européenne

Stéphane Moussie |

La semaine d’Apple commence comme la dernière s’était terminée : très mal. Après le procès du département de la Justice des États-Unis pour pratiques anticoncurrentielles, au tour de la Commission européenne de montrer les crocs. Moins de trois semaines après l’entrée en vigueur du Digital Markets Act, l’institution ouvre une enquête sur d’éventuelles infractions de la part d’Apple.

Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne. Image Union européenne/iGeneration.

La Commission soupçonne l’entreprise d’enfreindre une règle liée à la liberté de communication sur l'App Store. Google est également concerné par cette enquête. « La Commission craint que les mesures d'Alphabet et d'Apple ne soient pas pleinement conformes car elles imposent diverses restrictions et limitations. Celles-ci restreignent, entre autres, la capacité des développeurs à communiquer librement, à promouvoir des offres et à conclure directement des contrats, notamment en imposant divers frais », indique Bruxelles dans un communiqué de presse.

C'est l'article 5.4 du DMA, qui prévoit que le contrôleur d’accès permette aux développeurs de communiquer et de promouvoir leurs offres gratuitement auprès des utilisateurs grâce à sa plateforme ou via d’autres canaux, qui est au cœur de la question. Cette nouvelle investigation de la Commission européenne porte sur des faits très similaires aux obstacles dénoncés par Spotify et pour lesquels Apple a été condamnée récemment à une amende de 1,8 milliards d'euros. La différence ici est que les reproches ne portent pas uniquement sur le marché de la musique, mais sur l'App Store de manière générale.

Ce n’est pas le seul problème soulevé par la Commission. La procédure concerne également des obligations liées à Safari. Une règle veut que le contrôleur d’accès permette la désinstallation de ses applications sur son système d’exploitation, or Apple a prévenu que la désinstallation de Safari ne serait pas possible avant la fin de l’année.

De plus, la Commission soupçonne que la modification des réglages par défaut d’iOS et que l’écran de sélection du navigateur par défaut ne soient pas conformes. Dans le premier cas, c’est peut-être l’option de remplacement de Safari qui joue à cache-cache depuis iOS 17.4 qui pose problème, dans le second c’est peut-être l'installation pas suffisamment rapide.

Sélection du navigateur par défaut sur iOS 17.4. Google milite pour simplifier davantage la sélection du navigateur par défaut sur iOS en évitant le passage par la fiche App Store.

Lors de l'audition d'Apple à Bruxelles la semaine dernière, un représentant de Google avait émis l’idée que le téléchargement du navigateur se fasse en un tap depuis l’écran de sélection. C’est ainsi que cela fonctionne sur Android, où chaque application est accompagnée d’une très courte description. Hors de question de reprendre cette approche, avait répondu un représentant d'Apple, estimant qu'une phrase ne suffit pas à décrire un navigateur. iOS présente la fiche App Store de chaque navigateur avant son téléchargement éventuel, ce qui représente un point de friction dont Google se passerait bien.

Sélection du navigateur par défaut sur Android. Il n'y a pas de passage par Google Play lors de la procédure.

Par ailleurs, sans ouvrir de procédure formelle, la Commission demande à Apple des informations supplémentaires pour vérifier si ses mesures de téléchargement d’applications depuis le web sont bien en règle. C'est notamment le Core Technology Fee, cette commission de 0,50 € sur chaque installation au-delà du premier million, qui est en jeu ici. Lors de son audition la semaine dernière à Bruxelles, Apple avait défendu ardemment le Core Technology Fee, assurant qu’il était dans les clous.

Apple n’est pas la seule entreprise à être d’ores et déjà épinglée dans le cadre du DMA. Outre Google pour des conditions commerciales sur Android, Meta est suspecté de violation vis-à-vis de son abonnement payant qui permet notamment de supprimer la publicité et Amazon est scruté pour un éventuel favoritisme de ses propres marques sur sa plateforme.

La Commission rendra les conclusions de son enquête d’ici un an. En cas de violation avérée du DMA, les géants du numérique s’exposent à une amende allant jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires mondial.

Accédez aux commentaires de l'article