Entre fermeté et ouverture, comment Apple a défendu son plan « 1.0 » de conformité au DMA

Stéphane Moussie |

« Très franchement, les 18 derniers mois ont été incroyablement intenses. » C’est par ces mots qu’Apple a débuté hier, le 18 mars, son grand oral à Bruxelles portant sur sa mise en conformité au Digital Markets Act. Pendant une journée complète, l’entreprise a justifié son plan controversé face à des développeurs et diverses associations.

La Commission européenne n’est pas intervenue dans les débats, elle s’est tenue aux rôles d’organisatrice et d’observatrice. Les éventuelles réprimandes publiques à l’encontre d’Apple attendront. L’objectif de ce « workshop » (atelier) était de donner du grain à moudre au régulateur en faisant entendre les avis des acteurs qui sont censés bénéficier de l’ouverture à la concurrence d’iOS et de l’App Store. Les autres grands groupes soumis au DMA (Meta, Amazon, Google…) se plieront au même exercice tout au long de la semaine.

Les trois représentants d’Apple. De gauche à droite : Brendan McNamara, Kyle Andeer et Gary Davis. Image Union européenne/MacGeneration.

Apple était représentée par trois cadres impliqués au premier chef dans l’application du DMA : Kyle Andeer (Vice President, Products & Regulatory Law), Brendan McNamara (Director, Competition Law & Policy) et Gary Davis (Global Senior Director of Privacy & Law Enforcement Requests). Face aux questions directes et précises de l’audience, les trois hommes ont tour à tour fait preuve de fermeté, de souplesse, de transparence ou de duplicité selon les sujets.

Une « version 1.0 » du plan de mise en conformité

En introduction, les représentants d’Apple ont rappelé tout le mal qu’ils pensaient de la législation européenne : « Nous sommes inquiets de perdre la spécificité de l’iPhone. […] Nous avons été contraints de faire des compromis qui pourraient mettre nos utilisateurs en danger. » Pour l’entreprise, plus de liberté équivaut à moins de sécurité.

« J’ai peur » : Apple joue ses clients contre l’Union européenne pour attaquer le « désastre » du DMA

Permettre la distribution des apps iPhone en dehors de l’App Store, désolidariser Safari d’iOS ou encore autoriser les systèmes de paiement tiers sont autant de tâches « incroyablement compliquées » à réaliser tout en préservant la sécurité, a assuré Kyle Andeer. En dépit des 18 mois de préparation dont a bénéficié Apple, « je ne vais pas m’asseoir ici et dire que tout fonctionnera parfaitement dans la version 1.0 », a déclaré le responsable des affaires réglementaires.

Depuis la présentation de son plan « 1.0 » (à moins qu’il s’agissait d’une bêta ?) fin janvier, Apple a déjà effectué de nombreuses concessions : annulation de l’abandon des PWA, suppression de la garantie bancaire d’un million d’euros pour les créateurs de boutique tierce, autorisation de retour aux anciennes conditions commerciales, téléchargement d’applications depuis les sites web des développeurs…

« Nous écoutons attentivement ce que les développeurs, la commission et les autres parties prenantes ont à dire sur nos projets », a fait valoir Kyle Andeer. Quand bien même Apple est censée respecter à la lettre le DMA depuis le 7 mars, le représentant a estimé que la mise en conformité sera un « processus très itératif » qui s’étalera durant les mois et les années à venir : « le changement ne se produit pas du jour au lendemain, cela prend du temps, surtout lorsqu’il survient en raison d’une pression externe réglementaire plutôt que par l’innovation. »

Google à l’assaut de Safari

La première des quatre parties de la journée était consacrée aux règles autour de la sélection du navigateur par défaut. Après l’installation d’iOS 17.4, les utilisateurs européens voient apparaître un écran de sélection du navigateur principal au premier lancement de Safari. Pourquoi au lancement de Safari et pas au démarrage du système, comme le fait Android ? Parce que le DMA n’impose de le faire que lors de la première utilisation du navigateur du contrôleur d’accès, ont justifié les représentants d’Apple en préambule. Pas question de faire du zèle et de rendre le remplacement de Safari plus facile qu’il ne devrait l’être.

À entendre Kyle Andeer, les concurrents de Safari peuvent presque s’estimer heureux de voir cet écran de sélection implémenté de la sorte dans iOS. Au départ, Apple avait envisagé rendre l’écran facultatif pour ne pas sacrifier la simplicité d’utilisation de l’iPhone, mais après des discussions avec la Commission européenne, l’entreprise s’est résolue à le rendre inévitable.

Lors de la séance de questions-réponses, interrogés par le navigateur Ecosia sur le pourcentage d’utilisateurs européens ayant vu cet écran, les représentants d’Apple n’ont donné aucun chiffre précis, tout en mettant en avant l’adoption généralement rapide des mises à jour d’iOS.

À DuckDuckGo qui demandait s’il serait possible de détecter les installations provenant de l’écran de sélection, Apple a répondu que ce le sera très prochainement. Même chose pour une requête d’Ecosia et du collectif Guardian Project qui aimeraient déterminer quand leurs applications sont sélectionnées comme navigateur par défaut.

De gauche à droite, Darby Brennan de Google et John Ozbay d’Open Web Advocacy. Image Union européenne/MacGeneration.

Déjà en pointe dans l’épisode de l’abandon avorté des PWA dans iOS 17.4, l’association Open Web Advocacy a poursuivi son rôle de poil à gratter. Le membre de l’association John Ozbay a affirmé qu’en ne mettant pas le nouveau navigateur par défaut à la place de Safari dans le Dock d’iOS, Apple plombait l’efficacité du DMA. Ce à quoi Kyle Andeer a répondu que l’une des « beautés » de l’iPhone était qu’il était personnalisable et que les utilisateurs pouvaient déplacer les icônes.

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