A propos du retrait de VLC de l'App Store

Anthony Nelzin-Santos |

L'aller-retour de VLC sur l'App Store est un beau sac de nœuds. C'est la société parisienne Applidium qui a développé l'application pour iPhone et iPad, en accord avec VideoLAN qui porte le projet. La réaction d'Applidium au sujet du retrait de VLC de l'App Store semble pourtant indiquer une certaine confusion (lire : VLC a quitté l'App Store).

Le code de VLC est soumis à la licence GPLv2, qui offre dans l'esprit : la liberté d'exécuter le logiciel, pour tous les usages ; la liberté d'étudier le fonctionnement d'un programme et de l'adapter à ses besoins (pour ceci, l'accès au code source est une condition requise) ; la liberté de redistribuer des copies ; la liberté d'améliorer le programme et de publier vos améliorations pour en faire profiter toute la communauté (là encore, l'accès au code source est une condition requise) (OSI et GNU). Le portage de VLC sur iOS permet de réaliser la première liberté en le faisant accéder à une nouvelle plateforme. Mais parce que cette version iOS est publique, son code doit être rendu public pour que la communauté puisse en bénéficier : ce n'est pas un problème, d'autres applications placées sous l'égide de la GPL étant disponibles dans l'App Store fournissant leur code source, comme Wordpress ou Wikipedia.

Le problème vient de la troisième liberté : dès la disponibilité de VLC sur l'App Store, la FSF (Free Software Foundation) est montée au créneau, tout comme Rémi Denis-Courmont, un des principaux contributeurs à VLC et employé de Nokia (lire : VLC en sursis sur l'App Store ). « Un avis formel de violation de copyright a été envoyé aujourd'hui à Apple, Inc. concernant la distribution de VLC Media Player pour iPad, iPhone et iPod touch. VLC Media Player est un logiciel libre licencié exclusivement sous les termes de la licence publique générale GNU open source (GPL). Ces termes sont contrariés par les règles d'utilisation de l'App Store avec lequel Apple distribue les applications aux utilisateurs de ses appareils mobiles. » pouvait-on lire dans sa missive.

Selon la FSF, la licence GPL est incompatible avec les conditions de l'App Store, point qui a provoqué de nombreux débats au sein de la communauté du libre. Un utilisateur d'un logiciel soumis à la licence GPL ne peut en effet pas renoncer à une des quatre libertés, mais en imposant une DRM sur les applications, Apple empêche une libre transmission des applications, violant ainsi le principe de « libre redistribution des copies », que l'application soit gratuite ou payante. Ce bref résumé du problème est très incomplet, car chacun interprète de manière légèrement différente GPL et conditions de l'App Store, sans pouvoir bien trancher : Jean-Baptiste Kempf, président de VideoLAN, a par exemple fustigé la conduite de la FSF, lui reprochant d'instrumentaliser VLC au profit de son radicalisme. Bref, la FSF se serait offert un coup de communication facile sur le dos d'Apple (lire : Crise de communication pour VideoLAN ). Rémi Denis-Courmont a pris acte du retrait de VLC de l'App Store, écorchant au passage ceux qu'il appelle « les fanboys Apple ».

Ce manque total de sérénité autour de questions qui mériteraient du calme et de la réflexion ne permet aujourd'hui pas de trancher : il est probable qu'Apple ait préféré se débarrasser de ce problème de la manière la plus simple qu'il soit. Applidium ne pense pas que la licence de l'App Store soit incompatible avec la GPL : « La plainte de Rémi Denis-Courmont nous a surpris, dans la mesure où nous avions reçu l’accord de l’association VideoLAN pour porter VLC sur iOS. Certains membres de l’association nous ont d’ailleurs aidés à réaliser ce portage. Cela va sans dire, nous pensons toujours que la licence de l’AppStore n’est pas incompatible avec la licence GPLv2 de VLC. En conséquence, ensemble avec VideoLAN, nous faisons de notre mieux pour que cela ne soit pas la fin de VLC/iOS. En conclusion, nous trouvons cela dommage d’empêcher des millions d’utilisateurs de profiter d’une application Open Source … au nom du logiciel “libre”. »

On imagine mal Apple faire un geste pour faciliter la résolution de ce problème (permettre par exemple de ne pas utiliser de DRMs sur certaines applications), ce qui laisse toujours en suspens la question des autres applications libres disponibles sur l'App Store. Le salut de VLC sur iOS viendra donc plus probablement de longues discussions entre les différents acteurs de la communauté du libre sur le cadre exact de la GPL et ses possibles incompatibilités. En attendant, le lecteur multimédia est disponible par le biais de Cydia.

Accédez aux commentaires de l'article