C'est peu dire que la version Apple TV d'Amazon Prime Video était attendue. En juin, le service de streaming avait obtenu quelques minutes du précieux temps de Tim Cook sur la scène du McEnery Convention Center durant la WWDC à San Jose.
L'attente s'est prolongée tout au long de l'année, jusqu'à ce 6 décembre fatidique où enfin, les abonnés Prime peuvent enfin profiter du catalogue de films et de séries d'Amazon sur leur Apple TV, sans passer par l'application iOS et AirPlay.
Du bon…
Pour l'occasion, Apple a mis les petits plats dans les grands avec un communiqué en bonne et due forme vantant les mérites des contenus d'Amazon. Si ce catalogue n'est pas aussi riche que celui de Netflix, il n'en propose pas moins des séries originales (American Gods, The Man in the high castle, Transparent, The Grand Tour…) ainsi qu'un fonds de catalogue pas forcément exceptionnel, mais il y a quelques films qui valent le coup d'œil. Le tout au prix de 49 € par an, avec en sus la livraison en un jour ouvré et d'autres avantages Amazon.
De plus, et c'est une bonne surprise (qui dénote tout de même que cette app est en développement depuis un moment du côté d'Amazon), Prime Video a aussi fait son apparition sur les Apple TV 3e génération. Il suffit de redémarrer le boîtier, et l'icône s'affiche sur la page d'accueil. Sympa de penser à eux !
… et du moins bon
Mais cela n'exonère pas Amazon de faire des efforts pour servir au mieux les utilisateurs d'Apple TV. Si la promesse de base est remplie — lancer la lecture d'un contenu, ce qui n'est pas spécialement compliqué —, le reste n'est pas au niveau de ce que l'on peut attendre d'une application tvOS.
Avec un Apple TV 4K, sous réserve d'une bonne connexion et que le contenu soit compatible, la vidéo s'affiche en 4K HDR. En revanche, il faut se contenter d'un son stéréo 2.1… Amazon indique néanmoins que l'audio 5.1 arrive « bientôt », ce qui sera un soulagement pour ceux qui ont investi dans une installation home cinema.
Au-delà de la qualité du contenu, de l'image et du son (visiblement, ça va s'arranger de ce côté), c'est l'application en elle-même qui laisse sérieusement à désirer. C'est pourtant une partie importante de la fameuse « expérience utilisateur » tant vantée par Apple. Dès le lancement de l'application en fait, on se rend compte que les choses ne sont pas comme elles devraient l'être.
Si on a pu s'identifier en saisissant ses identifiant et mot de passe depuis l'Apple TV, fort bien. D'autres ont préféré en passer par l'option d'enregistrement en ligne car leur mot de passe est trop complexe pour être tapé à la télécommande. Pour plusieurs de ces utilisateurs, il a fallu en passer par Chrome car Safari posait un problème de cookies (un bug que je n'ai pas rencontré).
L'interface de l'application n'a pas grand chose à voir avec ce que l'on connait des autres apps pour Apple TV. Aucun effet 3D sur les vignettes — une des marques de fabrique de l'interface de tvOS —, des éléments graphiques qui vous sortent complètement de l'univers chatoyant de l'Apple TV, utilisation de la typo d'Amazon mais pas partout (le menu Rechercher reprend celui de tvOS), l'étagère de la page d'accueil se contente d'une image statique… Le tout donne l'impression de se retrouver avec un banal boîtier low cost ou devant une smart TV quelconque.
Ce manque de soin dans les finitions pique les yeux : dans l'onglet Distribution par exemple, certains profils des acteurs sont étirés en hauteur, et rien ne se passe quand on clique sur une image alors qu'on s'attend à obtenir la liste des contenus liés à l'acteur ou l'actrice en question. Ou à tout le moins des informations supplémentaires… Ce n'est pas comme si Amazon était le propriétaire d'IMDb, la bible de l'industrie du cinéma !
Et puis il y a ces petits trucs qui énervent, comme la difficulté de savoir si on a bien enregistré tel film ou série dans ses favoris (il faut maintenir le clic de sélection de la télécommande), ou encore le fait que l'application n'enregistre pas les préférences de lecture de l'utilisateur (VF, VOST, sous-titres…). Certes, Netflix aussi a du mal avec cette gestion des préférences.
On se demande vraiment comment Amazon a pu obtenir une telle attention de la part d'Apple (ce qui a d'ailleurs déteint sur la presse en ligne — nous y compris — qui a fait grimper la sauce)… alors que le produit fini est si éloigné de « l'expérience » Apple TV.
Triste portage
Il ne fait aucun doute qu'Amazon n'a pas voulu exploiter toutes les ressources mises à disposition par Apple pour développer son application Prime Video. On s'en rend compte assez facilement, il suffit de l'utiliser quelques minutes…
D'après les constatations de Steve Troughton-Smith, Amazon a recyclé le code de l'application qui sert à d'autres plateformes sur lesquelles Prime Video est disponible : les tablettes, box et sticks TV d'Amazon, les consoles de jeux, et les smart TV. L'application iOS respecte elle un peu mieux les standards de la plateforme mobile.
Au contraire d'iOS, tvOS ne permet pas d'afficher de vues web dans les apps pour l'Apple TV (lire : Dans les coulisses d’iGeneration TV). La possibilité qu'Amazon se soit contenté d'un site web encapsulé dans une app est donc exclue (même si certains soupçonnent Apple d'avoir donné un sauf-conduit à Amazon…).
Sous le capot de cette application Apple TV, se trouve le même moteur web qui permet à Amazon de distribuer les contenus Prime Video à la plupart de ses autres plateformes. Seule l'interface a été « adaptée » pour s'afficher correctement sur tvOS. C'est d'ailleurs ce qui a sans doute aussi permis à l'app Prime Video de montrer le bout du nez sur l'Apple TV 3e génération.
Après tout, peu importe la bouteille, pourvu qu'on ait l'ivresse. Toutes les apps tvOS (en particulier celles de streaming) ne respectent pas à la lettre les préceptes d'Apple. Mais après tant d'attente, on pouvait s'attendre légitimement à quelque chose de mieux, ce d'autant que l'Apple TV est une des grosses plateformes du streaming. Peut-être qu'Amazon voulait tester l'intérêt des utilisateurs tvOS, sans trop investir dans le développement d'une application parfaitement adaptée ?
Espérons alors que les choses vont s'améliorer rapidement. Ce d'autant qu'Amazon ne cesse d'investir dans les contenus (avec entre autres le développement d'une série adaptée du Seigneur des Anneaux…). Ce serait ballot de se contenter d'un tel portage bâclé.