iPhone 6s : un bon premier trimestre, mais un deuxième trimestre qui s'annonce difficile

Anthony Nelzin-Santos |

En vendant 74,779 millions d’iPhone pendant les fêtes de fin d’année, soit 34 740 iPhone par heure pendant treize semaines d’affilée, Apple a défié les prévisions les plus pessimistes. Ce n’est donc pas ce trimestre qu’elle aura annoncé la première baisse des ventes de l’iPhone — mais Tim Cook a prévenu : ce sera pour le prochain.

La remontée du panier à plus de 690 dollars, un plus haut historique, confirme le succès des nouveaux iPhone à Noël, ou du moins des plus grandes capacités, plébiscitées par les premiers clients. En trois mois, 40 % des utilisateurs d’iPhone sont passés au 6s ou 6s Plus, le reste des ventes s’étant essentiellement effectué auprès d’utilisateurs d’Android.

Mais Apple a sans doute raté des ventes, ce qui explique que leur croissance soit finalement limitée à 1,71 %. Si le panier moyen est remonté, c’est aussi que la société a augmenté ses prix sur de nombreux marchés pour maintenir ses marges face aux fluctuations des devises. Luca Maestri, le directeur financier d’Apple, assume pleinement cette politique, garante à ses yeux de l’équilibre à long terme de la société.

Les choses se compliqueront plus franchement au deuxième trimestre : d’une faible croissance, on passera à une forte baisse, la première de l’histoire de l’iPhone. Tim Cook assure qu’elle ne sera pas aussi élevée que le chiffre de 15 à 20 % avancé par certains analystes, mais les estimations de chiffre d’affaires fournies par Luca Maestri évoquent un chiffre de 8 à 14 %. La dernière fois qu’Apple avait annoncé un tel gadin, l’iPod venait à peine d’être annoncé !

Il faut dire que le prochain trimestre souffrira de la comparaison avec un T2 2015 exceptionnel : la demande pour l’iPhone 6 s’était maintenue à des niveaux très élevés, d’abord parce qu’elle avait été limitée par la production pendant les fêtes, ensuite parce qu’elle avait été soutenue par le Nouvel An chinois. Or la production a cette année été mieux maîtrisée, au point de pouvoir maintenant être ralentie pour écouler les stocks.

Et Tim Cook voit les premiers signes d’un « ralentissement » en Chine et surtout à Hong Kong. Une nouvelle d’autant plus inquiétante que la Chine est le moteur de la croissance d’Apple : ses ventes continuent d’y augmenter sur un rythme à deux chiffres, alors qu’elles baissent de 12 % au Japon et de plus de 4 % aux États-Unis. Enlevez la Chine des résultats de la société, et elle aura déjà annoncé la première baisse de son chiffre d’affaires en treize ans.

Les ventes d’iPhone y augmentent de 19 % tout de même, mais le tassement est notable. La Chine demeure un immense réservoir de croissance pour Apple : la moitié des clients y achetaient leur premier iPhone, et 80 % des utilisateurs de mobiles doivent encore passer à un terminal 4G, marché sur lequel Apple est très concurrentielle. Mais le ralentissement de l’économie chinoise a rattrapé la firme de Cupertino, qui doit désormais composer avec des forces macroéconomiques de très grande ampleur.

« Composer », mais pas « se compromettre » : Tim Cook refuse de toucher au prix de l’iPhone pour compenser. Jamais le CEO d’Apple n’avait articulé aussi clairement la stratégie de la société, qui n’ira pas vers de nouveaux publics avec de nouveaux prix, mais attendra que de nouveaux publics puissent supporter ses prix. La firme fera le dos rond et continuera d’investir en Apple Store (40 d’ici l’été) et en marketing (avec des campagnes dédiées) en attendant le retour des jours meilleurs…

Quand ? Dès le troisième trimestre, selon Luca Maestri, qui ne s’engage toutefois pas à des prédictions à six mois. Il sait que si la situation devait perdurer, Apple ferait face à un problème inédit de grippage conjoncturel, sans autres relais de croissance évidents. Ses concurrents en souffrent aussi, et peut-être plus durement, la firme à la pomme ayant tout de même les reins très solides. Reste qu’à court terme, sa balance comptable reste incertaine.

Le programme de location d’iPhone baisse le coût d’acquisition, mais ne représente qu’un faible pourcentage des ventes. Les économies russes et brésiliennes ralentissent aussi, et si l’Inde s’ouvre progressivement aux arguments d’Apple, elle reste encore un pari pour la prochaine décennie. L’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud sont plus faciles à atteindre, mais ce sont aussi de plus petits marchés.

Finalement, la surprise pourrait provenir des « vieux » marchés que sont le Japon, l’Europe, et les États-Unis. Un éventuel iPhone 5se pourrait y être bien accueilli, mieux en tout cas que dans des pays où le smartphone est le seul ordinateur, et se doit donc d’avoir un grand écran. Mais il faudra que l’iPhone 7 y provoque une vague importante de renouvellements, qu’il « débloque » la croissance dans ces pays où le marché du smartphone est mûr.

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