Pourquoi une batterie peut exploser ?

Anthony Nelzin-Santos |

Les déboires de Samsung ont au moins un mérite, celui de rappeler à quel point les batteries au lithium peuvent être susceptibles. Si elles sont indispensables au fonctionnement des appareils mobiles, elles sont aussi leur talon d’Achille. Explications.

Une batterie de MacBook Pro bien amochée. Image CC BY J Aaron Farr.

Pourquoi la batterie du Samsung Galaxy Note7 peut-elle exploser ?

Les théories abondent… mais Samsung ne connait toujours pas les raisons exactes de l’explosion de la batterie de certains Galaxy Note7.

D’accord, mais pourquoi une batterie peut-elle exploser ?

Les batteries d’accumulateurs électrochimiques stockent et délivrent de l’énergie électrique par l’entremise de réactions chimiques. Des composants employés dépend la densité énergétique des batteries : les batteries au plomb « stockent » 30 à 40 Wh/kg, les batteries nickel-cadmium 40 à 60 Wh/kg, et les batteries au zinc jusqu’à 200 Wh/kg. Les chercheurs n’ont de cesse d’augmenter la densité énergétique des batteries, tout en les allégeant.

Or le « plus léger » des métaux est aussi celui qui possède le meilleur potentiel électrochimique, et fait donc figure de Graal pour la fabrication de batteries. Il s’agit, vous l’aurez compris, du lithium. Sauf que le lithium réagit avec l’azote et l’oxygène et brûle en présence d’eau, toutes choses qui ne manquent pas dans l’atmosphère. Il a fallu 80 ans à des chercheurs répartis sur trois continents pour mettre au point des batteries au lithium fiables et pratiques.

Plutôt que du lithium pur, ces batteries recourent à des composés du lithium, moins « performants » mais plus stables. Chacun de ces composés possède des caractéristiques adaptées à tel ou tel usage :

  • le phosphate de fer lithié ne possède pas une densité énergétique exceptionnelle, mais il est durable et économique : on le trouve dans les alimentations sans interruption ou les systèmes d’alimentation photovoltaïques et éoliens ;
  • le lithium-dioxyde de manganèse est un peu moins durable et un peu plus cher, mais il résiste très bien aux fortes charges : il est très employé dans les véhicules et les outils électriques ;
  • le dioxyde de cobalt et de lithium affiche au contraire une grande densité énergétique, qui le rend particulièrement attractif dans les appareils mobiles… au prix d’une stabilité et d’une durabilité plus faibles.

Ces composés forment la cathode de l’accumulateur, alors que l’anode est généralement composée de graphite. Un séparateur en polymère de synthèse isole l’anode de la cathode, tout en permettant le passage des ions de l’une à l’autre à travers de nombreuses microperforations. Le tout baigne dans un électrolyte, une substance conductrice contenant des sels lithiés, et recouvert de multiples couches isolantes.

L’électrolyte est pollué ? Un choc rompt le séparateur ? Une charge trop forte abime la cathode ? Les réactions chimiques sont détraquées et peuvent produire du dioxyde de carbone qui augmente la pression interne, ou une intense chaleur qui peut faire dégénérer la situation. Sans les protections adéquates, elle peut alors s’enflammer ou exploser, et dégager des fumées toxiques.

Mais justement, il n’y a pas de protection contre ça ?

C’est tout le génie des batteries au lithium : les éléments qui participent aux réactions chimiques servent aussi à les arrêter en cas de problème. Les microperforations du séparateur agissent comme des portes coupe-feu, qui se ferment lorsque la température dépasse un certain seuil. La cathode contient généralement une thermistance chargée de couper le courant si la pression ou la température s’élèvent, un composant que l’on retrouve dans d’autres parties de la batterie.

Une batterie d’iPhone 4S. Image CC BY Alan Levine.

Les couches isolantes sont munies de « coutures » qui sautent pour éviter la surpression, de la même manière que le roseau plie et ne rompt pas. Les batteries elles-mêmes sont de plus en plus souvent scellées dans une enveloppe flexible plutôt qu’un boitier rigide : il vaut mieux une batterie gonflée qu’une batterie explosée, un appareil qui peut encore être sauvé qu’un appareil (et une maison) en flammes.

Donc la batterie de mon iPhone peut exploser ?

Encore récemment, un client d’Apple a reçu un iPhone 7… complètement détruit par une batterie au tempérament trumpesque. Le dernier rappel massif organisé par la firme de Cupertino était d’ailleurs justifié par la surchauffe et l’embrasement de batteries : en 2006, une chaine de production de Sony avait été contaminée au nickel, et plus de dix millions de batteries d’ordinateurs portables avaient dû être rappelées. Un accident spectaculaire et mémorable, mais extrêmement rare.

Il est moins rare que la batterie gonfle, signe que les réactions chimiques ont dérapé, mais que les protections internes ont fonctionné. Les vieilles batteries, dont les composants se dégradent qu’ils soient utilisés ou non, sont les premières concernées, mais pas les seules. Une batterie flambant neuve peut gonfler très rapidement si vous utilisez un chargeur de mauvaise qualité provoquant la défaillance des systèmes de sécurité.

Pourquoi fait-on tout un foin du Galaxy Note7, alors ?

Parce qu’il y a une différence entre une batterie qui gonfle de temps en temps et 50 batteries qui brûlent et explosent en quelques jours. Le premier cas relève de la fatalité de l’existence des batteries, le deuxième cas relève de la défaillance systématique d’un fabricant qui a voulu aller plus vite que la musique.

Et si la batterie était amovible ?

Les batteries amovibles ne sont pas si différentes des batteries intégrées : la plupart des batteries des appareils mobiles sont désormais composées de couches enroulées de telle manière à former une petite brique. Un éventuel problème de conception ou de fabrication aurait sans doute touché une batterie amovible similaire, et rien ne dit que la faute vienne de la batterie elle-même. Le circuit de charge, la connexion de la batterie à la carte-mère, ou encore le circuit de régulation peuvent être en cause, même si les clichés de Galaxy Note7 défectueux tendent à les exonérer.

Cela dit, une batterie amovible aurait peut-être mieux réagi à un tel problème : le confinement d’une batterie collée et entourée de composants facilite la montée de la pression et de la température qui transforment un gonflement en incendie, et un incendie en explosion. Et une batterie amovible est bien plus facile à remplacer préventivement qu’un téléphone complet. Reste que l’industrie va dans le sens d’une plus grande intégration, qui permet de conformer les batteries aux formes effilées et arrondies des appareils à la mode.

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