Eddy Cue : Apple est un robinet à contenus vertueux

Mickaël Bazoge |

L'acquisition de Texture, qui se présente comme le Netflix des titres de presse, est l'occasion pour Apple de faire le point sur ses initiatives en matière de contenus. Eddy Cue, le grand manitou du domaine chez Apple, a donné plus de relief à cette acquisition durant une conférence au festival SXSW, qui se tient à Austin (Texas).

Image @Johan Trouvé.

Le vice-président confirme tout d'abord que Texture va s'intégrer au sein d'Apple News. On devrait donc voir arriver sous peu un système d'abonnement (ou peut-être même la possibilité d'acheter des articles ?). Pas un mot hélas sur un lancement en France de l'application… Le principe d'agrégation, d'éditorialisation et de suggestion de contenus — qui est celui d'Apple Music, d'Apple News, de l'app TV et de Texture, entre autres — est une « responsabilité » qui repose sur les épaules d'Apple, explique Eddy Cue.

Le dirigeant se veut très clair : « Nous ne pensons pas que la suprématie blanche ou les discours de haine doivent être diffusés ». Il n'est pas question non plus qu'Apple autorise des apps qui permettent d'acheter ou de vendre des armes. La NRA, le lobby américain des armes, est sur la sellette depuis la tuerie qui s'est déroulée dans un lycée en Floride. Un mouvement s'est levé sur internet pour exiger des distributeurs de supprimer les apps de la NRA, qui sont toujours disponibles sur l'App Store.

Elles devraient le rester, comme c'est le cas de l'app NRA TV pour tvOS, si elles respectent le guide des bonnes pratiques édicté par Apple. Mais si des changements qui s'écartaient des guidelines étaient apportés à ces apps, elles seront supprimées (comme toutes les apps, en gros). La ligne rouge ici, c'est la vente et l'achat d'armes.

On a rarement, voire jamais, entendu un haut cadre d'Apple évoquer aussi clairement ces maux qui fracturent les États-Unis. L'objectif du constructeur est de fournir du contenu provenant de sources reconnues et crédibles afin d'éviter les problèmes de désinformation et autres « fake news » qui plombent d'autres services (Facebook, Twitter et YouTube essuient régulièrement le feu des critiques).

« Nous lisons beaucoup de choses sur les fausses informations et c'est un problème », assène-t-il. Le débat doit être lancé et des solutions doivent être trouvées. En creux, on comprend qu'Apple fait partie de la solution et pas du problème.

Et puisque les plateformes de contenus d'Apple ne se reposent pas sur la publicité, Apple News suggère des lectures qui vont au-delà du positionnement du lecteur : « Je reçois beaucoup d'e-mails qui disent qu'Apple News est trop à gauche, et beaucoup d'e-mails qui me disent qu'Apple News est trop à droite ». Cela dépend non seulement des publications que l'on suit, mais le service veut proposer aux lecteurs plus que les actus les plus populaires ou celles qui brossent l'utilisateur dans le sens du poil.

Télévision : la qualité, pas la quantité

Concernant la télévision pour laquelle Apple investit sans compter, le vice-président semble admettre que la Pomme n'a pas su comment s'y prendre : « Nous aimons faire ce que nous savons faire (…) Nous ne connaissons rien à la télé ». Voilà qui explique peut-être la qualité toute relative des premières productions TV d'Apple (Planet of the Apps, Carpool Karaoke qui va avoir droit à une deuxième saison) !

C'est la raison pour laquelle le constructeur a embauché des professionnels du secteur et mis sur pied une équipe de 40 personnes, avec beaucoup de projets sur le feu. « Nous ne cherchons pas la quantité, nous voulons de la qualité », relativise Eddy Cue. « Quand vous pensez au contenu, la manière de le raconter, c'est ce qui compte ».

Et pour lui, il est impossible de raconter de bonnes histoires dans les formats courts (de 2 à 8 minutes) que peuvent proposer YouTube ou Snapchat. Cela demande plus de temps. Le patron des contenus ne dit pas comment Apple compte s'y prendre pour diffuser ses futures séries, mais en revanche il fait miroiter un « angle technologique » qui sera une « surprise ». Le mystère reste entier…

Apple pourrait-elle s'offrir un jour un gros poisson du secteur, comme Netflix ou carrément Disney ? Eddy Cue botte en touche : « habituellement, dans l'histoire d'Apple, nous ne faisons pas de grosses acquisitions » [exception à la règle : Beats, qui a coûté 3 milliards de dollars]. « Nous pensons qu'il y a un vrai changement qui va arriver sur le marché du contenu ».

La réalité augmentée optimiste d'Apple

La réalité augmentée reste bien sûr un secteur de grand intérêt pour Apple, même si on peine encore à déceler les applications AR absolument indispensables. « Nous sommes optimistes, la réalité augmentée va être énorme », s'enthousiasme le dirigeant.

Eddy Cue lève un tout petit coin du voile sur le sujet, expliquant qu'Apple s'est intéressée au sujet au moment du développement de l'iPhone 6, sorti en 2014. L'intérêt du constructeur remonte donc à avant cette date. « Nous voulions que cela fonctionne avec des appareils plus anciens » : de fait, les apps ARKit peuvent fonctionner à partir de l'iPhone SE/6s.

Cue se refuse évidemment à dire si Apple a l'intention un jour de diffuser les apps ARKit en dehors de l'iPhone ou de l'iPad (sous-entendu : dans des lunettes). Mais « les téléphones ne vont pas disparaitre du jour au lendemain » : pas question de les remplacer par des systèmes "tête haute" car ces dispositifs ne savent pas (encore ?) accomplir toutes les tâches d'un smartphone.

38 millions d'abonnés Apple Music

Cette conférence est aussi l'occasion pour Eddy Cue de faire le point sur le HomePod. « Nous en sommes très fiers », assure-t-il alors que les ventes seraient modestes, selon plusieurs analystes. « Nous ne fabriquons pas cent produits, du coup nous pouvons mettre toute notre énergie derrière une poignée de produits ». Selon lui, il est impossible de faire les choses convenablement avec un catalogue pléthorique de produits. Pour le moment, les premières ventes satisfont le constructeur.

Eddy Cue a mis à jour le nombre d'abonnés à Apple Music : ils sont désormais 38 millions d'abonnés payants, soit deux millions de plus que début février : le compteur file rapidement visiblement ! Le VP précise aussi qu'il y a plus de 8 millions d'abonnés qui sont dans leurs trois mois gratuits, dont un certain nombre pourrait basculer dans le payant.

Spotify, le grand rival, est loin devant avec 71 millions d'abonnés payants. Le dirigeant estime qu'Apple Music, mais aussi Spotify, ont besoin de croître encore plus, avant que le modèle du streaming soit rentable. Remarque intéressante du big boss des contenus : il y a un écart important entre les personnes qui peuvent s'offrir un abonnement à un service de streaming et ceux qui le font réellement. Il y a donc quelque chose à creuser ici pour amener ces personnes à verser leur obole mensuelle — peut-être leur offrir du contenu vidéo de qualité ?

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