Free : l’opérateur qui monte, qui monte…

Christophe Laporte |

Le 10 janvier 2012 restera une date marquante de l’histoire des télécoms en France. Trois ans et quelques mois après le lancement de Free Mobile, où en est-on exactement ? Ces quelques chiffres permettent de donner une idée précise de l’ascension d’Iliad sur ce segment :

  • Plus de 78 % de la population couverte en 3G avec ses antennes. N’en déplaise à ses concurrents, aucun d’entre eux n’avait été aussi rapide dans le déploiement de leur réseau de troisième génération.
  • 15 % de parts de marché de la téléphonie
  • 10,5 millions d’abonnés à la fin de l’année dernière

La concurrence a souvent cassé du sucre sur deux points : le rythme de déploiement de Free Mobile et la qualité de son réseau. En ce qui concerne le premier point, le groupe Iliad a sans doute réussi à faire taire une grande partie de ses détracteurs en parvenant à couvrir 75 % de la population à la fin de l’année dernière.

L’autre argument qui revient souvent, c’est donc la qualité de son réseau : oui, son réseau est encore de moins bonne facture que celui de ses concurrents. C’est une évidence, mais cela est chaque jour de moins en moins vrai.

Chaque jour qui passe, Free continue d’étendre son réseau. Et d’ici la fin de la décennie, il n’aura plus grand-chose à envier à celui de ses concurrents. Le jour où Free Mobile aura atteint un tel état de développement, alors ceux qui ont longuement agité le drapeau rouge pourront se faire du souci.

Reste que l’ascension de Free Mobile est un parcours semé d’embûches. La société de Xavier Niel doit négocier finement plusieurs virages majeurs.

À court terme, le plus important pour Free Mobile est d’obtenir une part du gâteau dans la bande des 700 MHz. Xavier Niel a clamé à plusieurs reprises son envie d’acquérir une partie des fréquences qui seront mises en jeu.

Il faut dire que Free Mobile n’a guère le choix. Le dernier entrant possède 20 MHz dans la bande des 2600 MHz. Ces fréquences permettent d’obtenir de très bons débits, mais ce sont également celles qui portent le moins loin.

En fin d'année dernière, il a obtenu un bloc de 5 MHz duplex dans la bande des 1 800 MHz. Un bloc d'autant plus important que la 4G+ fonctionne par agrégation de bandes. Plus vous avez de bandes, plus vous pouvez offrir à vos clients des débits élevés. La façon dont les bandes doivent être mises en vente est d’ailleurs un grand sujet de conversation entre les opérateurs.

Comme nous l’expliquions plus haut, l’autre grand défi de Free Mobile, c’est de déployer le plus possible ses réseaux 3G et 4G avant la fin de l’itinérance avec Orange prévue normalement pour la fin 2017.

La bombe atomique, c’est Free qui l’a

Offensive sur le mobile, la filiale d’Iliad a encore d'autres atouts dans son jeu. Xavier Niel a promis une surprise d’ici le mois d’août. En novembre dernier, il reconnaissait que sa société « s’était un peu endormie » dans ce domaine (lire : Xavier Niel promet deux surprises pour 2015).

De là à remettre le feu dans l’industrie des télécoms qui se remet difficilement du tsunami Free Mobile ? La fin de la guerre des prix espérée par certains n’est peut-être pas pour tout de suite (lire : Téléphonie : la fin de la baisse des prix programmée pour 2015).

En tout cas, on a pu le constater dans les jours qui ont précédé l’annonce de la Freebox mini 4K, s’il y a bien une société qui possède le bouton de la bombe atomique, c’est bel et bien Free.

En mars dernier, la presse rapportait une conversation téléphonique entre Niel et le dirigeant d'un concurrent où le premier menaçait « de tout péter, tout mettre à 10 euros ». Était-ce des paroles en l'air ou quelque chose de vraiment sérieux ?

Si Free Mobile passait véritablement à l’acte, il ne fait guère de doute que des opérateurs qui sont déjà à la limite comme SFR ou Bouygues auraient du mal à s’en remettre.

Le jour où Free Mobile s’est converti à Android

Ces dernières années, la firme de Xavier Niel est avant tout concentrée sur le mobile, mais elle n’en oublie pas le fixe. Alors que le successeur de la Freebox Revolution ne devrait pas voir le jour avant 2016, Free a surpris son monde en dévoilant en mars la Freebox mini 4K, fonctionnant sous Android TV.

Cette annonce était d’autant plus surprenante qu’à plusieurs reprises les dirigeants de Free ont répété leur opposition à intégrer Android dans leurs box.

D’après nos informations, les équipes de Free étaient opposées à l’idée. On nous a présenté cette décision comme « un caprice de Xavier Niel » qui ne voulait surtout pas laisser le champ libre à Bouygues Telecom avec sa Bbox Miami. Le développement à marche forcée de cette Freebox explique sans doute ses défauts de jeunesse (lire : La nouvelle Freebox est (comme toujours) très instable).

Mais l’information la plus intéressante dans le lancement de la Freebox mini 4K est sans doute celle de son prix. Free n’a pas voulu entrer dans la guerre tarifaire que Bouygues cherche à lancer dans l’internet fixe. La Freebox mini est proposée à 29,90 € par mois, contre 25,99 € pour la Bbox Miami.

Il sera intéressant de voir l’impact que la Freebox mini 4K aura sur les recrutements du fournisseur d’accès. Sur ce segment, la croissance de Free s’est faite à la fin de l’année 2014 en bonne partie grâce aux offres flash. Sur le haut débit, l’ARPU a tendance à baisser régulièrement depuis quelques mois : 35,50 € au 30 septembre, 35,10 € au 31 décembre et 34,70 € à la fin mars. Mais la véritable contre-offensive de Free sur ce créneau aura sans doute lieu en début d’année prochaine avec le lancement du successeur de la Freebox Revolution.

Si l’on met de côté Orange qui est dans une situation à part, le groupe Iliad est sans doute dans la position la plus enviable. La société enchaine les résultats trimestriels records, dispose d’un très faible endettement et peut revoir ses objectifs à la hausse.

Gagnant à tous les coups ou presque ?

A très long terme, la place de numéro 2 du marché des télécoms n’est pas inenvisageable. De plus, elle pourrait être favorisée par un éventuel rapprochement entre SFR et Bouygues Telecom. Un tel mariage ne pourrait pas se faire sans contrepartie. On se souvient des arrangements intervenus en un temps record lorsque SFR et Bouygues avaient tenté de s’unir en mars dernier.

Mais Free peut également accélérer le mouvement soit en poursuivant la guerre tarifaire, soit éventuellement en sortant le carnet de chèques. Le groupe Iliad a les moyens de jeter son dévolu sur Bouygues Telecom.

A vendre ? - Crédit Bilder von Bendtsen

Le plus important n’est sans doute pas là. Après l’aventure de la téléphonie mobile avec Free Mobile, quelle sera la prochaine grande aventure pour le groupe de Xavier Niel ? Il y a eu ce rêve américain sans lendemain… Il n’est pas interdit de penser que les dirigeants de Free essaieront tôt ou tard de reproduire leur formule gagnante dans un autre pays. Mais où et quand ? En attendant, Xavier Niel notamment multiplie les laboratoires à l’étranger avec notamment Salt (ex-Orange Suisse), Monaco Telecom ou encore Golan Telecom.

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