Microsoft va revenir sur le marché du mobile cette semaine avec le lancement de la Surface Duo. Un appareil qui mélange les fonctions de smartphone et de tablette grâce à deux écrans de 5,6" séparés par une charnière mécanique. Pas d'écran pliable comme ailleurs, mais un pari sur un autre type de design. Et pour le système sous l'écran, c'est l'Android du concurrent Google qui a été préféré à Windows.
Quelques-uns des responsables de la Surface Duo ont raconté à The Verge les conditions de la naissance de ce produit et justifié certains de ses choix. La Surface Duo sort demain aux États-Unis mais, hormis des présentations de son aspect matériel, aucune prise en main de son fonctionnement logiciel n'est parue. L'embargo sur les tests des médias américains n'a pas été encore levé (lire Microsoft montre les possibilités de la Surface Duo).
La Duo aurait dû être accompagnée d'une grande sœur, la Surface Neo, basée sur le même principe mais avec deux écrans de 9" et Windows 10X plutôt qu'Android. Elle sortira finalement plus tard.
La genèse de la Surface Duo a pris six ans, après que Microsoft a décidé d'annuler la sortie d'une petite tablette de 8" sur Windows RT, la Surface Mini. A suivi alors le développement d'un concept, baptisé « Andromeda », et basé déjà sur deux écrans. Puis de cela est né le projet de la Surface Duo.
Rapidement, l'idée d'aller vers un écran pliable a été abandonnée, l'exemple malheureux du premier Galaxy Fold ayant prouvé les limites de ce concept, explique Steven Bathiche, responsable matériel et innovation :
Ce n'était pas difficile de réaliser que prendre un écran et le plier n’était pas la bonne option pour ce produit. Nous voulions du verre. Nous voulions du verre qui ne se raye pas, car nous voulions également proposer un stylet. Nous voulions aussi une charnière à 360 degrés, et nous voulions y arriver sans compromettre l'épaisseur de l'appareil.
Tenir l'objectif d'un produit assez fin s'est avéré un challenge et le sujet de nombreuses discussions et oppositions (ouverte la Surface Duo ne fait que 4,8 mm d'épaisseur pour 250 grammes, pour comparaison un iPad mini affiche 6,1 mm et 300 grammes). Il convenait également d'équilibrer les masses entre les deux panneaux pour ne pas instaurer un déséquilibre lors de la tenue en main. Par conséquent, il n'y a pas de troisième écran sur l'une des faces extérieures, comme c'est le cas sur le Galaxy Z Fold 2.
D'autres designs ont été testés, comme d'avoir un format de smartphone avec deux écrans de chaque côté ou encore une liaison sans-fil entre deux écrans détachés.
Cela s'est conclut sur un produit fin, léger, équilibré, symétrique lorsqu'il est ouvert et de l'encombrement d'un carnet Moleskine. Panos Panay, le patron de Windows et du matériel chez Microsoft, raconte qu'il s'est promené plusieurs mois avec une maquette en métal de la Duo, pour en éprouver le design, le poids « est-ce que ça rentre dans une poche, est-ce qu'on peut s'assoir avec », la taille et ce principe d'avoir à constamment l'ouvrir pour l'utiliser.
Après avoir préféré l'OLED au LCD pour des questions de finesse notamment, les ingénieurs de Microsoft se sont rendus compte, avec les premiers prototypes, qu'avoir deux écrans distincts côte à côte n'était pas une solution de facilité : « Les écrans sont comme des flocons de neige, il n'y en a pas deux identiques ».
Autrement dit, il n'y avait pas d'uniformité entre les deux images. Ce qui pouvait passer inaperçu avec un design à un seul écran, posait problème avec deux écrans que l'on pouvait voir selon des angles différents. Il a fallu travailler avec le fabricant pour améliorer l'angle de vue et calibrer les dalles afin d'obtenir des niveaux de contraste et de couleur uniformes et un bon alignement des pixels de part et d'autre de la charnière.
Ces décisions d'aller vers un produit fin et léger ont conduit à des compromis importants. Le processeur Qualcomm Snapdragon 855 a deux ans d'âge, il n'y a pas de NFC, pas de 5G et la caméra ne devrait concurrencer aucun modèle des smartphones Android actuels (la capacité de stockage est de 128 Go et la RAM de 6 Go). Un produit innovant mais rempli de composants pas tout à fait de la dernière fraîcheur (la Duo coûtera 1 400 $).
Et puis il y a eu ce choix d'Android. Microsoft se retrouve à vendre une gamme de matériels informatiques reposant sur deux systèmes d'entreprises différentes : on aura des portables Surface sur Windows, cette petite Surface Duo sur Android et sa grande cousine, la Surface Neo, de nouveau sur Windows.
Microsoft a travaillé étroitement avec Google pour optimiser Android à ce design d'appareil, en concevant et en partageant l'accès à des API sur mesure. La Surface Duo utilisera une version quasi pure d'Android et Microsoft assurera la compatibilité de sa Duo avec trois versions majeures (ce qui est considéré comme très bien dans le monde Android).
Mais pour ce qui est d'avoir opté pour Android plutôt que Windows, Panos Panay ne tourne pas autour du pot: « les apps ». Autant Windows a sa carte à jouer sur des appareils grand format proches des portables PC, autant sur des appareils plus mobiles Android est incontournable, et il offre toutes les apps, celles de Microsoft comprises, dont ont besoin les utilisateurs. Donc Android sur la Surface Duo.
L'avenir de cette gamme va continuer de passer par ce principe de deux écrans attachés, assure Panos Panay, avec d'autres tailles d'écrans. Un jour, peut-être, les dalles pliables pourront utiliser un verre plus résistant, mais d'ici là Microsoft s'en tient à son idée.
On attendra de voir ce qu'en disent les tests, mais la Surface Duo pose question quant à son intérêt et sa cible. Pour l'utilisateur type qui dispose déjà d'un smartphone et d'un portable PC, n'est-elle pas trop petite pour remplacer le PC (qui plus est avec Android) ? Ou trop grosse et malaisée à utiliser pour remplacer le smartphone (notamment pour téléphoner avec).
Ou encore, peut-on imaginer ajouter ce troisième appareil à ceux que l'on transporte déjà avec soi ? À moins qu'elle ne soit en mesure de s'imposer chez certains comme un produit à tout faire, capable de remplacer les autres. Pour Panos Panay, il ne fait aucun doute en tout cas que ce produit, avec son physique particulier, est à même de bousculer l'avenir.
[MàJ] : ajout du prix de la Duo : 1 400 $.