Apple Pay : Apple sous le coup d'une accusation d'abus de position dominante en Europe

Stéphane Moussie |

Les ennuis continuent pour Apple en Europe. À la suite d'une enquête ouverte en juin 2020, la Commission européenne a informé Apple d'un possible abus de position dominante sur le marché du paiement mobile sur iPhone.

« Nous disposons d'éléments nous indiquant qu'Apple a restreint l'accès de tiers à la technologie clé nécessaire pour développer des solutions de portefeuilles mobiles concurrentes sur les appareils d'Apple, déclare Margrethe Vestager, la vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence toujours à la manœuvre. Dans notre communication des griefs, nous avons considéré, à titre préliminaire, qu'Apple pourrait avoir restreint la concurrence, au profit d'Apple Pay, sa solution propriétaire. S'il était confirmé, un tel comportement serait illégal au regard de nos règles en matière de concurrence. »

Margrethe Vestager, le 2 mai 2022. Image European Union

Seul Apple Pay peut exploiter la puce NFC de l'iPhone pour du paiement mobile sans contact, et ce depuis le lancement du service en 2014. Or, les conditions d'utilisation d'Apple Pay, notamment la commission prise par Apple sur chaque transaction, ont été très critiquées par différents acteurs à travers le monde. « [Les banques] se sentent contraintes d’accepter, car leurs clients sont très demandeurs de ces nouveaux services », avait commenté l'année dernière la présidente de l'Autorité française de la concurrence, qui se disait très vigilante à l'égard d'Apple Pay.

Les services qui ne veulent pas se plier aux conditions d'Apple peuvent imaginer d'autres techniques de paiement, comme le font WeChat ou Lyf Pay avec des QR code, mais la Commission européenne note que « la technologie NFC offre une expérience de paiement plus fluide et plus sécurisée, et bénéficie d'une plus large acceptation en Europe. »

En restreignant la NFC de l'iPhone à Apple Pay, le régulateur européen estime qu'Apple « produit des effets d'éviction pour ses concurrents, affaiblit l'innovation et restreint le choix des consommateurs en ce qui concerne les portefeuilles mobiles sur iPhone. »

Durant l'investigation, Apple avait tenté de se défendre en arguant qu'Apple Pay contribuait à la concurrence du secteur bancaire en faisant cohabiter au sein d'une même app, Wallet, de grandes banques comme de petits établissements. Jennifer Bailey, la responsable du service, avait également tenté de minimiser l'importance d'Apple Pay sur le marché européen en faisant valoir que 70 % des consommateurs européens achètent des smartphones Android incompatibles avec Apple Pay, qu'il est possible d'utiliser d'autres méthodes de paiement que la NFC sur iPhone et que le paiement mobile reste très largement minoritaire.

La Commission européenne ne prononce aucune sanction pour l'heure, la communication des griefs est une étape formelle des enquêtes permettant aux accusés de prendre connaissance des éléments contre eux et d'y répondre. La communication présentée aujourd'hui ne porte que sur l'accès restreint des développeurs tiers de portefeuilles mobiles à la NFC pour les paiements en magasin. Pas de griefs communiqués à ce stade sur les deux autres aspects de l'enquête, à savoir les restrictions en ligne et les refus d'accès à Apple Pay que subiraient certains concurrents spécifiques.

Ce coup de semonce intervient alors que la nouvelle législation européenne sur les marchés numériques (DMA) prévoit que les développeurs aient accès aux composants des smartphones dans des conditions équitables. Autrement dit, le DMA pourrait forcer Apple à ouvrir la NFC de l'iPhone à d'autres services. En conférence de presse, Margrethe Vestager a balayé d'avance l'argument de sécurité que l'entreprise pourrait invoquer pour échapper à cette future obligation. La bête noire d'Apple ne compte pas attendre l'entrée en vigueur du DMA pour agir, elle veut « faire avancer cette affaire aussi vite que possible. »

« Apple Pay n'est qu'une des nombreuses options offertes aux consommateurs européens pour effectuer des paiements, a réagi l'entreprise. Nous continuerons à collaborer avec la Commission pour garantir que les consommateurs européens aient accès à l'option de paiement de leur choix dans un environnement sûr et sécurisé. »

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