Le rêve des uns, celui des clients réclamant de pouvoir faire tourner macOS sur leur iPad, est le cauchemar des autres, celui des responsables d’Apple craignant le procès en incapacité de la tablette. Les déclarations de Tom Boger, vice-président responsable du marketing du Mac et de l’iPad, sur la complémentarité des deux plateformes n’ont pas suffi. Greg Jowziak, markéteux en chef de la firme de Cupertino, en remet une couche dans une interview à Fast Company en assurant que « la majorité des clients du Mac ont un iPad et utilisent les deux ».
« Une grande partie des clients de l’iPad ont un Mac, certains d’entre eux ont même un PC », ajoute-t-il, « vous utilisez l’outil le plus sensé au moment t. Ce sont deux outils différents. » Alors que l’iPad Pro a explicitement été conçu comme le seul ordinateur (mais « qu’est-ce qu’un ordinateur ? ») capable de prendre la relève du bon vieux Mac, il souffre aujourd’hui de la comparaison avec les machines Apple Silicon, qui ont récupéré ses meilleurs attributs sans rien perdre de leur polyvalence.
Le risque de la cannibalisation s’est renversé. Les ventes d’iPad ont tant baissé qu’elles ont fait un bond de dix ans en arrière, alors que le Mac ne s’est jamais aussi bien porté, et si macOS n’est pas exempt de critiques, les limites d’iPadOS sont d’autant plus apparentes que les promesses d’Apple sont intenables. Avant d’être complémentaires, l’iPad et le Mac sont bel et bien concurrents, ne serait-ce que sur le plan tarifaire. Même le « simple » iPad est maintenant présenté avec son clavier et son stylet, une configuration valant la coquette somme de 827 €.
Voilà pourquoi la déclaration de Jozwiak est riche d’enseignements : elle semble prouver qu’une majorité de clients ne se pose pas de questions, mais achète les deux produits, quitte à ce qu’ils soient partiellement redondants. L’iPad profite d’une déclinaison du système d’exploitation de l’ordinateur personnel par excellence, le smartphone, tandis que le Mac bénéficie d’une plus grande ouverture. Dans ce sens, la fameuse métaphore du camion tient toujours, chacun trace sa route dans son couloir.
L’iPad et le Mac ne sont que différentes expressions d’un même matériel, mais l’un est plus flexible que l’autre, à vous de choisir dans quel sens lire cette phrase selon votre humeur et vos usages. « C’est une drôle d’affaire de perception », dit John Ternus, vice-président d’Apple responsable du matériel, « les amateurs du Mac se font peut-être une idée de ce que doit être un professionnel. Vous avez vu ce que l’équipe de Procreate fait avec l’Apple Pencil Pro. Il n’y a pas d’application de dessin plus professionnelle dans le monde que Procreate ».
Ce n’est pas tous les jours que les responsables d’Apple montent ainsi au créneau, alors même que l’articulation entre l’iPad et le Mac est un vieux débat, tranché depuis longtemps par Tim Cook. Mais puisque Jozwiak déclare très sérieusement que son entreprise a « simplifié la gamme » alors qu’il faut des pages entières pour détailler la compatibilité de tel clavier ou de tel stylet, les gens peuvent toujours rêver d’un Mac tactile ou d’un iPad sur macOS.