Une montre connectée : oui, mais pour quoi faire ?

Christophe Laporte |

L’Apple Watch sera commercialisée dans une poignée de semaines. Il s’agit sans doute du plus grand pari d’Apple depuis le lancement de l’iPhone. Mais pourquoi acheter une montre connectée ? Quels en sont les bénéfices au quotidien ? Pour essayer d’y voir plus clair, je me suis « sacrifié » en adoptant pendant un mois la Pebble Watch.

Pourquoi une Pebble ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je dois évoquer mon passif en matière de montres. Adolescent, je collectionnais les montres asiatiques qui cumulaient les fonctionnalités (chronomètre, baromètre, thermomètre…). Comme pour beaucoup, mon poignet s’est rapidement retrouvé nu suite à l’apparition des téléphones portables. À quoi bon avoir l’heure deux fois ? Ironie de l’histoire, c’est le smartphone qui est en train de remettre cet objet en selle.

Pendant plus d’un an, j’ai eu un Shine au poignet (lire : Test du Shine de Misfit Wearables). Il s’agit pour ceux qui l’ignorent d’un traqueur d’activité sans écran. Grâce à son système de diodes, il est capable de donner l’heure de manière approximative, mais on est loin d’une vraie montre.

Si j’étais satisfait du Shine, lui devait l’être un peu moins de moi. Il a fini par fonctionner de moins en moins bien (problème de synchronisation, autonomie de plus en plus courte). J’ai donc eu l’envie de le remplacer par une « smartwatch ».

Ce ne sont pas les modèles qui manquent sur le marché. Enfin sauf si l’on prend comme prérequis la compatibilité avec l’iPhone. Tant pis pour la Moto 360 qui me faisait les yeux doux (lire : Test de la Moto 360), mais je n’avais pas envie de changer de téléphone. Il y a bien les montres de Withings, mais elles n’étaient pas disponibles quand j’ai débuté cette expérience.

Au final, mon choix s’est porté presque par défaut sur la Pebble Smartwatch que nous avons testée il y a un an déjà. Dire qu’il s’est porté par défaut est d’ailleurs un peu vache, car la façon dont se développe cette montre est extrêmement intéressante.

L’histoire de la Pebble en elle-même mérite le détour. La société a financé en très grande partie son développement grâce à Kickstarter. Alors que ses fondateurs espéraient trouver 100 000 $, ils ont obtenu au final un peu plus de 10 millions de dollars, un record en soi.

Il y a deux choses qui sont particulièrement intéressantes avec la Pebble. C’est un produit qui a trouvé son public. En 18 mois de commercialisation, son fabricant en a vendu plus de 450 000 exemplaires. Il n’est pas certain que ses concurrents appartenant à des sociétés autrement plus prestigieuses aient réussi à faire beaucoup mieux, ou alors en cassant les prix, comme LG et Samsung l’ont déjà fait à de multiples reprises (lire : La LG G Watch à 99 € chez Bouygues).

L’autre intérêt de la Pebble, c’est que cette montre évolue en permanence et que son fabricant a réussi à mettre en place un petit écosystème. Depuis cet été, la montre peut faire office de traqueur d’activité. Le logiciel système de la Pebble évolue en permanence. Le chantier du moment pour les ingénieurs de cette montre, c’est la prise en charge d’Android Wear.

Mon choix s’est porté sur le modèle de base, vendu un peu plus de 120 €. En France, Bouygues la commercialise depuis peu. À l’utilisation, la Pebble me fait penser au Palm Pilot avant la montée en puissance des PDA ou encore aux BlackBerry avant l’arrivée de l’iPhone.

Si une montre est également (si ce n’est avant tout) un objet de mode, on ne peut pas dire que cet aspect est celui qui ait occupé le plus ses concepteurs. Mais elle a le mérite d’être assez résistante.

Les choix techniques tranchent également avec la plupart des modèles Android : un écran noir et blanc, pas de tactile, une définition également en retrait (144 par 168). C’est aussi peu sexy qu’un BlackBerry de l’époque, mais c’est également terriblement efficace : 7 à 10 jours d’autonomie ! Un chiffre à faire pâlir la concurrence et très certainement l’Apple Watch qui devra très vraisemblablement passer chaque jour par la case recharge. Autre avantage par rapport à la concurrence : la Pebble résiste à l’eau.

La Pebble au quotidien

C’est un peu bête à dire, mais les premiers jours, j’avais l’impression d’être revenu 20 ans en arrière en faisant ce petit geste du poignet afin de consulter l’heure. C’était d’autant plus surprenant que d’apparence, la Pebble est finalement beaucoup plus proche des « montres de mon enfance » que des montres connectées ultra-modernes comme la G-Watch ou la Moto 360.

Mais cela présente également des avantages. La formule est éprouvée. La montre se manipule aisément avec ses quatre gros boutons : un à gauche, trois à droite. Celui de gauche permet de revenir en arrière, les boutons sur le côté droit permettent de faire défiler alors que le bouton central permet d’enclencher une action.

La Pebble met à disposition des utilisateurs deux types d’apps : des cadrans et des applications. Les premières sont extrêmement limitées. Elles ne permettent quasiment aucune interaction. Elles ne font qu’afficher des informations : heure, date, température, cours de la bourse, nombre de pas…

"L'App Store" de la Pebble

Les applications sont situées dans un autre espace. Elles permettent plus d’interactivité, car elles peuvent se manipuler à l’aide des boutons situés sur le côté droit de la montre.

À l’image de ce que fera l’Apple Watch, la Pebble a son petit compagnon sur iPhone. Les deux communiquent en Bluetooth. L’application donne accès à un App Store qui permet de télécharger soit des cadrans soit des apps sur sa montre. Faute de mémoire, on est limité à 8 applications.

L'interface de gestion de la Pebble

Même si la Pebble est limitée graphiquement, on trouve de nombreux cadrans. Et cela doit sans doute être l’un des principaux hobbys des utilisateurs de Pebble : trouver un cadran à la fois esthétique et qui affiche des informations pertinentes. Il y en a vraiment pour tous les goûts. D’ailleurs, Pebble n’est pas très regardant sur le sujet et laisse passer des cadrans qui utilisent des marques ou des logos très probablement sans autorisation.

A priori, l’Apple Watch viendra avec un nombre limité de cadrans que l’on pourra personnaliser. Par contre, on ne pourra pas (dans un premier temps seulement ?) télécharger de cadrans supplémentaires. Je suis assez persuadé que si Apple offrait cette possibilité, cela ferait un tabac.

Alors, que fait-on avec une Pebble à part regarder l’heure ? La montre est livrée avec deux applications très pratiques que l’on retrouvera sur l’Apple Watch : les notifications et la télécommande.

La Pebble permet de recevoir les notifications que vous recevez sur l’écran verrouillé de l’iPhone. Par rapport aux notifications, la Pebble propose trois choix : de recevoir toutes les notifications, uniquement les appels ou rien du tout. Vous avez la possibilité également d’être alerté de l’arrivée d’une notification par une petite vibration.

Forcément, au début, on s’amuse à tout activer. Et très rapidement, après une dizaine de vibrations en quelques minutes, on fait rapidement chemin inverse. Enfin presque… J’ai désactivé les vibrations sauf pour les appels entrants. Et mine de rien, pour moi qui rate d’habitude un appel sur deux, cela change pas mal de choses.

En un coup d’œil, vous voyez qui vous appelle. Libre à vous ensuite de prendre l’appel ou de le rejeter. Le genre de petits trucs qui simplifie la vie. Si dans un premier temps, j’ai passé beaucoup de temps à tout simplement regarder l’heure (ce qui est quand même le but premier d’une montre), on s’approprie l’objet assez rapidement.

Petit à petit, la montre s’impose quand elle en est capable comme le moyen d’interaction le plus simple, le plus direct et peut-être même le plus naturel. Résultat, lorsque je veux voir si j’ai de nouvelles notifications, je prends de plus en plus l’habitude de regarder cela sur ma montre plutôt que d’aller chercher mon smartphone. Et j’ai même trouvé une utilité au mode vibreur en permanence que j’utilise à de rares moments lorsque j’attends quelque chose d’important. À l’utilisation, on regrette juste de ne pas pouvoir filtrer plus finement ses notifications.

L’autre application de base livrée avec, c’est la télécommande. Pas la peine de faire de dessin : vous pouvez mettre sur pause, passer au morceau précédent ou suivant sans avoir à aller chercher votre iPhone au fond de votre poche. Là encore, c’est une fonctionnalité assez pratique. On imagine que ça le sera encore plus avec l’Apple Watch qui permettra d’interagir sur AirPlay par exemple. Les télécommandes sont d’ailleurs assez en vogue sur « l’App Store de la Pebble ».

Lors de la présentation de l’Apple Watch, beaucoup ont regretté qu’Apple n’insiste pas sur les fonctionnalités qui allaient changer la vie des utilisateurs. Pour l’iPhone, cela tenait en trois points : un iPod tactile avec un grand écran, un téléphone mobile révolutionnaire, et un appareil communiquant révolutionnaire.

À l’utilisation de la Pebble, je comprends mieux la position d’Apple. Au final, l’Apple Watch doit être perçue comme une super montre (on ne parle pas de montre de luxe que les choses soient claires), sur laquelle on peut ajouter des fonctionnalités qui répondent à vos centres d’intérêt.

Je prends l’exemple de mon utilisation de la Pebble. Outre les fonctionnalités de base que j’utilise au quotidien, j’ai installé Up comme traqueur d’activité, Swim.com qui permet de monitorer mes séances de natation et Leaf qui permet de piloter le Nest. Chaque utilisateur aura sa manière bien à lui d’utiliser sa montre. Et il y aura peut-être plus de différences au final qu’avec un ordinateur.

Au final, lentement mais sûrement, la Pebble s’est installée dans mon quotidien. Je l’utilise de plus en plus et je la trouve fort pratique. Après tout n’est pas parfait. Il y a un certain nombre de soucis notamment avec les applications qui pilotent le traqueur d’activité que ce soit Up ou Misfit. Mais me voilà avec une montre qui me rend bien des services, même si elle est largement perfectible.

Quelle perspective pour l’Apple Watch ?

Il est difficile de comparer les deux objets. Ils ne boxent bien évidemment pas dans la même catégorie. Mais à travers le prisme de la Pebble, on peut imaginer les utilisations qui seront faites avec l’Apple Watch. Apple insiste notamment beaucoup sur les aspects santé et fitness. Au passage, on regrettera contrairement à la Pebble que la montre d’Apple ne soit pas étanche pour le moment.

L’intégration sera sans doute parfaite ou presque avec les autres éléments de l’écosystème Apple. L’Apple Watch sera sans doute très intéressante pour jeter un œil rapide sur son emploi du temps, pour se géolocaliser et trouver son chemin (un aspect que j’ai peu testé avec la Pebble, mais qui marche bien) ainsi que pour consulter ses notifications.

Mais la véritable force de cette Apple Watch, cela pourrait être Siri. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant d’apprendre que ce dernier a fait de gros progrès ces derniers temps (lire : Siri plus rapide ?).

Il y a une application qui peut potentiellement être intéressante : c’est la gestion de ses tâches avec Rappels. C’est peut-être l’une des applications qui nécessitent le moins d’interfaces. Vous indiquez à Siri la ou les tâches que vous voulez faire en fonction du ou des contextes (heure, géolocalisation…) et l’Apple Watch vous interpelle au bon moment. Apple l’évoque également à demi-mot, mais il y a également sans doute des intégrations intéressantes à faire entre l’Apple Watch et HomeKit.

Une Apple Watch 1.0 trop 1.0 ?

L’Apple Watch va arriver sur un créneau bien occupé entre d’une part les grands noms qui se sont déjà lancés dans la course et des acteurs spécialisés qui ont investi ce marché. Lorsque l’iPhone est sorti, il y avait un monde avec les produits en vente alors sur le marché. Même chose avec l’iPad.

On attendra de l’avoir en main pour se faire un avis définitif, mais l’Apple Watch ne semble pas avoir un avantage aussi conséquent. Certes, il y a Apple Pay, mais son utilisation est réservée aux États-Unis. Les rumeurs lui prédisaient un rôle clé dans le domaine de la santé. Elle n’apporte pas de grandes innovations dans ce domaine.

Sa grande force comme on l’a évoqué précédemment, ce sera une intégration hors pair avec les autres terminaux d’Apple. Et de ne pas subir directement la concurrence directe des montres Android Wear réservées à l’écosystème Android.

Et tout comme l’iPhone lors de sa sortie, les griefs ne manqueront pas pour ce premier modèle : l’Apple Watch n’est pas étanche, n’embarque pas de GPS, devrait avoir une autonomie minimaliste (comme la plupart de ses concurrents) et est poing lié à l’iPhone.

Ses qualités l’emporteront-elles sur ses défauts ? La carte de la mode jouée crânement par Apple se révélera-t-elle payante ? L’avenir nous le dira, mais à l’heure où Google tourne la page des Google Glass, les montres semblent plus que jamais être le théâtre de la première bataille du wearable computing.

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