Tim Cook : la publicité numérique va continuer de prospérer

Florian Innocente |

Il y a une « urgence » à répondre à la situation actuelle où des profils d'utilisateurs de smartphones sont établis et partagés, a martelé Tim Cook dans une interview au Toronto Star.

D'où cette volonté d'Apple d'imposer aux éditeurs et aux régies publicitaires qui passent par leurs apps, une demande d'autorisation de collecte de données auprès des utilisateurs (avec la possibilité de refuser tout net), ce que fera iOS 14.5 prochainement :

Ce n'est absolument pas une posture marketing pour nous. Si vous revenez en arrière dans l'histoire d'Apple, vous verrez que nous parlons de la vie privée depuis des décennies. Nous pensons qu'il y a une urgence dans la situation actuelle.

Craig Federighi en 2019 à propos des donnés privées

Néanmoins, le patron d'Apple se garde de se présenter comme un bloqueur de pub : « Il s'agit de donner à l'utilisateur une option pour accepter d'être pisté ou non. Cela paraît très banal mais pour une raison ou une autre c'est devenu sujet à controverse ».

Certains acteurs de la publicité n'ont pas apprécié, avant de parfois atténuer leurs critiques ou de chercher des contournements possibles, mais Cook est certain que ce milieu est doté d'une réelle capacité de résilience :

Nous ne sommes pas contre la publicité numérique. Je pense que la publicité numérique va prospérer dans toutes les situations, car de plus en plus de temps est passé en ligne et de moins en moins devant des programmes de télévision linéaires. Et la publicité numérique fonctionnera dans tous les cas.

Mais elle devra s'adapter à cette nouvelle donne imposée par Apple sur ses appareils mobiles. Pour Cook, si cette initiative va plus loin que les systèmes tels que le RGPD, cela s'avère indispensable afin que les utilisateurs ne perdent pas toute confiance vis-à-vis des plateformes qu'ils fréquentent chaque jour :

Parce que nous pressentons un monde où, si chaque personne pense être suivie à chaque instant, alors les gens évolueront dans leur comportement. Ils se mettront à moins réfléchir, ils feront moins de recherches, ils ne s'exprimeront plus pleinement. Et ce genre de monde étriqué n'est pas celui dans lequel nous aspirons à vivre.

Autre dossier chaud du moment : le procès contre Epic Games qui va s'ouvrir début mai. Un des enjeux est de déterminer si Apple doit laisser de la place à d'autres systèmes de paiement que le sien — et qui permet au constructeur de collecter sa précieuse commission.

Tim Cook prend un exemple extrême du danger qu'il y aurait à ouvrir en grand cette porte : il explique que si chaque développeur devait avoir son propre système de paiement, cela ferait de l'App Store un « marché aux puces », dénonce-t-il. « Et vous savez la confiance qu'inspire les marchés aux puces »… On peut néanmoins parier sans trop se tromper que très rapidement le marché se concentrera entre trois ou quatre acteurs en plus d'Apple (PayPal, Stripe, etc.).

Mais il est dans l'intérêt de Tim Cook de présenter le tableau le plus sombre possible. « Le nombre de personnes qui se rendront sur ce marché va se réduire énormément », soutient-il, « ce qui sera mauvais pour l'utilisateur, parce qu'il va rater des innovations ». Quant aux développeurs, ce serait aussi une mauvaise solution selon le patron d'Apple, en raison du nombre de clients en baisse.

Comme Apple l'a fait pour l'Europe et la France récemment, le constructeur a aussi donné quelques chiffres concernant le marché des apps iOS au Canada : l'an dernier, l'écosystème supportait 243 000 emplois au pays, soit 18% de plus qu'en 2019. Les développeurs canadiens ont généré plus de 2 milliards de dollars CA de revenus en 2020 (+20%). 90% de ce chiffre d'affaires provient d'autres pays que le Canada.

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