Une enquête de Mediapart révèle que le smartphone Samsung personnel de Jean-Noël Barrot a été piraté il y a deux semaines de cela et surtout, que le ministre démissionnaire de l’Europe et des Affaires étrangères n’a pas géré correctement l’affaire. Le hack est survenu le 25 novembre, quand le ministre a cliqué sur un lien reçu par le biais de la messagerie Signal. Les versions diffèrent légèrement sur la suite des événements, mais la conclusion est la même : en dépit de tout bon sens, surtout à un tel niveau de l’État, Jean-Noël Barrot n’a pas immédiatement abandonné son smartphone.
Le ministre a cliqué sur un lien qu’il a jugé, un peu tard, frauduleux. Le cabinet du ministère le reconnaît et ajoute que Jean-Noël Barrot a alors immédiatement demandé à ses équipes de contacter les services compétents par mesure de précaution. Une première analyse a ainsi été menée par le ministère dès le 27 novembre, sans trouver de preuve de piratage, notamment de Predator et Pegasus, deux outils d’espionnage bien connus qui ont beaucoup fait parler en 2019 et 2020. Les journalistes de Mediapart ont une version un petit peu moins positive pour le ministre : d’après eux, ce serait le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn qui aurait prévenu son homologue et les autorités françaises après avoir reçu un SMS douteux de la part d’un certain « Jean Barrot », avec le numéro du ministre.
Quelle que soit la chronologie exacte, tout semble montrer que le téléphone personnel du ministre démissionnaire des Affaires étrangères a été compromis. En de telles circonstances, changer de smartphone s’impose par précaution, surtout quand on gère un ministère aussi sensible : ses échanges intéresseraient de nombreuses puissances dans le monde et les risques de piratage sont anormalement élevés. Malgré cela, Jean-Noël Barrot a refusé de laisser son smartphone à l’ANSSI, qui voulait pourtant mener une enquête plus approfondie. Son cabinet justifie ce choix par la « série de déplacements » prévue à partir du 27 novembre, tout en notant que la collaboration reprendra dès que possible avec l’ANSSI et que des mesures avaient été prises en attendant : mode avion et connexion via un routeur individuel.
Ironiquement, c’est le même Jean-Noël Barrot, alors ministre délégué chargé du Numérique, qui avait présenté en 2023 une proposition de loi sur un « filtre anti-arnaques » qui devait éviter ce genre de situation. L’idée était de compliquer la vie des sites de phishing, qui se font passer pour un site légitime afin de récupérer des informations personnelles ou bien, dans les attaques les plus sophistiquées, de casser la sécurité d’un appareil. Autant dire que l’homme politique devait être bien au courant de ces pratiques, ce qui ne l’a manifestement pas empêché de cliquer sur le premier lien venu sur Signal.
Des détails sur le « filtre anti-arnaques » prévu par le gouvernement
Au passage, ce filtre contre les arnaques prend du retard à cause de problèmes de financement. Comme l’ambiance n’est plus à la dépense, il y a de fortes chances que cette promesse d’Emmanuel Macron en 2022 n’aboutisse jamais.