Pionnière dans la prise en charge des déficiences visuelles, Apple est aujourd’hui à la pointe en matière d’accessibilité. VoiceOver, FaceTime, le Contrôle de sélection, l’Accès guidé et bien d’autres fonctions sont dédiées aux personnes souffrant de handicaps sensoriels, moteurs et mentaux. Mais pour la National Federation of the Blind (NFB), ce n’est pas encore assez.
La principale association américaine d’aveugles s’émeut en effet que de nombreuses applications tierces ne soient pas accessibles. Apple fournit pourtant aux développeurs tous les outils nécessaires, et dédie une section entière de son site au développement d’applications iOS et OS X accessibles. Mais la firme de Cupertino devrait passer « à la vitesse supérieure » et imposer l’utilisation de ces outils.
Lors de la dernière assemblée générale de la NFB, les membres de l’association ont ainsi approuvé une motion visant à exiger d’Apple qu’elle crée des standards d’accessibilité pour les applications. De la même manière qu’une application est classée selon l’âge du public qu’elle vise, une application pourrait alors être classée selon sa prise en compte des différents handicaps. Et une application qui ne fait pas le moindre effort devrait être purement et simplement rejetée.
Il ne s’agit pas, du moins pas encore, de porter plainte comme la NFB l’avait fait en 2008. L’association se plaignait à l’époque des défauts (réels et graves) d’accessibilité d’iTunes — 250 000 $ de dommages et intérêts plus tard, Apple corrigeait son logiciel et sa boutique. Mais l’avertissement de la NFB est clair : « il est temps pour Apple de passer à la vitesse supérieure », menace Michael Hingson, membre du conseil de l’association, « ou nous le ferons. »
Que doit contenir ce standard ? Comment définir le niveau minimal d’accessibilité d’applications aussi diverses que celles de l’App Store ? Comment Apple pourrait automatiser la vérification du niveau d’accessibilité d’une application ? La NFB, habituée des déclarations à l’emporte-pièce et décriée pour ses positions parfois contre-productives, ne le dit pas. Et pour cause, la chose pourrait relever du casse-tête, et du casse-tête largement inutile pour ne rien arranger.
Obliger que tous les éléments d’une applications soient associés à des labels VoiceOver ne serait pas un mal — trop de développeurs oublient de le faire, alors que c’est simple et rapide. Mais l’accessibilité n’est pas qu’un problème technique : c’est d’abord et avant tout un problème général de conception de l’interface utilisateur, qui concerne aussi bien les déficients visuels que les personnes souffrants de handicaps moteurs ou de problèmes cognitifs même mineurs.
Apple éduque les développeurs à ces problématiques, en multipliant les sessions sur le sujet à la WWDC ou en mettant en avant des utilisateurs handicapés dans sa communication. Mais il paraît bien difficile de juger de l’efficacité de cet apprentissage et d’évaluer chaque application dans sa complexité : ajouter des labels ne suffit pas à rendre une application pleinement accessible.
D’ici à ce qu’Apple s’attaque (ou pas) à cet épineux sujet, iOS 8 aura reçu de nouvelles fonctions d’accessibilité. Une nouvelle fonction de synthèse vocale est capable de lire tout ce qui est affiché à l’écran (labels ou pas), et le zoom a été considérablement amélioré. Certaines prothèses auditives sont aussi prises en charge, notamment celles de ReSound — développées en collaboration… avec Apple.
[MàJ 15 juillet à 10h00] Dans une longue lettre ouverte, le président de la NFB conteste l’interprétation qui est faite de la résolution de son association — sans pour autant convaincre. Il apporte cependant une précision tout aussi utile que révélatrice sur les relations de la NFB et d’Apple en 2008 : l’association avait demandé à l’attorney general du Massachusetts d’ouvrir une enquête, mais n’était pas allé jusqu’à porter plainte, Apple ayant réglé les problèmes d’iTunes et signé un chèque avant que la NFB puisse le faire. De nombreux articles de l’époque évoquent pourtant une plainte : la NFB s’indigne aujourd’hui qu’on la dépeigne comme une association vindicative, alors qu’elle n’avait alors pas jugé bon de rectifier les journalistes. Et que sa réputation dépasse largement le seul cadre de l’« affaire iTunes ».