Special event : Apple veut remettre les pendules à l'heure

Mickaël Bazoge |

Smartphones et « technologies mettables » : il était temps pour Apple de rappeler à l'ensemble du secteur que l'entreprise fondée par Steve Jobs conservait toujours la maîtrise du calendrier de l'industrie technologique. À son rythme certes, mais comme l'a démontré la célèbre fable, rien ne sert de courir…

En filigrane, ce keynote était aussi (et peut-être, surtout) l'occasion de montrer que Tim Cook, pratiquement trois ans après la disparition de Steve Jobs, pouvait impulser une vision nouvelle au sein de l'entreprise. Le CEO n'a pas attendu cette conférence pour imposer sa marque : Cook a bâti petit à petit une Apple à son image, plus « humaine » comme en témoigne l'implication sociale et environnementale de la société, mais aussi plus pragmatique. La présence au catalogue de deux iPhone aux différentes tailles d'écran en témoigne.

L'iPhone en fait plus

La mèche avait été soufflée depuis quelques semaines, sinon moins : Apple a bien présenté deux smartphones, qui représentent, d'après le mot de Tim Cook, « la plus grande avancée dans l'histoire de l'iPhone ». Sans surprise donc, le premier iPhone 6 comporte un écran de 4,7 pouces, pour une définition de 1334 x 750. Cela représente une résolution de 326 pixels par pouce, à l'égal donc des iPhone 5/5c/5s et iPad mini Retina. Avec l'iPhone 6 Plus, Apple voit beaucoup plus grand, avec un écran de 5,5 pouces… La définition de ce modèle était l'inconnue de cette nouvelle génération : en s'affichant à 1 920 x 1 080, soit du 1080p, l'iPhone 6 Plus dément la plupart des rumeurs et des estimations — y compris les plus sérieuses, comme celle de John Gruber qui avait misé sur du 2 208 x 1 242 (461 ppp). Apple n'a donné aucune nouvelle concernant un revêtement en saphir de synthèse, pour aucun des nouveaux modèles. Il a simplement été question d'une dalle de verre plus résistante (est-ce le fameux composite souvent évoqué par la rumeur ? Il faudra sans doute attendre les premiers tests).

Il faudra patienter quelques heures (ou jours) supplémentaires pour voir si l'hypothèse du nouveau facteur de forme @3x (le « Super Retina » de Gruber) est bien de la partie ou pas. Il est en tout cas étonnant de voir Apple embrasser ainsi un standard (que l'on connait aussi sous le nom Full HD), et on verra quelles seront les implications concrètes pour les développeurs, même si Phil Schiller s'est fait rassurant : toutes les applications, y compris celles non optimisées, sont censées s'afficher parfaitement sans flou ni pixellisation trop importante. Comme prévu, l'écran de l'iPhone 6 Plus affichera, en mode paysage, des applications comportant plus d'informations, et pour cause : le smartphone ne reprend pas l'affichage horizontal de l'iPhone, mais celui de l'iPad. De quoi caser beaucoup plus d'informations, ce qui parait bienvenu pour un si grand écran.

Si l'on retrouve bien l'objectif de l'appareil photo qui déborde de la coque, Apple ne le prend pas en compte pour mesurer l'épaisseur des deux modèles. Il faut donc compter sur 6,9 mm pour l'iPhone 6, et de 7,1 mm avec l'iPhone 6 Plus — à comparer avec les 7,6 mm de l'iPhone 5s. Comme nous vous l'avions déjà révélé, il faudra sans doute ajouter 0,77 mm avec le capteur photo.

Pour le reste, ces terminaux partagent bon nombre de points communs. Au cœur des deux appareils, bat un processeur A8 64 bits de « seconde génération », secondé par un co-processeur M8 (qui intègre un baromètre pour mesurer le nombre de pas dans un escalier, par exemple). L'A8, qui se veut 50 fois plus rapide que le processeur de l'iPhone de 2007, est gravé en 20 nm et compte rien moins que deux milliards de transistors. Le SoC (system on chip) est surtout 20% plus rapide que son prédécesseur, tandis que son compagnon graphique se veut 50% plus performant. Les jeux, notamment ceux qui tirent partie de l'API Metal, prendront une toute autre ampleur avec un tel moteur.

Du côté du capteur photo, on ne pourra cacher une petite déception : certes, les 8 mégapixels que l'on connaît bien offrent des images d'excellente qualité (encore renforcée par les innovations d'Apple pour l'iPhone 6), mais on aurait pu espérer un ou deux mégapixels supplémentaires. Néanmoins, les nouveautés apportées sur l'optique des smartphones permettront de prendre des photos toujours très belles, notamment l'ouverture plus grande (f/2.2) et la technologie Focus Pixels, qui va autoriser un autofocus plus véloce. La stabilisation optique, qui tire profit du gyromètre et du couple de processeurs A8/M8, est uniquement disponible sur l'iPhone 6 Plus. On verra comment se comportent les vidéos (qui pourront être enregistrées en 1080p à 30 ou 60 FPS) sans le « bougé » typique de l'utilisateur, qui devrait être compensé.

Le flash True Tone, inauguré avec l'iPhone 5s, est évidemment de la partie et comme les nombreuses maquettes l'avaient décrit, il est désormais rond. Apple ne pouvait pas non plus rester insensible à la mode des égoportraits : le nouveau capteur photo FaceTime HD en façade offre lui aussi une ouverture f/2.2, qui capte 81% plus de lumière. Le mode ralenti permettra quant à lui de capter des séquences pouvant aller jusqu'à 240 images par secondes, deux fois plus qu'auparavant.

Apple revoit également les capacités réseaux de ses iPhone, en intégrant ce qui ressemble fort au modem LTE-A MDM9625 de Qualcomm. Celui-ci autorise une vitesse de 150 Mbps (contre 100 Mbps sur les iPhone 5c/5s). Il s'agit évidemment d'un débit théorique. Quoi qu'il en soit, la puce réseau supporte 20 bandes de fréquence et plus de 2 000 opérateurs LTE. On est sans doute là en face de l'iPhone unique, mais attendons les détails techniques avant d'imaginer acheter un modèle aux États-Unis (comprendre : moins cher) ou ailleurs.

Un point a particulièrement intéressé les ingénieurs d'Apple : la qualité des appels audio, qui il est vrai pouvait être améliorée. L'iPhone 6 comprend ainsi le support des appels VoLTE : la voix peut être transportée en 4G LTE, alors qu'elle ne l'est actuellement qu'en 2G ou 3G. Cette technologie, qui se limite pour le moment à une poignée d'opérateurs (et aucun en France n'a été mentionné), est appelée à rencontrer un certain succès (lire : VoLTE : mieux et plus rapide que Skype ou la 3G). En guise de cerise sur le gâteau, l'iPhone 6 inaugure une nouvelle technologie baptisée Wi-Fi Calling. L'idée est simple : il s'agit de transporter la voix en Wi-Fi (l'iPhone 6 est compatible 802.11ac) plutôt que sur le réseau téléphonique, qui peut être saturé ou de mauvaise qualité. Une fonction qui trouvera son utilité au bureau ou chez soi, par exemple… Là encore, il faudra que les opérateurs s'en emparent, ce qui n'est le cas que de T-Mobile aux États-Unis et EE en Grande-Bretagne.

Il reste maintenant à aborder le point qui fâche : les tarifs. Qu'on se rassure, Apple n'a pas soudainement augmenté (pas trop…) les prix de l'iPhone 6 en même temps que leurs tailles d'écran. Il est beaucoup plus intéressant de noter en revanche que la version 32 Go laisse sa place à une 64 Go, tandis qu'une nouvelle déclinaison 128 Go fait son apparition. Ainsi, l'iPhone 6 (4,7 pouces) est proposé à 709€ (16 Go), 819 € (64 Go) et 919 € (128 Go). L'iPhone 6 Plus (5,5 pouces) est lui commercialisé à partir de 809 € (16 Go), puis 919 € (64 Go) et 1 019 € (128 Go). Le 6 Plus navigue dans les mêmes eaux tarifaires que le MacBook Air…

Apple conserve au catalogue un iPhone 5s (609 € les 16 Go et 659 € les 32 Go), ainsi que l'iPhone 5c (mais uniquement en 8 Go à 409 €). Les pré-commandes débutent le 12 septembre, le lancement est comme prévu programmé pour le 19 septembre, y compris en France. D'ici la fin de l'année, 115 pays disposeront de leurs iPhone 6.

Apple paie son service de paiement

L'idée d'Apple Pay est de remplacer le porte-feuille traditionnel, celui qui déborde généralement de cartes bancaires, de coupons de réduction et autres cartes de magasins en toute genre… sans oublier la menue monnaie et les billets. Si la concurrence a tenté de bâtir d'abord un modèle économique avant d'assurer une bonne expérience utilisateur, Apple cherche évidemment à faire l'inverse.

Apple Pay est la solution de la Pomme pour couper court aux nombreuses procédures de paiement traditionnelles, tout en assurant la sécurité des échanges. Cela passe par le support de la NFC, que l'on retrouve donc dans les iPhone 6 (et l'Apple Watch). Ceux qui trouvaient que Passbook apportait des réponses à des questions que personne n'avait jamais posées, vont pouvoir ranger leurs sarcasmes : en plus de la gestion habituelle des coupons et cartes de réduction, l'application se veut désormais le « hub » centralisé où l'on range ses cartes de crédit (les numéros, tout du moins). Il suffit d'ailleurs de « photographier » une carte bancaire pour l'ajouter à son portefeuille virtuel.

Le règlement est aussi simple que d'approcher son iPhone (ou son Apple Watch) de la borne de paiement, puis de s'identifier avec Touch ID, qui fournit ici l'élément sécurisant indispensable pour tranquilliser non seulement les consommateurs, mais également les commerçants. Plusieurs de ces derniers ont d'ailleurs signé avec Apple pour accepter Apple Pay : Subway, McDonald's, Macy's, Bloomingdales, Wallgreens, Duane Reade, Whole Food Market, Staples… Des enseignes américaines pour la plupart méconnues par chez nous, mais très populaires aux États-Unis. Les Apple Store et les Disney Store sont également de la partie.

Apple joue ici sur du velours. Les États-Unis sont très en retard sur l'Europe en matière de paiement par cartes à puce à code PIN (la plupart des commerces utilisent encore la bande magnétique, source de bon nombre de problèmes de sécurité). En « sautant » l'étape de la carte à puce pour proposer d'embrasser un modèle dématérialisé, Apple espère que ses clients suivront la démarche. Le constructeur a en tout cas tout à y gagner : il possède une des bases de données les plus convoitées au monde, celle des 800 millions de consommateurs d'iTunes et de l'App Store qui pour la plupart, ont renseigné leurs informations bancaires. De plus, le business d'Apple ne tournant pas autour de la collecte de données personnelles, la Pomme a toute légitimité pour proposer un tel système (pas d'idée derrière la tête, suivez mon regard). Une API sera disponible pour les développeurs.

Apple vise évidemment les États-Unis dans un premier temps, avec un lancement programmé pour octobre. Le reste du monde… est à venir.

One More Thing

Tim Cook a repris la fameuse petite phrase de Steve Jobs à son compte pour présenter un tout nouveau produit dans une nouvelle catégorie. Un nouveau chapitre dans l'histoire d'Apple, rien de moins ! L'Apple Watch, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, est donc une montre plutôt épaisse à l'écran… carré. Dommage pour tous ceux qui souhaitaient ardemment qu'Apple s'engage sur le même terrain que Motorola ou LG (avec la G Watch R).

L'Apple Watch sera proposée « début 2015 » en trois variantes : Apple Watch tout court, avec un boîtier composé d'un acier inoxydable et d'un écran en saphir, l'Apple Watch Sport avec un châssis en aluminium anodisé et un verre Ion-X, et l'Apple Watch Edition, conçue dans de l'or 18 carats et protégé par une couche de saphir de synthèse. Gageons que ce dernier modèle « premium » ne sera pas donné ! Apple a annoncé un tarif débutant à 349$. Chacun des modèles proposés sera décliné en deux tailles d'écran pour accommoder les poignets de madame et monsieur. Plusieurs types de bracelets — dotés d'un système d'attache au boîtier original… mais propriétaire — sont aussi proposés.

Question design, on sait que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais s'il ne fait aucun doute que les finitions et les choix des matériaux seront dignes de la qualité Apple (y compris pour le modèle le moins cher, qui reste somme toute abordable), on ne peut s'empêcher de trouver le format carré et en définitive plutôt épais de la montre assez peu en phase avec les attentes.

Au-delà des éventuels compromis techniques qu'Apple a dû faire au niveau du design, c'est surtout l'intégration logicielle et le travail minutieux au niveau de l'interface qu'il convient ici de saluer. L'écran est tactile et réagit à la pression du doigt, mais la montre comprend aussi un autre moyen d'interaction : une « couronne numérique » qui emprunte un peu à feu la molette de l'iPod. Avec elle, on peut zoomer dans une carte et faire défiler un écran de haut en bas, on peut aussi « cliquer » dessus tel le bouton d'accueil de l'iPhone. Un second bouton permet d'afficher la liste de ses contacts favoris, afin de leur envoyer un message texte, un appel, ou un dessin. Fallait-il nécessairement prévoir un bouton à usage unique pour cette fonction ?

L'interface de l'Apple Watch s'incarne parfaitement dans un écran d'accueil affichant la galaxie des apps disponibles. On y navigue avec le doigt, puis c'est la couronne qui prend le relais. Pour le reste, le design rappelle immanquablement —et une fois de plus — le travail de WebOS même si les canons esthétiques d'iOS 7 sont évidemment en avant. De fait et pour schématiser, on se trouve là en présence d'une véritable nouvelle plateforme mobile, et pas l'iOS de l'iPhone en petit format.

Alors qu'une montre est un objet éminemment personnel, Apple a beaucoup insisté sur les fonctions de partage. Il est ainsi possible de partager un dessin (grossier) réalisé à même l'écran, avec un correspondant muni d'une Apple Watch, bien évidemment ! On pourra même partager… son pouls, ce qui est une idée particulièrement poétique. Les applications sont évidemment prévues, y compris de tierce partie : un kit de développement, WatchKit, sera fourni un peu plus tard.

Au dos de la montre, se trouvent quatre capteurs destinés à la mesure de l'activité physique. Cardiofréquencemètre et accéléromètre sont présents, dont les données sont complétées avec les infos GPS et Wi-Fi de l'iPhone. Tout cela fonctionne en lien avec l'app Santé d'iOS 8, tandis qu'une app spécifique à l'Apple Watch est également intégrée. On reste évidemment assez loin de la problématique « santé » qui voulait que l'Apple Watch embarque aussi un capteur de mesure du taux de sucre dans le sang pour les diabétiques. Mais la technologie n'est pas encore prête.

La batterie, un point très sensible, n'a pas fait l'objet d'une communication spécifique… mais à lire entre les lignes, il faudra sans doute la recharger toutes les nuits (de ce qu'on a pu en voir, il n'existe pas de système d'analyse de la qualité du sommeil). Cette recharge en passera par un dock aimanté qui se connecte au dos de la montre. Techniquement parlant, Apple a été plutôt avare de détails, si c'est que le constructeur a mis au point un nouveau processeur baptisé S1.

L'Apple Watch est compatible avec l'iPhone 5, 5c, 5s, 6 et 6 Plus — cela représente 200 millions d'utilisateurs qui pourront donc porter le terminal autour du poignet dès sa sortie, programmée « début 2015 ».

Pour finir, et parce qu'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, saluons la fiabilité de nos sources qui, des dimensions et du design à la date de sortie des iPhone, ne nous ont pas fait défaut. Il est désormais temps de s'intéresser aux futurs iPad et aux Mac, avec la sortie d'OS X Yosemite… et pourquoi pas le fameux MacBook Air 12 pouces. En attendant, jetez-vous sur nos dépêches et préparez du café : la soirée va être longue.

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