Test de l'iPad 6 : un « simple » iPad compatible Apple Pencil, et ça suffit

Anthony Nelzin-Santos |

Ne l’appelez pas « iPad Pro » ! Bien qu’il soit compatible avec l’Apple Pencil, le nouvel iPad 9,7 pouces, autrement connu sous le nom d’« iPad de sixième génération » ou d’« iPad 6 », n’est rien d’autre qu’un « simple » iPad. Et cela fait toute la différence : alors que l’iPad Pro 10,5 pouces ne vaut pas moins de 739 €, l’iPad 6 vaut « seulement » 359 €, moins cher encore avec les réductions du monde de l’éducation ou des comités d’entreprise.

L’iPad 6 est-il le meilleur concurrent de l’iPad Pro 10,5 pouces ? Est-ce que son prix cache des économies de bout de chandelle ? Le fonctionnement de l’Apple Pencil est-il différent sur cet iPad « pas pro » ? Les réponses dans notre test de l’iPad 6.

Un iPhone 7 dans la peau d’un iPad Air

L’iPad 6 prend la suite de l’iPad 5, lancé en mars 2017, qui prenait lui-même la suite de l’iPad Air, présenté en octobre 2013. Apple fait du neuf avec du vieux : l’iPad 6 n’est rien d’autre qu’un iPhone 7 dans la peau d’un iPad Air. La liste des différences entre l’iPad 5 et l’iPad 6 est donc très courte :

  • l’iPad 6 est compatible avec l’Apple Pencil ;
  • l’iPad 6 possède un système-sur-puce Apple A10 Fusion, qui combine un processeur 2,34 GHz à deux cœurs Hurricane « haute performance » et trois cœurs Zephyr « haute efficacité » avec une puce graphique à six cœurs et 2 Go de RAM LPDDR4 ;
  • le modèle cellulaire prend en charge deux bandes LTE supplémentaires ;
  • l’iPad 6 est disponible dans un nouveau coloris « or » à mi-chemin entre les coloris « or » et « or rose ».

Sauf à connaître par cœur les numéros de modèle, ou choisir ce nouveau modèle « or » presque rose, vous aurez toutes les peines du monde à différencier un iPad 5 d’un iPad 6. Même châssis de 24 centimètres sur 16,95 pour une épaisseur de 7,5 mm et un poids de 469 grammes1, même écran Retina d’une diagonale de 9,7 pouces et d’une définition de 2 048 x 1 536 px, ces deux iPad sont jumeaux. Cela signifie que la liste des différences entre l’iPad 6 et l’iPad Pro 10,5 pouces est nettement plus fournie :

  • l’iPad 6 est plus compact que l’iPad Pro 10,5 pouces, mais légèrement plus épais ;
  • la dalle LCD n’est pas stratifiée2, c’est-à-dire collé à la façade en verre, qui possède des bordures assez épaisses ;
  • cette façade n’est pas traitée contre les reflets ;
  • l’écran de l’iPad 6 ne prend en charge ni ProMotion, ni True Tone, ni l’espace colorimétrique P3 ;
  • l’iPad Pro 10,5 pouces possède un système-sur-puce A10X Fusion, qui combine un processeur 2,38 GHz à trois cœurs Hurricane « haute performance » et trois cœurs Zephyr « haute efficacité » avec une puce graphique à douze cœurs et 4 Go de RAM LPDDR4 ;
  • le modèle cellulaire de l’iPad 6 ne prend pas en charge les réseaux LTE-A (plus connus sous le nom de « 4G+ »), possède une « fenêtre » RF en plastique noir beaucoup moins discrète que celle de l’iPad Pro 10,5 pouces, et n’intègre pas de puce Apple SIM ;
  • l’appareil photo de l’iPad 6 se contente d’un capteur de 8 Mpx sans « Focus Pixels » (contre 12 Mpx avec Focus Pixels) derrière un bloc optique non stabilisé à cinq éléments ouvrant à ƒ/2,4 (contre un bloc stabilisé à six éléments ouvrant à ƒ/1,8) ;
  • l’iPad 6 ne possède pas de flash ;
  • l’iPad 6 filme en 1080p sans mise au point continue (contre 4K avec mise au point continue), en 720p à 120 i/s (contre 1080p à 120 i/s et 720p à 240 i/s) ;
  • la caméra FaceTime à l’avant de l’iPad 6 enregistre en 720p (contre 1080p) ;
  • l’iPad 6 ne possède que deux haut-parleurs ;
  • l’iPad 6 ne possède pas de Smart Connector ;
  • l’iPad 6 possède un capteur Touch ID de première génération.

Cela vous paraît beaucoup ? Disons que certains aspects sont moins importants que d’autres. Il est certes plus facile de bloquer les haut-parleurs en tenant l'appareil en main, mais le volume n’est pas beaucoup moins fort, et la qualité sonore reste très bonne. L’appareil photo est certes beaucoup moins perfectionné, mais il suffit largement pour scanner des documents ou prendre des clichés de référence, et… ne dépasse pas du châssis.

L’absence de compatibilité LTE-A ? Elle ne s’applique qu’au modèle cellulaire, et seulement dans les zones les mieux couvertes. L’absence de Smart Connector ? Ce ne sont pas le Smart Keyboard d’Apple et les deux accessoires de Logitech qui nous le feront regretter. Le choix d’un capteur Touch ID de première génération ? C’est mesquin, mais ce capteur n’est pas beaucoup moins fiable que celui de deuxième génération, seulement un peu plus lent.

Un iPad presque Pro…

D’autres aspects sont beaucoup plus importants que d’autres : ceux qui concernent l’écran. Commençons par l’écart entre la dalle LCD et la façade de verre, réduit à néant sur les iPhone et les iPad Pro récents et l'iPad mini 4, mais bien présent sur l’iPad 6. Il est moins visible sur le modèle « gris sidéral », à la façade noire, que sur les modèles « argent » et « or », à la façade blanche. Mais il n’est pas moins notable : l’affichage apparaît clairement sous la façade, surtout lorsque l’on tient la tablette de biais, alors qu’il donne l’impression d’être fondu dans la façade de l’iPad Pro.

C’est un détail, qui échappera sans doute aux utilisateurs qui n’ont jamais utilisé l’iPad Pro plus de quelques minutes dans une boutique Apple. Mais c’est un détail qui a son importance : ce petit écart génère des reflets internes, d’autant plus prononcés que la façade n’est pas traitée contre les reflets externes. L’iPad 6 n’est pas un miroir, loin de là, mais est moins lisible que l’iPad Pro près d’une lampe ou d’une fenêtre. Cette construction possède toutefois un avantage : la façade peut être remplacée indépendamment de la dalle LCD.

L’absence de la prise en charge de l’espace colorimétrique P3 n’est pas évidente sans écran de référence sous les yeux, la dalle LCD du « simple » iPad restant l’une des toutes meilleures du marché. L’absence du capteur True Tone est plus ennuyeuse, du moins si l’on a déjà goûté au confort de la variation permanente de la luminosité et de la colorimétrie en fonction des conditions ambiantes, que Night Shift ne compense pas. Certains la désactivaient, pour assurer une colorimétrie constante tout au long de la journée, mais cela ne suffit pas à justifier son absence, tout comme la cinétose de certains utilisateurs ne suffit pas à justifier l’absence de ProMotion.

Les défilements sont moins « décomposés » sur l’iPad 6, autrement dit plus flous, mais peut-être un peu plus naturels. Impressionnant sur le papier, l’affichage à 120 Hz est d’une utilité très discutable au quotidien. Qui lit vraiment des pages web en les faisant défiler à toute vitesse ? Qui passe son temps à regarder le compteur des FPS dans les jeux iOS ? Qui regarde l’écran de son iPhone, limité à 60 Hz comme celui de l’iPad 6 et passant le plus clair de son temps à 20 ou 30 Hz pour économiser la batterie, avec dégoût et mépris ?

Le véritable enjeu de ProMotion n’est pas là — il est, point trop peu souvent évoqué, dans la précision du Pencil. L’Apple Pencil fonctionne sur l’iPad 6 exactement comme il fonctionne sur l’iPad Pro 10,5 pouces : les données de position, d’inclinaison, et de pression du stylet sont transmises 240 fois par seconde à la tablette. Mais l’iPad 6 actualise son affichage seulement 60 fois par seconde, alors que l’iPad Pro 10,5 pouces l’actualise 120 fois par seconde. La latence de l’Apple Pencil est donc deux fois plus importante sur l’iPad 6… mais comme elle varie énormément d’une application à l’autre, la différence n’est pas incroyablement perceptible.

Cette vidéo filmée à 240 Hz peine à montrer que le temps de latence entre le tracé et l’affichage est deux fois plus grand sur l’iPad 6 (façade blanche) que sur l’iPad Pro 10,5 pouces (façade noire). Ce que l’on voit nettement, toutefois, c’est comment ProMotion lisse l’affichage, plus fluide sur l’iPad Pro. La différence est subtile à l’usage, mais si vous dessinez beaucoup sur l’iPad Pro, vous la remarquerez sans doute. On peut aussi remarquer comment la parallaxe est plus prononcée sur l’iPad 6.

Disons que l’usage de l’Apple Pencil est un peu plus agréable sur l’iPad Pro, grâce à ProMotion donc, mais aussi et surtout grâce à l’écran stratifié. Le petit millimètre d’écart introduit des reflets qui gênent l’utilisation près d’une source lumineuse, on l’a déjà dit, mais aussi un écho qui amplifie les frottements et tapotements, une certaine flexibilité pas très rassurante lorsque l’on appuie fort, et surtout une petite parallaxe qu’il faut prend en compte dans les tracés les plus précis.

Rien d’insurmontable, mais encore une fois : l’usage de l’Apple Pencil est un peu plus agréable sur l’iPad Pro. Si vous avez déjà utilisé l’Apple Pencil sur l’iPad Pro, vous ne devriez pas avoir trop de mal à vous adapter, ces différences restant minimes. Et si vous n’avez jamais utilisé l’Apple Pencil sur l’iPad Pro, ces idiosyncrasies vous sembleront parfaitement naturelles, et vous dessinerez ou écrirez sans y penser. Ne resteront alors que les qualités du Pencil… et ses quelques défauts, que nous avions abordés dans notre test.

…mais un iPad avant tout

Mais revenons à l’iPad 6 lui-même, et passons sous l’écran. On trouve une grosse batterie de 32,9 Wh, qui offre une autonomie dépassant largement les 10 heures en usage mixte avec la luminosité automatique. On trouve aussi un système-sur-puce A10 Fusion, hérité de l’iPhone 7, qui devrait lui assurer une prise en charge logicielle pendant les trois prochaines années au moins. L’iPad 6 est 25 à 30 % plus rapide que l’iPad 5, à peu près aussi puissant qu’un MacBook, mais presque moitié moins rapide que l’iPad Pro 10,5 pouces, qui peut se targuer d’une puce graphique autrement plus véloce.

La différence est assez sensible dans les jeux les plus exigeants et les applications les plus intensives, comme celles de réalité augmentée, un peu moins fiables (à cause de l’appareil photo moins perfectionné) et un peu moins précises (à cause de la moindre puissance de calcul) sur l’iPad 6. En venant de l’iPad Air, le doublement de la dotation en mémoire vive fait toute la différence dans l’utilisation de Safari, surtout si l’on multiplie les allers-retours entre le navigateur et d’autres applications en Split View.

Mais en venant de l’iPad Pro, la dotation en mémoire vive divisée par deux se ressent lorsque l’on quitte un jeu ou une application gourmande vers Safari, qui doit alors recharger ses pages. Elle se ressent aussi dans des usages très complexes, comme l’ouverture d’une troisième application en SlideOver, par-dessus deux applications en Split View. Ces deux applications sont alors « gelées », alors qu’elles restent interactives sur l’iPad Pro, dont le plus grand écran facilite des manipulations aussi alambiquées.

Bref, l’iPad 6 est d’abord et avant tout un iPad. Ce n’est pas l’iPad le plus perfectionné, mais c’est un iPad qui suffit largement pour un grand nombre d’usages. Et parfois, un appareil qui suffit, c’est exactement ce dont on peut avoir besoin. Bien sûr que l’on peut regretter certaines économies, comme la webcam 720p alors que cet iPad ferait une « machine FaceTime » idéale pour des néo-grands-parents, ou l’absence de capteur True Tone alors que cet iPad ferait une parfaite « liseuse augmentée » au confort visuel absolu.

On peut espérer qu’à la faveur du prochain renouvellement de l’iPad Pro, qui gagnera sans doute de nouveaux facteurs de différenciation, ces technologies finiront par descendre en gamme. La descente en gamme de l’Apple Pencil, dès aujourd’hui, suffit à transfigurer l’iPad 6. Son prédécesseur était un iPad cheap, fait de bric et de broc, clairement conçu pour rentrer dans le budget alloué de 409 €. Pour 359 € (encore moins cher !), cet iPad 6 est un iPad d’entrée de gamme, qui s’articule plus naturellement avec l’iPad Pro.

Vous voulez l’iPad le plus perfectionné ? Achetez un iPad Pro. Vous voulez un iPad ? Achetez l’iPad 6. Cet iPad n’a pas été conçu pour « convertir » des utilisateurs de l’iPad Pro aux mérites d’une vie plus simple. Il a plutôt été conçu pour finir de convaincre les nouveaux utilisateurs à sauter le pas, et les utilisateurs d’anciens iPad à renouveler leur matériel, en éliminant le frein financier qui aurait pu retenir les clients intéressés par l’Apple Pencil, mais refroidis par le prix de l’iPad Pro 10,5 pouces.

À ce prix, vous pouvez acheter un iPad 6 cellulaire avec 128 Go de stockage, avec son Apple Pencil et sa Smart Cover. Mais vous n’êtes justement pas obligé de mettre ce prix, et pouvez toujours décaler l’achat de l’Apple Pencil dans le temps (ou espérer qu’Apple laisse Logitech vendre son Crayon hors des États-Unis). Le format 9,7 pouces reste le plus vendu de la gamme iPad, et cela ne devrait pas changer cette année. L’iPad 6 coûte deux fois moins cher que l’iPad Pro, mais n’est pas deux fois moins bon. Et cela suffit à en faire un iPad digne d’intérêt.


  1. 478 grammes en version cellulaire. Qui dit même châssis dit mêmes accessoires. Quitte à reprendre le châssis de l’iPad Air, Apple aurait pu ressusciter le commutateur de verrouillage de la rotation de l’écran, mais il va falloir que nous finissions par faire notre deuil.

  2. Le terme « laminé », utilisé par Apple elle-même, est un anglicisme impropre. En français, « laminé » signifie « qui a été transformé en feuilles », pour parler de matériaux comme l’acier ou le papier.

Note

Les plus :

  • C’est un iPad
  • Compatible Apple Pencil
  • Prix

Les moins :

  • Ce n’est pas un iPad Pro

Prix :

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