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Test de l’Apple Pencil

Anthony Nelzin-Santos

mercredi 18 novembre 2015 à 18:15 • 36

Accessoire

Ne dites pas « stylet », dites « crayon ». « Je préfère de loin “crayon” à “stylet” », explique Jony Ive, « parce que ”stylet” évoque un produit technologique. “Crayon” me semble plus analogique. » Reste que le Pencil est un condensé de technologies, bourré de capteurs et de batteries de la mine à la toque. C’est un stylet qui prend la forme d’un crayon électronique, en somme.

Il n’a rien de nécessaire, puisqu’iOS est pensé pour être utilisé avec les doigts ; mais il n’est pas tout à fait inutile, puisque les doigts ne sont pas toujours assez précis. Il est moins pensé pour pointer et cliquer que pour dessiner et écrire. L’Apple de 2015 ne dédit donc pas l’Apple de 2010, mais demande tout de même 109 €. Un prix justifié ? La réponse dans notre test.

L'Apple Pencil.

Un stylet en forme de crayon

Le Pencil étonne par sa forme : là où la plupart des stylets sont courts et épais, il est long et fin. Il adopte en fait les dimensions d’un crayon de bois, d’où son nom sans doute, même si d’autres ont fait des choix très différents dans les mêmes circonstances. Sa prise en main est donc naturelle, d’autant qu’il est bien équilibré, même si son corps de plastique blanc est assez glissant et plutôt lourd.

L’Apple Pencil mesure 17,5 cm de longueur pour un tout petit peu moins d’un centimètre de diamètre. Il est donc légèrement plus épais (et sensiblement plus lourd) qu’un crayon de bois, et plus long que la plupart des stylets.

La pointe du Pencil n’est pas particulièrement souple, mais pas parfaitement rigide non plus. C’est qu’elle est vissée sur un embout métallique, lui-même lié à de multiples capteurs de pression et d’inclinaison, qui bouge légèrement pour accompagner le mouvement. Elle possède donc une certaine souplesse, mais ne s’écrase pas comme les pointes en silicone, ni ne tremble comme la « bille » de l’Adonit Jot Script.

La pointe du Pencil. Il est difficile de décrire sa « souple rigidité » — disons qu’elle rappelle la manière que les bonnes plumes ont de suivre le mouvement de la main sans le perturber. C’est très agréable.

La pointe devrait s’user progressivement dans le temps, mais personne chez Apple n’a su (ou voulu) nous dire à quelle vitesse. Une pointe de remplacement est fournie dans la boîte, mais la firme de Cupertino n’en vend pas encore en boutique, et ne dit pas à quel prix elle le fera. Espérons, sans trop y croire vu ses pratiques récentes, qu’elle saura rester raisonnable.

La pointe se dévisse et peut donc être remplacée — elle le devra, même, puisqu’elle s’usera progressivement. La partie métallique qui dépasse fait partie d’un ensemble mécanique portant de nombreux capteurs. Il ne faut pas hésiter à bien revisser la pointe de temps à autre : elle a tendance à légèrement se desserrer après quelques heures de mouvements vifs.

À l’autre bout du Pencil, une petite bague de métal apporte une touche de contraste en évoquant la virole qui retient habituellement la gomme. Le crayon est lesté de manière à ce que le nom du produit pointe toujours vers le haut, une merveille d’ingéniosité qui confine à la vanité, puisqu’elle n’empêche pas — voire favorise — les chutes.

Cette bague facilite aussi la mise en place du capuchon, maintenu en place par un aimant, et percé de trous pour laisser passer l’air si on avait la maladresse de l’avaler. L’ensemble gagnerait toutefois à être un peu mieux ajusté : le capuchon « tremblote », si bien qu’il fait du bruit lorsque l’on secoue le stylet, et peut se détacher lorsqu’il est glissé dans un sac.

Le capuchon est percé de trous, qui laisseront passer un filet d’air si on avait la maladresse de l’avaler. Et comme il m’est déjà arrivé de mâchouiller machinalement le Pencil… Il vaut sans doute mieux le retirer avant de passer le stylet à un enfant.

Recharger n’est pas dessiner

Ce capuchon cache une fiche Lightning, plus longue que celle des câbles afin de permettre le branchement sur un appareil protégé par un étui. Or le Pencil étant plus épais que l’iPad Pro, on ne peut pas l’y brancher confortablement sans étui, un comble pour deux produits conçus de concert. Que l’on n’aille pas dire qu’il ne s’agit que d’un moyen de recharge d’appoint : la fonction a imposé la forme et la forme suggère désormais la fonction.

Le connecteur Lightning, caché sous le capuchon, a été allongé de manière à autoriser le branchement sur un iPad Pro protégé par une coque en silicone. Or comme le stylet est plus épais que la tablette, une coque en silicone est nécessaire pour épaissir la tablette et ne pas forcer sur le connecteur.

Ainsi, le site d’Apple se félicite qu’il soit possible « de recharger l’Apple Pencil en le branchant directement sur l’iPad Pro », et ne montre jamais l’adaptateur Lightning femelle-Ligtning femelle fourni, pas même sur la seule page où il est mentionné. Mais pourquoi pas — quinze secondes de charge suffisent après tout à récupérer une trentaine de minutes d’autonomie en théorie, plutôt une grosse vingtaine en pratique.

Apple fournit une pointe de rechange et surtout un adaptateur Lightning femelle-Lightning femelle. Après quelques jours d’utilisation et trois recharges du stylet, j’ai déjà fixé le mien à un vieux dock iPhone, désormais transformé en station d’accueil pour mon Pencil.

Sauf qu’une charge n’assure que dix à douze heures d’autonomie, des heures qui passent bien vite lorsque l’on dessine ou écrit. Mais Jony Ive ne parle-t-il pas de la « facilité de chargement » du Pencil, et de sa capacité à « se recharger très rapidement », comme des « attributs importants » de cet objet ? Il n’a probablement pas dû laisser pendre son Pencil à son iPad Pro pendant 45 minutes, le temps qu’il se recharge complètement.

Quinze secondes de charge suffisent à récupérer trente minutes d’autonomie, mais une charge complète prend environ 45 minutes.

Au prix du Pencil, on se doute que la plupart de ses utilisateurs ne le laisseront pas traîner dans un tiroir, et seront donc confrontés à ce problème. Ils devront donc garder un œil sur le widget Batterie et la main sur l’adaptateur Lightning, et s’organiser pour recharger leur stylet au moment le plus opportun et ne pas perdre le capuchon au passage. Si le designer en chef d’Apple ne voulait pas que nous ayons « à gérer une batterie de plus », il aurait clairement dû s’y prendre autrement.

Un crayon bardé de capteurs

Ce mécanisme de recharge prend aussi la place d’une gomme, qui faciliterait grandement son utilisation, ou au moins d’un bouton, qui pourrait faire office de raccourci. Sur ce point, le Pencil souffre durement de la comparaison avec le stylet Surface, dont la pile assure un an d’autonomie, et le bouton fait à la fois office de raccourci vers OneNote et de gomme. Mais le stylet d’Apple se rattrape avec son très haut niveau de sophistication technologique.

L'auteur de ces lignes utilisant le Pencil avec Procreate. C'est en crayonnant de la sorte que l'absence d'une gomme se fait le plus sentir : il est plus naturel de retourner le crayon que de déplacer la main pour changer les réglages d'un outil.

Il suffit de le brancher quelques secondes à l’iPad Pro pour qu’il s’y associe. On peut donc facilement passer d’une tablette à une autre, mais chaque tablette ne reconnaît qu’un seul stylet. La connexion s’effectue par le biais du Bluetooth : alors que d’autres stylets peuvent fonctionner avec une précision réduite en mode avion, ce n’est pas le cas du Pencil. Sans connexion, ou sur tout autre appareil que l’iPad Pro, il est à peu près aussi efficace qu’un bout de bois mort.

Sans iPad Pro, le Pencil ne sert (pour le moment ?) à rien.

C’est que les capteurs du stylet fonctionnent de concert avec l’écran de l’iPad Pro pour offrir une précision optimale. Le Pencil intègre certes un capteur de pression et deux capteurs d’inclinaison, mais l’écran est nécessaire au calcul de leur position relative. L’ensemble permet notamment de faire varier l’intensité ou l’épaisseur du trait, même si chaque application est libre de faire ce qu’elle veut des données transmises par le système.

En haut : un outil plume dont l’épaisseur varie en fonction de la pression apportée sur le Pencil. En bas : un outil crayon qui devient un outil ombrage en inclinant le Pencil, ombrage dont la densité varie en fonction de la pression.

Les plus grandes avancées proviennent toutefois de la couche tactile de l’écran, ce qui explique que le Pencil ne soit pas compatible avec les autres iPad. L’écran de l’iPad Pro se rafraîchit 120 fois par seconde, deux fois plus rapidement que l’écran de n’importe quel autre iPad — mais en présence d’un Pencil, il se rafraîchit 240 fois par seconde ! Le temps de latence est si faible qu’il est presque imperceptible, même s’il varie d’une application à l’autre.

Le temps de latence varie d’une application à l’autre : presque imperceptible dans Notes, il se fait parfois sentir dans Procreate, et gêne souvent dans Paper. Mais ici dans Paper, on voit bien qu’il reste très faible, même en filmant à 240 i/s de manière à décomposer le mouvement.

Le meilleur stylet pour iPad Pro

Et cela change tout. Alors qu’il fallait apprendre à composer avec la latence des autres stylets, l’utilisation du Pencil est naturelle dès le déballage. Alors que chaque application devait intégrer son propre système logiciel de « détection de paume », c’est maintenant le système qui ignore doigts et paume à partir des analyses matérielles. Et les stylets concurrents ne bénéficient pas de ces avancées, même s’il semble qu’ils soient un peu plus efficaces sur l’iPad Pro, sans doute grâce à la plus grande fréquence de rafraîchissement.

Bien sûr, le Pencil serait encore plus efficace avec un bouton sous l’index, qui permettrait d’annuler une action ou de convoquer un outil sans bouger la main. Bien sûr, la sensation de dessiner sur du verre ne disparaît jamais tout à fait, alors que la texture des tablettes Wacom évoque (avec plus ou moins de succès) celle du papier. Mais on peut imaginer qu’un graphiste n’ayant jamais réussi à justifier l’achat d’un Cintiq Companion se laisse plus facilement séduire par un iPad Pro, tablette qui peut se transformer en tablette graphique avec le Pencil et Astropad.

À mon niveau d’amateur du croquis d’architecture, je n’ai en tout cas rien à redire de la précision et du confort offert par le Pencil. Au contraire : une fois les outils bien réglés dans une application comme Procreate, le problème est de ne pas se laisser emporter par les possibilités offertes, et de ne passer des heures à un niveau de détail que le bon vieux crayon de bois ne permet pas d’atteindre.

Une esquisse d’un bâtiment parisien, réalisée par l’auteur de ces lignes dans Procreate avec le Pencil et une bonne règle.

Les petits défauts du Pencil n’empêchent toutefois pas de se « perdre » dans le dessin, au point… de souffler après avoir utilisé un outil gomme, avant de se rendre compte qu’il n’y avait pas de pelures. L’excellentissime système de « détection de paume » participe grandement à cette ambiance très naturelle : il est bien difficile à prendre en défaut, même en posant une règle et plusieurs doigts sur l’écran !

Un autre exemple, cette fois réalisé par un de nos lecteurs, Adrien, illustrateur de métier. L'outil ne fait pas tout.

Il m’a accessoirement permis de corriger un paquet de copies bien plus rapidement que je ne le fais d’habitude sur mon iPad Air avec mon Adonit Jot Script, et sans que je ne me sente obligé de déchiffrer mes remarques à mes étudiants.

Pas sûr que cela vaille 109 €, mais disons que le rapport qualité-prix du Pencil est au moins égal à celui de ses concurrents. Qui n’en sont pas vraiment, d’ailleurs, tant le Pencil est meilleur. Le meilleur, même, mais cela ne veut probablement pas dire grand-chose. C’est le stylet pour iPad Pro « par défaut », point à la ligne.

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