Depuis quelques années maintenant, les batteries externes sont devenues un allié essentiel pour éviter la panne sèche d'un smartphone. Malheureusement, c'est un domaine où les contrefaçons et les produits de mauvaise qualité pullulent, avec un gros défaut : si une carte mémoire contrefaite (par exemple) va vous faire perdre vos photos de vacances, une batterie de mauvaise qualité peut aussi faire brûler l'avion qui vous y emmène (en vacances). La Chine, consciente du problème, a donc décidé de prendre le problème à bras le corps, ce qui a de nombreuses conséquences.

Le problème des batteries dangereuses est compliqué, et les rappels sont de plus en plus réguliers. Anker, une marque qui a généralement bonne presse, en a fait les frais récemment en devant rappeler de nombreux modèles. C'est un domaine assez particulier : si un utilisateur lambda peut se rendre compte qu'un iPhone est une copie, ou qu'une carte mémoire a un problème (des photos qui disparaissent donnent un bon indice), il est difficile de juger de la qualité d'une batterie. Il y a évidemment des indices, comme un prix beaucoup plus faible que la moyenne, une capacité (souvent mal exprimée en mAh) fantaisiste ou un nom de marque qui semble avoir été choisi aléatoirement, mais ce sont des points de comparaison qui n'ont rien d'évident.
Mini Machines explique par exemple qu'Anker est passé d'un fournisseur (Apex Wuxi) à un autre (Amperex Technology Limited, ATL) récemment, et il est donc permis de supposer que le premier a fourni des cellules dangereuses. Plus généralement, de nombreux fabricants de produits d'entrée de gamme (ou qui tentent de proposer des produits à bas prix en gardant un semblant de qualité) se fournissent ou se fournissaient chez Apex Wuxi, ce qui peut devenir un problème à moyen terme. Pierre Lecourt cite par exemple Romoss, un fabricant assez connu qui a dû rappeler des centaines de milliers de batteries, et qui serait dans une situation périlleuse à cause de ce souci. Pour reprendre l'analogie des cartes mémoire, une microSD qui fonctionne mal va soit se retrouver à la poubelle, soit — si le fabricant effectue un rappel — faire un petit tour en avion dans une enveloppe. Mais pour une batterie, le fabricant doit fournir un emballage adapté, passer par des services d’envoi spécifiques (les batteries au lithium sont rarement acceptées chez les transporteurs classiques) et ne peut généralement pas juste proposer à ses clients de jeter la batterie. En clair, le coût des rappels est donc très élevé et peut amener une société à la faillite.
Le logo CCC et les avions
La crainte principale avec les batteries de mauvaise qualité est un emballement thermique dans un avion, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses. Dans de nombreuses compagnies asiatiques, il est par exemple interdit depuis quelques mois d'utiliser une batterie externe en vol. Mais dans certaines compagnies chinoises, c'est encore plus strict : les batteries fabriquées avant 2024 ne sont plus acceptées. Et une certification, le CCC, va être bientôt obligatoire en sus. Un point qui va amener de nombreux problèmes supplémentaires : les batteries qui intègrent des cellules de chez Apex Wuxi ont perdu cette certification, qui est un peu l'équivalent du CE européen. Donc même si vous avez acheté une batterie en 2024 ou en 2025, elle pourrait être interdite dans un avion.


Les compagnies aériennes asiatiques serrent la vis et interdisent l'utilisation de batteries externes dans les avions
Reste une question : est-ce qu'un serrage de vis de la part de la Chine — qui fournit une bonne partie des batteries de mauvaise qualité, par ailleurs — pourrait réellement assainir ce marché ? La réponse est malheureusement probablement négative, pour plusieurs raisons. Si ce changement peut pousser des fabricants comme Anker à se tourner vers des cellules de meilleure qualité et à améliorer la qualité dans une partie du marché — entre les modèles haut de gamme onéreux et les produits noname —, nous ne sommes pas à l'abri d'un problème pour autant. Même les fabricants réputés peuvent faire des erreurs ou avoir des défauts.

La seconde raison, c'est qu'un glissement vers le haut d'une partie du marché va laisser une place en entrée de gamme, pour des sociétés qui ne s'embarrassent pas de questions triviales comme la sécurité. Malheureusement, et c'est un constat pragmatique, il y a un marché pour les batteries de « 800 000 mAh » à bas prix qui offrent un rapport capacité/prix totalement improbable mais alléchant pour un néophyte. Soit une personne qui n'a pas nécessairement conscience du danger, ou qui considère que tous les produits sortent des mêmes usines et que les incendies n'arrivent que chez les autres.
Pour terminer, nous avons essentiellement deux conseils pour tenter d'éviter les problèmes. Le premier est simple : ne pas céder à l'attrait de caractéristiques improbables. Un produit trop beau pour être vrai… est probablement trop beau pour être vrai. Il vaut mieux vous diriger vers un fabricant reconnu qui vend des produits dans la moyenne, même si la capacité annoncée n'est pas aussi élevée qu'un autre. Le second est de vous méfier des batteries dans l'absolu, en évitant de les mettre à charger la nuit sans surveillance, à côté d'une fenêtre en pleine canicule ou sur un tas de cartons. Vous n'éviterez pas nécessairement les problèmes — Anker est généralement considéré comme un fabricant fiable, par exemple —, mais vous limiterez tout de même largement les risques.