Saviez-vous qu'Apple avait imaginé l'Apple TV (plus ou moins) dès le milieu des années 90 ? À cette période, la société a travaillé un temps avec des fournisseurs d'accès pour développer une « set top box » basée sur un Macintosh de l'époque, qui aurait pu trouver sa place dans les salons. Ce boîtier a été testé aux États-Unis et dans quelques pays européens, notamment en France à Issy-Les-Moulineaux. Et Cameron Kaiser, qui possède un de ces boîtiers¹ — on en trouve régulièrement sur eBay — a décidé de hacker le sien.

L'appareil est assez proche d'un Macintosh Quadra 605, aussi connu sous le nom de Performa 475 ou LC 475². C'est donc un modèle de Macintosh « boîte à pizza » doté d'un processeur Motorola 68LC040 et de 4 Mo de RAM. Le boîtier TV se passe de disque dur, mais intègre une connectique assez large : une prise ADB, une prise SCSI externe (dans sa variante vue dans les PowerBook), une prise série de l'époque, une sortie audio en RCA et deux sorties vidéo (S-Video et composite). Le boîtier intègre aussi une entrée et une sortie RF pour un signal TV et une prise RJ45… qui n'est pas de l'Ethernet. Il existe par ailleurs une version européenne avec deux prises Péritel et des prises antennes différentes. Enfin, la version de Cameron, destinée au développement, contient une carte avec une sortie vidéo en DA-15, le « VGA » d'Apple dans les années 80 et 90.

Ceci n'est pas de l'Ethernet

L'idée de ce boîtier était de proposer la possibilité de regarder la télévision en ligne, bien avant l'arrivée de Free et la télévision par ADSL. Apple avait imaginé que les fournisseurs proposeraient une liaison T1 — un type de connexion rapide parfois employé avant l'arrivée de l'ADSL, avec un débit de 1,5 mégabit/s — et le boîtier intégrait une carte de décompression MPEG1, capable de fournir une image de qualité VHS, c'est-à-dire du 240p avec une compression très visible, comme celle des Video CD.

La prise RJ45 ne permet donc pas de connecter le boîtier à un réseau Ethernet, mais servait à communiquer avec un serveur central, via une ligne T1. Dans la pratique, les boîtiers sont donc inutilisables en 2023 : les lignes T1 n'existent plus réellement (tout du moins pour un usage grand public) et les serveurs sur lesquels le boîtier devait démarrer ont évidemment disparu depuis une bonne trentaine d'années, dès la fin des essais.

Cameron, pour hacker son boîtier, a profité d'une chose : il possède une version de développement de l'appareil, livrée avec une ROM spécifique. Dans les Macintosh de cette période, la ROM contenait une partie de l'OS, et il a donc analysé son contenu avant de la modifier avec succès. Il a employé une ROM programmable, un périphérique développé par des bidouilleurs qui peut contenir une image disque et donc permettre de démarrer sans disque dur. C'est ce qu'il explique dans un long sujet, avec beaucoup de détails techniques qui montrent ce qu'il a réussi à faire.

Pour résumer, il arrive à afficher une image en fond d'écran (plus exactement une frame MPEG1, décodée par la carte) et à prendre en charge le clavier et la souris branchés en ADB. Par ailleurs, il est même possible (pour les plus aventureux) de démarrer une ancienne version du système d'exploitation d'Apple sur un disque dur en SCSI.

Dans la pratique, le projet d'Apple a été abandonné, mais divers essais ont été effectués dans différents pays, comme expliqué au début. Mais à un moment, Apple ou les fournisseurs ont décidé d'arrêter les frais, sans que la raison exacte soit connue. Il faut enfin noter que Disney a visiblement employé le boîtier dans certains hôtels de ses parcs d'attractions, pour fournir de la vidéo de façon interactive.