Hallwood media a créé une grande première, en signant un contrat de 3 millions de dollars avec un artiste virtuel : la seule chose qui n’ait pas été créée par une IA générative dans les musiques de Xania Monet étant les paroles, imaginées par la bien réelle Telisha « Nikki » Jones. Si l’intérêt de signer cette artiste, quelle que soit sa réalité physique, peut se comprendre au vu des plus de un million d’écoutes sur Spotify, ou encore de ses Reels qui dépassent chacun les 100 000 vues sur Instagram, une question se pose : que dit la loi ?

C’est TheVerge qui soulève ce lièvre particulièrement sévère sur la législation américaine : selon la loi, seuls les contenus créés par un humain peuvent être protégés par le droit d’auteur. Toute création d’une IA générative, en revanche, en est exclue.
De ce fait, une question se pose : qu’est-ce que Hallwood media a acheté pour 3 millions de dollars ? Les textes ? Techniquement, c’est la seule chose qui peut être soumise à copyright. Dans une telle situation, il sera très compliqué pour le label de protéger quoi que ce soit, la mélodie, le rythme, le timbre de voix ou même la personne représentée sur la pochette n’étant pas enregistrable sous copyright. Rien n’empêcherait une entreprise de se servir de la mélodie et du visage de « l’auteur » sans avoir à reverser le moindre centime.
Le bureau des copyright aux USA, interrogé sur le sujet, est on ne peut plus clair : seuls les éléments créés par un humain peuvent être soumis à copyright. Dans le cas d’une création assistée par IA, seule la partie créée réellement par l’humain peut être enregistrée et protégée. Toute la partie créée par l’IA n’est pas recevable.
Dans le cas qui nous intéresse, si nous regardons sur le profil Apple Music de l’artiste, il est indiqué que la voix, les instruments, le mixage et la production sont faits par Xania Monet (autrement dit par IA), et que les textes ont été produits par Telisha Jones. Si ces indications ne sont généralement pas retenues comme preuve de copyright, un tour sur le site des droits d’auteur US ne renvoie aucune réponse, que ce soit au nom de Telisha Jones comme de Xania Monet.
Si cet imbroglio juridique ne suffisait pas, un autre souci devient de plus en plus prégnant : Suno, l’entreprise ayant permis la « création » de Xania Monet, est elle-même inquiétée par la justice. En effet, trois majors de l’industrie musicale l’accusent d’avoir piraté en masse les musiques de leurs artistes pour entraîner l’IA. Et les artistes s’inquiètent de plus en plus ouvertement de cette problématique : certains voudraient avoir accès sur chaque modèle d’IA au registre des fichiers utilisés pour l’entraînement, afin de vérifier si leur voix ou performance a été utilisée, et le cas échéant demander rétribution.
La législation ne fait pour le moment qu’effleurer le problème, et a un gros train de retard sur les usages (comme souvent, les législateurs pouvant rarement imaginer le futur). Il sera intéressant de voir comment la justice va démêler ce sac de nœuds législatif...