Affaire HEY : Apple n'a pas l'intention de céder

Mickaël Bazoge |

C'est l'heure de l'offensive pour Apple dans le contentieux HEY : la version 1.0 de l'application d'e-mails n'aurait pas dû être validée, et les futures mises à jour n'obtiendront pas leur feu vert tant que l'éditeur Basecamp ne proposera pas son abonnement à même l'application. Autrement dit, Apple tient à sa commission de 30% (15% dès la deuxième année d'abonnement).

Basecamp a reçu un courrier très clair de la part de l'App Review Board, l'instance qui juge les appels contre les décisions de l'App Store. Celui formé par l'éditeur est rejeté : « l'application HEY est présentée comme une app d'e-mails, mais quand l'utilisateur la télécharge, elle ne fonctionne pas. L'utilisateur ne peut pas se servir de l'application pour accéder à ses e-mails (…) à moins d'aller sur le site de Basecamp pour acheter une licence [sic] qui permet d'utiliser l'application ».

HEY n'est donc pas considérée comme une app « reader » comme le décrit la règle 3.1.3(a) des guidelines, qui permet à des plateformes comme Netflix, Spotify et Dropbox de s'affranchir de proposer des abonnements depuis leurs applications. HEY est une app qui requiert de l'utilisateur un achat pour accéder à des fonctions, en vertu de l'article 3.1.1, et elle doit donc vendre ses abonnements ou ses achats intégrés avec le système de facturation de l'App Store.

Apple conseille donc à Basecamp d'offrir le support des services IMAP ou POP, avec la possibilité de configurer en option une adresse avec le service HEY. Un conseil qui tombe complètement à plat, le principe même de HEY étant justement de proposer une alternative aux protocoles traditionnels des courriels.

Le courrier d'Apple est très maladroit, ou très cynique. Le constructeur écrit que les applications développées par Basecamp ces huit dernières années ne proposent aucun achat intégré, et que par conséquent, elles n'ont pas contribué au chiffre d'affaires de l'App Store 🙄 Venant d'une entreprise qui pèse 1 500 milliards de dollars, c'est assez spécial.

L'émotion que cette affaire suscite chez les développeurs, alors qu'Apple est l'objet d'une enquête formelle de la part de la Commission européenne sur les pratiques de l'App Store, est d'autant plus forte que la WWDC débute lundi prochain. C'est sans doute la raison pour laquelle Phil Schiller — grand patron de l'App Store et du marketing — y est allé de son explication de texte à TechCrunch. Bien sûr, il défend la position de l'entreprise : « Nous n'envisageons aucun changement dans les règles ».

On en reste au statu quo : « Il y a beaucoup de choses [que Basecamp] peut faire pour que leur app fonctionne selon nos règles. Nous adorerions qu'ils le fassent ». Il répète qu'après le téléchargement de l'app, rien ne se passe si ce n'est l'affichage d'un panneau de connexion, « ce n'est pas ce que nous voulons sur l'App Store ». C'est pourtant ce qui se passe avec Netflix, mais la plateforme de streaming est dans un cas particulier : c'est une app « reader ». « L'e-mail n'est pas et n'a jamais été une exception à cette règle ».

L'« imbox » de HEY, en version web.

En fait, la version macOS de HEY a été rejetée du Mac App Store pour les mêmes raisons. Le fait que l'app iOS ait reçu le feu vert est « une erreur », martèle-t-il. Sur Mac, le Mac App Store n'est pas l'unique canal de distribution logiciel : Basecamp peut tout à fait proposer le logiciel depuis son site web. Mais c'est impossible sur iOS, puisqu'il est obligatoire d'en passer par l'App Store.

En guise d'alternative, Phil Schiller propose par exemple une version gratuite de l'app avec des fonctions basiques, avec la possibilité d'accéder à des fonctions plus évoluées à acheter depuis le site web de l'éditeur. Ou encore de vendre l'abonnement depuis l'application, majoré des 30% ponctionnés par Apple… Mais est-ce le rôle du constructeur de définir le modèle économique d'une application ?

Cette histoire prend un tour assez savoureux, ou ironique, quand on entend Brad Smith, le président de Microsoft — la même société condamnée pour abus de position dominante —, demander aux régulateurs américain et européen de serrer la vis aux boutiques de distribution d'applications. Durant un événement organisé par Politico, il a déploré que ces plateformes « imposent des exigences » qui font en sorte qu'il n'existe qu'une seule porte pour y accéder. « Dans certains cas, le prix du péage est très élevé, 30% de vos revenus doivent être versés au responsable du péage ».

avatar Beaubarre | 

Je ne comprends pas pourquoi Apple n'accepte pas pour Hey la même règle que Netflix:

- pas de lien ou de mention sur la possibilité de s'abonner autre part

Cela parait suffisant non?

Il faut bien voir aussi que si personne ne faisait des apps pour iPhone, même gratuites, l'attrait de l'iPhone serait bien moindre - on n'a qu'à voir Huawei.

Et l'ancienne règle interdiction de proposer plus cher sur Appstore, en particulier pour les livres, comment cela n'a pas été interdit comme pratique anti-concurrentielle?

avatar bodipif | 

Apple a construit sa propre communauté, et ils ont le droit de gérer la distribution de leur propre système.
C’est ce type de règle qui permet d’avoir un appstore homogène et attractif pour les utilisateurs.

De plus la concurrence n’est pas interdite. Il existe Android, dont les parts de marché sont bien supérieures. En tout cas pour le hardware.

De plus Apple n’interdit pas Hey de l’écosystème. T’es un utilisateur d’iPhone et tu souhaites utiliser Hey ? Tu peux y accéder par safari ou chrome.

J’ai plus l’impression que c’est un coup marketing de la part du fondateur pour faire parler de Hey

avatar r e m y | 

@bodipif

Contraindre les développeurs à ne proposer sur iOS que des web apps pour éviter les règles trop strictes ou trop coûteuses qui leur sont imposées par Apple, en tant qu'utilisateur je ne suis pas sûr qu'on soit gagnant...

avatar bodipif | 

@r e m y

C’est une question d’offre et de demande. C’est comme ça que la commission est définie. Le jour où la communauté en pâtira et qu’elle délaissera l’app store, la commission baissera.
Toutes les entreprises qui donnent accès à une plateforme de vente prennent des frais et appliquent des règles parfois très strictes. Amazon par exemple.

avatar r e m y | 

@bodipif

Apple ne "donne pas accès" à une plateforme. Apple IMPOSE une plateforme et les services qui vont avec (dont le système de paiement intégré) même à ceux qui n'en ont pas besoin.
C'est l'absence de choix qui me choque.

avatar bodipif | 

@r e m y

Apple n’impose rien du tout. Tu peux utiliser safari comme dit plus haut, ou même un téléphone Android !

avatar r e m y | 

@bodipif

Désolé de raisonner en tant qu'utilisateur... mais pour moi ces choix n'en sont pas, du moins j'espère que ce ne sera pas ce à quoi devront se résoudre les développeurs et éditeurs de service.

Se retrouver avec des iPhones sur lesquels la plupart des apps n'existeraient plus (le développeur se contentant d'Android) ou pour lesquelles on n'a droit qu'à un hersatz via Safari (au passage bonjour la perte d'autonomie, quand on voit ce que tire Safari sur la batterie...), je ne peux pas être heureux de cette situation.

avatar bodipif | 

@r e m y

C’est ce que je disais plus haut. C’est une question d’offre et de demande. Le jour où les utilisateurs n’auront plus les apps qu’ils veulent, la commission baissera pour garder l’App Store attractif.

Apple cherche a faire de l’argent mais elle cherche aussi a protéger et conserver la communauté qu’elle a pu construire sur l’App Store.

avatar Pato49 | 

@bodipif

D’accord Android existe, mais je ne vais pas changer de téléphone juste parce qu’Apple a interdit une application ou a changé une règle sur son store. C’est pour moi un argument qui n’en est pas.

Je considère qu’Apple fait ce qu’il veut sur sa boutique, c’est sa stratégie, mais je ne considère pas normal de ne pas pouvoir passer par un autre store. Perso, je ne change pas de téléphone tous les ans, le dernier m’en a fait 5. C’est mon téléphone, si j’ai envie de me passer de la boutique d’Apple ou pourquoi pas de l’OS d’Apple, ça devrait être un droit.
En plus la concurrence bonifierait sans doute le store d’Apple

avatar bodipif | 

@Pato49

Mais t’en as le droit, le jailbreak n’est pas illégal !

avatar Pato49 | 

@bodipif

C’est vrai, mais Apple met toutes les mesures techniques pour ne pas le permettre, et ça c’est gênant parce que ça empêche de fait cette possibilité.

avatar byte_order | 

@bodipif
> Apple a construit sa propre communauté

Hein ?
Les consommateurs qui achètent des iPhones et les développeurs sont en fait des abonnés, des membres payants d'un club appartenant à Apple ?

Non.
Ce sont juste des clients et des editeurs tiers.

> ils ont le droit de gérer la distribution de leur propre système.

Les iPhones visés par les développeurs d'apps iOS n'appartiennent plus à Apple.
Ce n'est pas une distribution sur *leur* system, tout comme Renault ne peut gérer comme elle veut la chaine de distribution de carburant ou d'accessoires pour les vehicules qu'elle a *vendu* à d'autres.
Par contre, sur son propre parc de véhicules proposés à la location, là, oui.

Apple loue-t-elle les iPhones et iPads ?
Non.

> De plus la concurrence n’est pas interdite. Il existe Android, dont les parts de marché
> sont bien supérieures. En tout cas pour le hardware.

Voilà. Vouos voulez utiliser tel carburant, mais interdit par Renault ? Vous n'avez qu'à changer de marque de voiture !

> De plus Apple n’interdit pas Hey de l’écosystème.
> T’es un utilisateur d’iPhone et tu souhaites utiliser Hey ? Tu peux y accéder par safari ou chrome.

Le web n'est pas l'écosystème iOS. Le web est l'écosystème du web. Encore heureux que Apple n'interdit pas sous iOS d'acceder à l'écosystème du web ! Elle ne vendrait plus aucun iDevices si elle le faisait !

Ceci dit, vous soulevez le risque que de plus en plus d'apps natives iOS deviennent en effet des WebApps voir disparaisse au profit de site webs tout simplement. Faudra pas venir se plaindre.

avatar bodipif | 

@byte_order

Oui Apple a construit sa propre communauté. Pas besoin de parler d'abonnement pour parler de communauté, je ne comprends pas très bien votre point.

L'analogie avec une voiture ne tient pas. Mais si je suis votre exemple de l'essence, figurez-vous que je peux recharger mon iPhone avec de l'électricité de n'importe quelle origine ! Je sais c'est incroyable !

Bref, ce n'est pas parce que l'iPhone n'appartient effectivement plus à Apple que la plateforme qui permet de proposer des apps ou d'en télécharger n'appartient pas à Apple.
Comme dit plus haut, si vous souhaitez jailbreaker votre iPhone vous pouvez le faire, mais jusqu'à preuve du contraire l'App store ne vous appartient pas parce que vous possédez un iPhone.

avatar byte_order | 

@bodipif
> Oui Apple a construit sa propre communauté.
> Pas besoin de parler d'abonnement pour parler de communauté,
> je ne comprends pas très bien votre point.

Mon point, c'est que d'un point de vue économique ou même juridique, y'a pas de concept de "propriété" d'une communauté. Cela n'existe pas. Des membres abonnés, oui. Un club privé, oui. Mais une "communauté", y'a pas de lien contractuel. Elle ne lui appartient pas. Elle ne peut donc pas s'octroyer à elle seule l'exclusivité de contrôler la façon d'en monnayer l'existence.

D'autant que sans les développeurs d'app iOS, la communauté serait disparue.

> Mais si je suis votre exemple de l'essence, figurez-vous que je peux recharger
> mon iPhone avec de l'électricité de n'importe quelle origine !

Mais pas avec n'importe quel câble ^_^.

Dans mon analogie, on parle de plateforme.
La voiture, c'est une plateforme avant d'être du matos. Elle est par exemple compatible avec certains trucs qu'on peut installer dedans (des accessoires, des pièces de rechanges mais aussi du carburant) Dans le cas d'une plateforme comme iOS, ses accessoires ce sont les apps supplémentaires.

> Bref, ce n'est pas parce que l'iPhone n'appartient effectivement plus à Apple
> que la plateforme qui permet de proposer des apps...

*S'impose* pour pouvoir proposer !

Elle n'est pas optionnelle, vous faites tous comme si cela ne changeait rien,
qu'elle soit en situation de monopole absolu !
Cela change tout, pourtant.

> Comme dit plus haut, si vous souhaitez jailbreaker votre iPhone vous pouvez le faire,

Ah, donc faut accepter de perdre sa garantie, c'est ça le "choix" !?

Ok, je vous laisse jailbreak votre future Renault pour faire sauter le verrou qui empêche d'utiliser de l'essence meilleure marché car échappant aux 30% de taxe de Renault dessus.
Et venez pas vous plaindre quand le garagiste refusera une réparation sur une panne qui n'a pourtant rien à voir...

Tsss.

avatar DeluxePainter | 

Ça n’est pas un péage, c’est un octroi.

avatar byte_order | 

@DeluxePainter

C'est un octroi *et* un péage.
Sans ce paiement, impossible d'entrer sur le terminal iOS du consommateur.

avatar pagaupa | 

La commission européenne vase regaler!

avatar Jocychalou | 

Hey savait très bien que son application allait être problématique. Et ce sera réglé d’ici Juillet. En créant un conflit avec Apple on fait parler les gens dans le monde entier. En une semaine tous les addicts Apple dans le monde ont appris l’existence de Hey et découvert son concept. Ils seront des embassadeurs gratuits, qu’ils parlent en mal ou en bien de la marque… belle stratégie

avatar oomu | 

@Jocychalou

c'est à mon sens la meilleure méthode pour secouer le cocotier.

et le cocotier DOIT être secoué.

je m'attends à ce que d'autres entreprises fassent de même bientôt et que cela serve de base pour forcer l'Union Européenne à légisférer.

-
Nous, en tant qu'utilisateur et consommateur nous ne gagnons RIEN à l'exclusivité de la distribution d'applications par l'App Store. Et c'est l'unique chose qui compte.

Si les entreprises ne veulent pas des règles d'Apple sur l'App store, très bien, qu'ils soient virés de l'App Store d'Apple et ses services. Mais alors, Apple doit permettre aux ACHETEURS d'iphones d'installer les apps d'autres sources, et cela sans complications absurdes.

Y a les certificats, les listes d'accès, etc : tout plein de méthode que l'industrie peut utiliser sans causer de frais à Apple pour sécuriser sans brider à mort.

-
L'intérêt d'Apple pour son propre commerce n'a PAS à nous concerner. Ni même celui de Basecamp en réalité. Seulement ce qui est à l'avantage de nous : l'acheteur final.

avatar dams229 | 

@oomu

> Si les entreprises ne veulent pas des règles d'Apple sur l'App store, très bien, qu'ils soient virés de l'App Store d'Apple et ses services. Mais alors, Apple doit permettre aux ACHETEURS d'iphones d'installer les apps d'autres sources, et cela sans complications absurdes.
100% d’accord sur ce point

avatar webHAL1 | 

Extrait de l'article :
« Apple conseille donc à Basecamp d'offrir le support des services IMAP ou POP, avec la possibilité de configurer en option une adresse avec le service HEY. »

C'est quand même totalement hallucinant comme réponse ! o_O'

"Non, alors bon, vous voyez, la façon dont vous avez conçu votre application, eh bien ça ne va pas. Donc il vous suffit juste de la changer complètement, et tout le monde sera content !".

Un peu comme si un fabricant de télévisions avait le contrôle exclusif sur les programmes diffusés et bloquait un documentaire réalisé par une chaîne en leur disant : "vous ne devriez pas parler des pingouins. Traitez plutôt des phacochères. Oui, c'est ça. Les phacochères c'est mieux. On préfère".

avatar r e m y | 

@webHAL1

Vous avez quelque chose contre les phacochères ? 😳

avatar webHAL1 | 

@r e m y

Oh non, c'est très bien les phacochères. Bien mieux que ces sales pingouins !

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