La Chine pourrait serrer un peu plus fort le nœud coulant de la censure autour du cou de l'App Store, à en croire les sources de The Information. Apple a multiplié les concessions ces dernières années pour satisfaire les demandes de plus en plus contraignantes de Pékin — à l'instar de ces milliers de jeux récemment supprimés de la boutique chinoise.

Apple a bénéficié d'une certaine bienveillance des autorités chinoises lors du lancement de l'App Store au pays, en 2010. Ce type d'activité doit habituellement être opéré par un partenaire chinois, qui en détient la majorité du capital. Apple a été exemptée de cette obligation, et pendant plusieurs années le constructeur a profité d'une latitude rare pour gérer le contenu de la boutique, sachant qu'habituellement la censure veille et frappe fort. Le constructeur devait toutefois surveiller les apps liées à des sujets sensibles comme le Dalai Lama, Tiananmen, le Tibet ou Taiwan.
De même, Apple n'a jamais fourni le code source d'iOS alors que Microsoft a dû se plier à cette exigence des autorités. Mais en 2017, changement de ton. Une rencontre entre les régulateurs chinois et Isabel Ge Mahe, fraîchement nommée directrice générale pour la région de la Grande Chine, a mis le holà : Apple n'était plus aussi intouchable qu'elle l'avait été par le passé. L'entreprise doit se plier aux règles du pays, et à sa censure envahissante.
Les grands ciseaux de Pékin seraient la raison de l'absence d'Apple TV en Chine, et des services afférents. On se rappelle comment Tim Cook avait donné de sa personne pour expliquer les raisons de la suppression de l'app HKMap alors que Hong Kong manifestait pour conserver son petit bout de démocratie. Plutôt embarrassant pour une société qui se pare de si belles vertus, même si elle tient bon sur iCloud (lire : Non, la Chine n’a pas « les clefs d’iCloud »).
La pression est telle sur l'App Store que les autorités chinoises pourraient tout simplement exiger que la boutique ferme ses portes… Un iPhone sans son gros million d'applications n'aurait plus vraiment d'intérêt. Ironiquement, Apple aurait pu s'éviter une bonne partie de ces maux de tête en créant, dès 2013, une entité légale à Shanghaï pour gérer l'App Store de manière indépendante, sans partenaire chinois encombrant et avec une plus grande liberté de mouvement. La Chine y avait alors lancé une zone de libre-échange afin d'encourager les investissements étrangers.
La Pomme a attendu 2018 — en pleine guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine — pour enregistrer cette entreprise… Les autorités ont refusé le tour de passe-passe, réclamant d'abord de nouvelles concessions de l'App Store. De toute évidence, l'environnement en Chine est devenu beaucoup plus difficile pour Apple, et cela ne va pas s'arranger tant que les pressions de la Maison Blanche se poursuivent.
Les dossiers TikTok et WeChat n'arrangent guère la situation, alors qu'Apple est très exposée en Chine : non seulement pour ses capacités de production, mais aussi pour ses ventes. Le pays pèse lourd dans les comptes du constructeur : au dernier trimestre, le chiffre d'affaires tiré des ventes en Chine s'établissait à 9,3 milliards de dollars, le troisième plus important derrière les Amériques et l'Europe.