Après un long déploiement progressif qui aura duré deux ans, l’application carte Vitale est finalement ouverte à tous. Plus besoin d’habiter dans un département particulier ou de passer par France Identité, l’application est accessible par l’ensemble des assurés, et ce quel que soit leur régime d’assurance maladie ou leur pièce d’identité.
Mais à quoi sert-elle ? En deux mots, elle fait office de double numérique pour la carte Vitale physique — qui reste bien valable. En présentant le QR code affiché sur son smartphone, l’assuré peut faire valoir ses droits auprès d’un professionnel de santé.

Un double numérique pour éviter les oublis…
Cette dématérialisation vise d’abord à éviter les situations fréquentes où la carte physique manque à l’appel. D’après un sondage Ipsos–BVA commandé par l’Assurance Maladie et publié ce mois-ci, 25 % des Français déclarent avoir déjà eu des difficultés à retrouver leur carte au moment où ils en avaient besoin de manière urgente. Ce sont en particulier les parents pour 37 % d’entre eux et les jeunes adultes à hauteur de 46 % qui sont les plus étourdis.
Il y a moins de risque d’oublier son smartphone, un appareil presque indispensable dans la vie de tous les jours. L’Assurance Maladie justifie d’ailleurs la dématérialisation de la carte Vitale en donnant d’autres statistiques sur la place des outils numériques : 9 répondants sur 10 suivent leurs remboursements de soins en ligne et 8 sur 10 reçoivent des ordonnances ou résultats par voie numérique.
Activée à ce jour par 1,8 million de personnes, l’application carte Vitale devrait connaitre un gros coup d’accélérateur avec cette génération : 28 millions de personnes supplémentaires peuvent maintenant en tirer parti. D’ailleurs, près de 7 Français sur 10 se déclarent prêts à la télécharger, selon le même sondage.
L’application a aussi un rôle à jouer en cas d’imprévu : près d’un million de cartes sont déclarées perdues ou volées chaque année (chiffres pour le régime général). L’app permet alors d’obtenir rapidement un double numérique sur son smartphone.
On a expérimenté l’appli carte Vitale, et ça n’a pas été une promenade de santé
Elle fluidifie aussi les remboursements. « Il y a un vrai bénéfice potentiel pour l’acquisition des droits », nous expliquait fin 2023 Valérian Ponsinet, chargé du numérique à la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France. Alors que la carte porte elle-même les informations sur les droits des assurés — informations qui peuvent être obsolètes faute d’actualisation récente de la carte —, l’appli sert uniquement de support d’identification.
En scannant le QR code du patient, le pharmacien (ou tout autre professionnel de santé) prend connaissance de ses droits en temps réel grâce à un accès direct aux bases de l’Assurance Maladie — c’est le système nommé ADRi dans le milieu. En résumé, dans le cadre du tiers payant, l’application va permettre aux pharmaciens d’être payés plus facilement par la sécu.

… mais la carte physique reste bien utile pour l’instant
Encore faut-il que les professionnels soient équipés. La bascule vers une authentification par QR code (ou par NFC sur certains smartphones Android) impose d’utiliser une « douchette », un outil qui n’est pas encore généralisé. Aujourd’hui, près de 80 % des pharmacies dans les territoires où les deux parcours étaient déployés facturent déjà avec l’application. À l’échelle du pays, environ deux tiers s’en servent, selon l’Assurance Maladie.
Chez les médecins généralistes, le rythme est plus lent, comme l’avait prédit le docteur Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, interrogé par nos soins il y a deux ans. Actuellement, seuls un quart ont déjà utilisé l’application au moins une fois. Et les chiffres chutent en Île-de-France, absente du lancement initial : une pharmacie sur deux et seulement un praticien sur huit sont équipés.
Comme peu de patients présentent leur smartphone, « ce n’est pas encore rentré dans les habitudes des professionnels de santé », reconnaît Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie, dans Le Parisien. Pour accélérer l’adoption, une incitation financière est prévue : lorsqu’un médecin télétransmet une première facture avec l’application après s’être doté d’un lecteur compatible, il perçoit 280 €. L’an prochain, cette somme sera divisée par deux.
Côté assurés, l’application va aussi évoluer. Pour l’heure, elle permet donc de faire valoir ses droits ainsi que de consulter ses dépenses de soins. À terme, elle pourra servir de moyen d’identification pour accéder à d’autres services, comme Mon espace santé, et elle pourra intégrer la complémentaire santé. Les professionnels pourront ainsi gérer le tiers payant sur la part obligatoire et sur la part complémentaire directement via l’application. L’Assurance Maladie n’en dit rien, mais on espère aussi des progrès côté ergonomie, notamment un parcours d’activation plus simple. D'ailleurs, l'application gère maintenant Face ID, mais pour les utilisateurs existants il est nécessaire de refaire son inscription pour en profiter.
Si l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait relancé l’idée d’une intégration de la carte Vitale dans France Identité, les deux applications sont parties pour continuer leur route séparément. Elles relèvent de structures distinctes : le GIE SESAM-Vitale pour l’une et France Titres (ex-Agence Nationale des Titres Sécurisés) pour l’autre.











