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Presse et Apple : le GESTE entre dans la danse

Florian Innocente

lundi 24 janvier 2011 à 12:33 • 52

App Store

C'est au tour du GESTE de manifester son inquiétude à l'égard d'Apple et de la manière dont elle va faire évoluer les conditions d'utilisation de l'App Store. Le Groupement des Editeurs de Services en Ligne (qui rassemble autant des titres de presse, médias radios et télévisés que des éditeurs de logiciels) met en cause la prochaine interdiction pour les applications de proposer des services d'abonnement qui contournent le système In-App-Purchase d'Apple et sa commission de 30%. “D’après la dernière version de l’article 11.2 que s’est procurée le service juridique du GESTE, toutes les applications utilisant une solution de paiement tierce (à l’acte ou par abonnement) seraient refusées (ou abandonnées pour celles déjà acceptées) et ce, à compter du 30 juin prochain. Derrière cette mesure drastique, se dessine la volonté d’Apple d’imposer son prochain système d’abonnement via son API de facturation « In App Purchase ».” déclare le GESTE (PDF du communiqué).
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Le groupement dénonce une équation économique périlleuse et venant rompre le lien historique entre un abonné et l'éditeur de son journal “Cette décision, non concertée, imposerait aux éditeurs un coût complémentaire de 30% au profit d'Apple. Ce taux, tout comme le différentiel de TVA entre le numérique et le monde physique, rendrait la distribution de contenus au format numérique moins rentable que sur papier. Elle les priverait également de la possibilité de créer des abonnements numériques multi-plateformes, contraignant l’éditeur à adapter ses offres aux exigences d’Apple plutôt qu’aux attentes des clients finaux. Elle les priverait enfin de la maîtrise du parcours client et de la possibilité de connaître les coordonnées de leurs abonnés, éléments fondamentaux de la relation client.” Les éditeurs ne seraient pas les seuls touchés affirme le GESTE qui y voit un danger pour d'autres acteurs de la chaîne “les prestataires de solutions de paiement se voient ainsi fermer la porte à la majeure partie du marché des applications mobiles (l’iPad représentant plus de 80% du marché des tablettes). Interdire toutes les solutions de paiement tierces prive donc ces acteurs d’un levier de croissance important. Apple, en position dominante, refuse tout simplement l’accès au marché à toute une catégorie d’acteurs et impose des conditions toujours plus draconiennes aux éditeurs, pourtant partenaires essentiels sans qui les produits d’Apple seraient toujours des outils « fins, beaux, incroyablement puissants, magiques, … » mais totalement sans contenus. Les membres du Geste se félicitent donc d’une possible enquête des autorités de la concurrence sur ces pratiques et ne manqueront pas d’y contribuer utilement.” Un écho à la décision la semaine dernière de trois syndicats de la presse, d'en appeler à la Ministre de l'Economie pour qu'elle saisisse l'Autorité de la concurrence (lire Presse sur l'App Store : les médias français en appellent à Bercy). Une évolution prévisible L'évolution des conditions d'Apple vis-à-vis des fonctions d'abonnement est tout sauf une surprise. Et le reproche fait d'un manque de "concertation" fleure la naïveté. Depuis 14 ans que Jobs est revenu chez Apple, ce terme n'est pas franchement au vocabulaire de l'entreprise. Dans la mouture actuelle de son “App Store Review Guidelines”, l'article 11.2 indique “Les applications qui utilisent un système autre que l'API In App Purchase (IAP) pour acheter du contenu, des fonctionnalités ou des services à l'intérieur de ces applications seront rejetées”. Déjà en juillet dernier, le responsable des éditions électroniques d'un grand quotidien français nous confiait son inquiétude à propos de cette clause. Son journal utilise un mix d'IAP pour la vente des éditions quotidiennes, mais il renvoie vers son site pour les autres formules d'abonnement. Ce responsable n'était donc pas ignorant d'un possible serrage de vis, mais il se demandait quand Apple appliquerait cette règle à tous. Cependant, le passage du GESTE sur la part de marché de l'iPad qui, d'une certaine manière obligerait les éditeurs à s'y soumettre ou à disparaître est discutable. Il est indéniable qu'Apple a réussi à 'rebooter' le marché de la tablette électronique et à y établir une position dominante en l'espace de six mois. Mais on est justement sur un marché où tout reste à faire. Microsoft, Google, HP/Palm et dans leur sillon des dizaines de fabricants, sans oublier des acteurs de premier plan comme Adobe, entendent bien tailler des croupières à "l'hégémonie" de l'iPad et d'iOS. Peut-être l'avance prise par l'iPad ne sera-t-elle jamais rattrapée, peut-être pas… “Il y a une vie en dehors d'Apple” Le GESTE précise d'ailleurs que “De nombreux éditeurs réfléchissent, ou explorent déjà certaines pistes afin de trouver des alternatives aux systèmes de distribution verrouillés proposés par les fabricants de matériel.” Le monde de la musique ayant échoué à ce jeu - les producteurs de contenus n'étant pas forcément les plus compétents pour inventer des plateformes techniques simples et performantes - il sera intéressant de voir dans quelle direction ces travaux vont se diriger, s'il aboutissent et dans quels délais. Dans sa chronique hebdomadaire, Frédéric Filloux livre des pistes possibles et offre une autre analyse sur la stratégie d'Apple. D'abord il estime qu'au vu du confort d'utilisation procuré au lecteur par l'App Store, un éditeur peut décider qu'il n'est pas anormal de vendre son abonnement plus cher “Comme le veut une règle de bonne gestion, une plateforme premium doit se refléter dans son prix, un abonnement à 99$ sur la plateforme de l'éditeur devrait être fixé à 119$ sur l'App Store — tout comme un MacBook est plus cher qu'un portable Wintel comparable” Il suggère ensuite que les éditeurs conçoivent des sites en HTML5, compatibles iPhone et iPad donnant accès à un ou plusieurs titres et où l'éditeur garde la main sur ses abonnements et sur les données de ses clients. Quant aux systèmes de paiement, tel que Paypal, ils se mettent déjà à l'heure du mobile. Conclusion de Filloux sur ce point “Il y a une vie en dehors d'Apple”. Enfin, l'ancien patron de 20 Minutes voit dans la démarche d'Apple une stratégie qui vise à servir les intérêts de nombreux petits éditeurs plutôt que de quelques gros. Des structures de petites tailles qui n'ont justement pas les épaules pour avoir des équipes commerciales, de diffusion, etc et qui voient dans l'App Store une plateforme à même de les dégager de toutes ces contraintes, pour se concentrer sur leur métier de journalistes.
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Cette absence de volonté d'entrer dans un rapport de force frontal avec Apple surprend dans les initiatives du GESTE et des divers syndicats de la presse. Une plateforme avec un contenu amoindri ayant moins d'intérêt, la carte d'un boycott de l'App Store par ces différentes parties pourrait être tentée (le GESTE compte une centaine d'adhérents dont beaucoup ont des applications sur le Store). Et peut-être faire tâche d'huile dans d'autres pays. Et ce, avant d'en appeler aux pouvoirs publics et d'agiter des considérations de monopole. La part de marché de l'iPad, est jeune et elle a été obtenue sur ses seuls mérites techniques, et non par des manoeuvres commerciales comme on a pu le reprocher autrefois à Microsotf pour Windows. A partir de là, soit Apple juge que la présence de ces titres de presse est nécessaire à son activité, alors elle plie et aménage ses conditions. Soit elle n'en a cure et ces éditeurs auront tout loisir de se tourner vers Google ou Microsoft, ou de mettre en place leur propre plateforme.

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