À en croire Apple, le DMA est un texte pervers, qui ne fait que du mal aux utilisateurs européens. La réalité est un peu plus nuancée. Dans ses attaques répétées, le groupe américain oublie volontiers que la loi sur les marchés numériques peut produire des effets positifs — et pas seulement pour les clients et les développeurs du Vieux Continent. Dernier exemple en date avec Beeper. L’application, qui regroupe plusieurs messageries instantanées, a obtenu un changement favorable dans iOS grâce à une demande d’interopérabilité déposée dans le cadre du DMA.

Beeper faisait face depuis longtemps à un problème de gestion des notifications. Techniquement, iOS propose aux développeurs une API appelée UNNotificationServiceExtension (ou NSE) qui permet de traiter les notifications de manière confidentielle : leur contenu est déchiffré uniquement sur l’appareil, une approche essentielle pour un service comme Beeper, qui ne veut pas pouvoir lire les messages de ses utilisateurs.
Mais cette API comportait une limitation bloquante, comme l’explique l’ingénieur en chef de l’app dans un billet de blog :
[iOS permet uniquement] d’exécuter NSE pendant un court laps de temps, et seulement avec une petite quantité de mémoire. Nous avons toujours utilisé ce mécanisme pour afficher les notifications, y compris avec notre première application, et nous avons toujours eu du mal à composer avec ces limitations. À l’époque, iOS limitait l’utilisation de la mémoire à seulement 15 Mo sur la plupart des appareils, et si vous dépassiez cette limite, le système d’exploitation arrêtait NSE, provoquant des « notifications vides », où seul le nom de l’application apparaissait, sans le contenu.
Pour résoudre ce problème, Beeper a choisi d’utiliser la nouvelle procédure d’interopérabilité prévue par le DMA. Celle-ci permet à un développeur de demander à Apple d’ouvrir certaines fonctions logicielles ou matérielles lorsqu’elles restreignent la concurrence ou le bon fonctionnement d’un service. Si la Pomme a fustigé les multiples demandes de Meta qui voudrait que ses lunettes et ses casques VR communiquent mieux avec l’iPhone, elle a répondu favorablement au petit éditeur.
Depuis iOS 18.4, la mémoire allouée à l’API des notifications est ainsi passée de 15 à 50 Mo, soit le même niveau que celui réservé jusque-là aux apps d’Apple. Ce changement suffit à faire fonctionner correctement les notifications de Beeper. Sur les iPhone compatibles avec Apple Intelligence qui ont tous au moins 8 Go de RAM, la limite grimpe même à 150 Mo.

« Notre problème de limite de mémoire a été résolu à l'échelle mondiale, pour tous les développeurs d'applications, et certaines demandes d'interopérabilité pour les SMS/RCS ont été prises en compte pour les utilisateurs européens. Bravo et un grand merci à Apple pour nous avoir donné les moyens de créer des expériences à la hauteur de celles qu’ils conçoivent eux-mêmes », a applaudi Matt Mullenweg, le patron d’Automattic, nouveau propriétaire de Beeper.