CAN

deserty |

Un peu à part de la scène Krautrock, caché, encore aujourd’hui, par l’ombre du géant Kraftwerk, Can reste ce groupe visionnaire qui a su, le premier, faire tomber les barrières stylistiques, osé le mélange des genres. Laissant derrière lui une discographie conséquente, inépuisable source d’inspiration à laquelle énormément d’artistes sont venus s’abreuver, l’influence de Can, même si elle est diffuse (aucun groupe ne ressemblant réellement de près ou de loin au quintet allemand), n’en demeure pas moins évidente trente-cinq ans après.
L’histoire commence à Cologne en 1968, lorsque que Irmin Schmidt et Holger Czukay, tous deux à l’origine de formation classique, tendance Stockhausen et Boulez, décident de fonder un groupe de rock et engagent le guitariste Michael Karoli. Le batteur de free-jazz Jaki Liebezeit rejoint le trio, suivi peu après par Malcolm Mooney, peintre et sculpteur américain qui s’improvisera chanteur avant d’être remplacé par le Japonais Damo Suzuki rencontré par hasard à Munich.

En 1969, le premier album, Monster Movie, pose les bases de ce que sera la musique du groupe : la rythmique hypnotique de Liebezeit et la basse implacable de Czukay offrent un terrain de jeu idéal aux claviers bizarroïdes de Schmidt, à la guitare stridente de Karoli et au chant frénétique de Mooney. De la ballade Mary, Mary So Contrary aux vingt minutes de pulsion tribale de Yoo Doo Right, Can montre déjà l’étendue et la variété de son talent et s’annonce, à l’orée de celles-ci, comme l’un des groupes les plus inventifs des années 70.
Un an après sort Soundtracks une compilation rassemblant des musiques de films. Globalement inférieur aux autres albums du groupe, ce disque hétérogène recèle tout de même quelques perles et marque également l’arrivée de Damo Suzuki en remplacement de Malcolm Mooney reparti aux Etats-Unis soigner une dépression nerveuse.

C’est donc avec le japonais que le groupe enregistre Tago Mago en 1971, deuxième album particulièrement marquant et considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs. Les quatre premiers morceaux, d’une facture plutôt classique, reprennent plus ou moins les choses là où le groupe les avait laissées sur Monster Movie si ce n’est que les musiciens, désormais en pleine confiance, se révèlent plus aventureux et nous offrent de superbes montées en régime et d’envolées enflammées preuve de la cohésion totale régnant au sein du groupe. Avec Aumgn et Peking O, Can va encore plus loin et nous prend par la main pour nous faire visiter des contrées musicales absolument vierges : percussions fantômes, électronique hallucinée, chuchotements, cris incantatoires, bruitages divers. Le résultat est certes déroutant mais totalement fascinant.
En 1971, le groupe s’installe dans le « Inner Space Studio » aménagé dans l’ancien cinéma d’une petite ville près de Cologne et bénéficie, pour son troisième album Ege Bamyasi, d’un succès inespéré par l’intermédiaire du single Spoon utilisé comme générique pour une série allemande. Le reste de l’album, quant à lui, met de côté les expérimentations de Tago Mago au profit d’un ensemble plus structuré mais toujours aussi passionnant. Rock, Jazz, Dub, Funk se croisent, se mêlent, s’enchevêtrent en toute décontraction, comme le confirmeront les albums Future Days (1973), le dernier avec Damo Suzuki et Soon Over Babaluma (1974).
C’est cette première période qui nous intéresse plus particulièrement puisqu’elle vient de bénéficier d’une remasterisation supervisée par Irmin Schmidt et Holger Czukay. Les cinq premiers albums du groupe sont donc disponibles depuis Juillet sur le store d’Apple, l’occasion de découvrir ou redécouvrir ce groupe mythique et anticonformiste.

Monster Movie (1969), Soundtracks (1970), Tago-Mago (1971), Ege Bamyasi (1972) et Future Days (1974) sont disponibles sur l'iTunes Music Store.
L'ensemble de la discographie de CAN est réédité par leur propre label Spoon Records, dont le site est aussi le site officiel du groupe.

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