L'Autorité de la concurrence inflige une amende de 350 millions d'euros à Orange pour « avoir freiné abusivement le développement de la concurrence sur le marché de la clientèle "entreprise" depuis les années 2000 ». L'opérateur ne fera pas appel de cette décision ni de son amende « la plus élevée jamais prononcée contre une entreprise individuelle ». Surtout, l'Autorité s'est agacée de voir que certaines politiques commerciales condamnées étaient toujours mises en œuvre aujourd'hui.
Dans son communiqué, l'Autorité détaille ses griefs, résultats de plaintes déposées par SFR en 2008 et Bouygues en 2010. Orange et Bouygues avaient soldé leur affaire l'année dernière avec un chèque de 300 millions signé par le premier au second.
Durant une décennie, Orange a mis en pratique quatre formes de pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la téléphonie fixe et mobile à destination des entreprises.
L'opérateur « usait de méthodes de fidélisation abusives pour ses contrats mobiles » afin de limiter les velléités de changement d'opérateurs chez ses clients « Jusqu'au début de l'année 2010, la clientèle non résidentielle ne pouvait utiliser les points acquis que dans le cadre d'un réengagement d'abonnement de 12 ou 24 mois auprès d'Orange ». Cela fut le cas pendant 8 ans à partir de 2002.
Pointées aussi, des remises en cas d'allongement de la durée initiale d'engagement et sur le parc de lignes utilisées. Orange utilise encore aujourd'hui plusieurs tactiques pour « enfermer le client dans la durée », procéder à des renouvellements tacites avec une fenêtre de résiliation très faible et appliquer des frais de sortie anticipée le plus souvent dissuasifs. Orange pousse aussi à la concentration d'un maximum de lignes, voire leur totalité, d'un même client chez lui.
L'opérateur profitait également de son statut de gestionnaire de la boucle locale cuivre pour « accéder à un périmètre d'informations plus complet, et selon des processus plus rapides, que les opérateurs tiers ». Ce qui donnait à ses commerciaux un avantage pour leur démarchage puisqu'ils savaient en priorité quelles lignes étaient disponibles et les conditions d'éligibilité. En face, les autres opérateurs pouvaient être perçus par leurs prospects et clients comme « moins réactifs et moins informés ». Cette discrimination face à l'information perdure, constate l'Autorité.
Enfin, l'Autorité a condamné les méthodes employées dans la vente de services de VPN. Des remises tarifaires étaient consenties aux seuls clients qui acceptaient de ne partager aucune prestation de VPN avec un autre opérateur : « Cette pratique consistant à mettre en place un mécanisme de rabais d'exclusivité est considérée comme restrictive de concurrence, tant au vu de sa capacité à lier les clients qu'au vu de sa capacité à évincer les concurrents. ». Orange usait de cette politique depuis 2006, elle a cessé en juillet dernier.
Dans sa conclusion, l'Autorité parle de « pratiques grave » et qui ont continué malgré plusieurs sanctions.
Le fait qu'Orange ait mis en œuvre ces pratiques de manière simultanée pendant près de 10 ans constitue un facteur aggravant, et ce d'autant plus qu'elle avait pleinement conscience de la portée de ses agissements : Orange a en effet déjà été sanctionnée à 7 reprises sur les 15 dernières années pour des pratiques similaires d'éviction ou de discrimination.
Orange a accepté cette condamnation, tant le volet financier que les injonctions destinées à faire cesser les pratiques encore en cours. Cette amende correspond à 3,5 % de son chiffre d'affaire du dernier trimestre fiscal (10,2 milliards d'euros).